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Certains voudraient croire que la crise pourrait nous rendre intelligents. À observer sereinement les débats autour des mesures annoncées par les princes qui nous gouvernent, j'avoue ne guère me sentir transporté ni par l'enthousiasme, ni encore moins par l'illusion d'une confusion entre les désirs et les réalités.
On a beaucoup commenté, de manière totalement contradictoire entre l'Hexagone et l'Étranger, les propos tenus le 5 février au palais de l'Élysée. Ils se résumaient pourtant, du point de vue de l'économie, concrètement à fort peu de chose. Cependant les uns y ont vu la magnifique refondation du capitalisme, cependant que d'autres y ont perçu la tentation d'un retour au protectionnisme.
Sur ce dernier mot, on se trouve véritablement en présence d'une sorte de tabou mondial.
On doit rappeler pour en comprendre la légitimité que, dans les années 1930, l'un des facteurs majeurs de la propagation de la crise fut la loi américaine Smoot-Hawley promulguée le 17 juin 1930 aux États-Unis, elle-même suivie de l'Import Duties Act britannique et de mesures analogues prises par la France.
Lors du grand spectacle de Davos, quelques jours plus tôt, le 28 janvier, on avait entendu les grands de ce monde, le Russe Poutine comme le Chinois Wen Jia-bao ou l'Indien Kamal Nath tonner contre ce concept.
Tout le monde l'associe à de vilaines "attitudes égoïstes".
Si j'en crois ainsi le Nouvel Observateur du 30 janvier :
En Russie, "nous n'allons pas avoir recours à l'isolationnisme et à l'égoïsme", a promis Vladimir Poutine dans son discours inaugural (à Davos) rappelant les engagements contre le protectionnisme pris par les vingt plus grandes économies mondiales lors du G20 en novembre.
Et l'agence Novosti rapportait elle-même le 28 janvier que le "chef de l'État", – sans doute voulait-elle parler du chef du gouvernement russe, – aurait "indiqué":
" le renforcement du rôle de l'État dans le contexte de la crise est une réaction naturelle face aux échecs de la régulation de marché, mais au lieu de perfectionner ces mécanismes, la tentation pourrait être forte d'élargir au maximum la participation directe de l'Etat dans l'économie, ce qu'il convient bien évidemment d'éviter."
Wen Jia-bao pour sa part aurait surenchéri :
"Le protectionnisme ne sert aucune cause et ne peut qu'empirer et prolonger la crise".
Plus près de nous que Pékin, Moscou ou New Delhi, on apprenait que le plan de soutien à l'automobile annoncé par Paris, suscitait des réactions diverses au sein de l'Union européenne. Certains taxant précisément ce programme de protectionniste.
La Commission européenne annonce donc avoir demandé par écrit aux autorités françaises des détails au sujet de ce plan. Les contacts se sont multipliés entre notamment Luc Chatel, secrétaire d'État en charge de l'Industrie, et Mme Neelie Kroes, commissaire à la Concurrence.
Voilà ce que déclare le porte parole de Bruxelles :
"La Commission a quelques préoccupations, notamment sur l'idée que les constructeurs qui reçoivent l'aide doivent s'engager à maintenir leurs unités de production en France. (…) Nous avons des préoccupations, nous écrivons donc à la France pour avoir des clarifications (…) Ce qui préoccupe la Commission européenne, c'est, dans les conditions actuelles, d'éviter toute entrave au marché unique. Ce marché unique est la base de notre prospérité".
La lettre du 10 février adressée au gouvernement de Paris relève également l'écart entre la durée de cinq ans du dispositif annoncé alors que l'accord communautaire adopté fin 2008, sous présidence française faisait uniquement référence à des interventions pour les années 2009 et 2010.
Il semble nécessaire d'insister.
En France, on nous représente pour une sorte de grande cause nationale le soutien à l'industrie de fabrication et d'équipement des voitures à pétrole. Celle-ci représente environ 740 000 emplois salariés, c'est-à-dire 3% de la population active, pas un point de plus. Sachant d'ailleurs que dès maintenant notre pays importe plus de véhicules automobiles qu'il n'en exporte, on rappellera au passage que pendant des années, cette activité a été longtemps considérée et dénoncée comme mobilisatrice d'une forte main d'œuvre immigrée. D'autre part les écologistes y voient en général une sorte de machine du diable.
Aider ces implantations, d'une manière ou d'une autre, les subventionner, cela veut dire nécessairement que l'on va prélever une partie de la capacité d'investir de la nation, la détourner d'activités rentables, productives de valeur ajoutée, sous prétexte de secourir des secteurs manifestement vieillissants et moins performants.
Jusque-là d'ailleurs on se trouve en présence des conséquences ordinaires, – celles qu'hélas "on ne voit pas", et qu'on refuse de voir, – du protectionnisme implicite.
Et, bien entendu, les opérateurs du marché politique aiment à voir les commentateurs agréés en décrire les avantages en salivant à l'évocation de leur caractère qualifié de "tentateur".
À l'inverse, on considère comme inconvenant de rappeler, dans notre pays, que 35 % de l'emploi salarié se trouve dans les services marchands. Ils représentaient en 2007 une valeur officielle de 60 milliards d'euros à l'exportation et ceci en l'absence d'aucune aide publique contre 50 milliards à l'automobile et 12 milliards à l'agriculture. Si l'on soulageait les activités tertiaires françaises des charges et transferts abusifs qu'elles supportent, je doute que le commerce extérieur de la France en pâtirait. Bien au contraire.
Mais qui songerait à explorer une aussi inconvenante hypothèse ?
Qui voudrait priver de la sorte les hommes de l'État et les bureaucrates du loisir d'opérer ces arbitrages qu'ils exercent toujours, en vertu de leur science infuse supposée bienfaisante, tels les privilégiés d'Ancien Régime sachant tout de l'économie sans en avoir jamais rien appris.
À tout prix on veut nous présenter pour gouleyante et souriante leurs interventions, généreuses, de l'argent d'autrui, distributrice comme on le dit élégamment aujourd'hui de pouvoir d'achat..
JG Malliarakis
Notes
- cf dépêche Reuters datée de Bruxelles le 10 février 2009 à 16h19
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût… pour les Éditions du Trident et pour leur catalogue février-mars 2009 téléchargeable en ligne
Vient de paraître
LA FIN DE L'EMPIRE D'OCCIDENT
Le Ve siècle, si oublié, si lointain, et cependant si proche du nôtre,
à tant d'égards, représente une période essentielle dans l'histoire de
l'Europe. L'effondrement de la partie occidentale de l'empire romain ne
s'y résume nullement en une simple “conquête barbare". De nombreux
facteurs entrent en ligne de compte et notamment la décomposition de la
société. Le parti pris des hommes des Lumières, relayé par celui des
historiens marxistes, a construit un certain nombre de mythes. Grand
spécialiste de la Gaule et de l'Antiquité tardive, Amédée Thierry
répond, non par l'Histoire idéologique, mais par des faits, sur la base
de sources solides, dans une langue claire.
Fascinante se révèle la survie de cet empire qui n'en finit pas de
mourir : "Les rouages administratifs continuèrent à fonctionner. Les
lois restèrent debout ; les coutumes séculaires ne furent point brisées
; enfin le vieil attirail des césars environna le mi-patrice sous les
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maître des milices, un questeur pour préparer ses lois ou les rapporter
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LE PÉRIL SOCIALISTE
par Vilfredo PARETO
préface de Georges Lane.
Vilfredo Pareto ne fut pas seulement le père de la sociologie moderne.
Ingénieur brillant, puis directeur des chemins de fers italiens, ses
écrits remarqués lui vaudront d'enseigner l'économie à Florence, puis
de succéder à Walras dans sa prestigieuse chaire de l'université de
Lausanne.
Dans ces écrits, il souligne, après la période romantique de
l'unification de l'Italie, combien les réseaux de pouvoirs
interviennent de plus en plus dans la banque, dans la "protection"
démagogique de l'industrie nationale, ayant pour effet de la détruire,
et de provoquer le marasme du pays. Et le socialisme d'État alimente le
“péril socialiste”. Sa formation technique et scientifique permet à
l’auteur de donner des preuves tangibles des faits qu'il analyse ainsi.
Or, les lois qu'ils dégage, et de son observation, et de sa
connaissance de la théorie économique, s'appliquent singulièrement à
l'Europe contemporaine et aux fausses solutions que les politiques
imaginent d'apporter aujourd'hui à la crise. ••• 426 pages 29 euros •••
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