La situation au Sahel risque bientôt de nous le rappeler
cruellement : nos responsables politiques gagneraient à mieux connaître
l'Histoire. Les dirigeants civils décident et supervisent des opérations militaires.
Leur formation ne les empêche pas, en théorie, de s'entourer d'un état-major
éventuellement plus compétent que courtisan. En revanche leurs sectarismes
partisans comme leurs œillères idéologiques les privent des leçons des
expériences passées.
L'intervention en Libye a-t-elle engendré des dégâts
collatéraux considérables, hélas instructifs ? Qu'importe, nous
a-t-on assuré pendant la campagne électorale de 2012 : "moi
président" rien ne ressemblera à ce qui se passait auparavant.
Malheureusement il semble, depuis 1792, que tous nos régimes
ont toujours recommencé les mêmes erreurs. Et ils jurent leurs grands dieux que
rien ne fonctionnerait comme avant.
Mieux vaut serment d'ivrogne que promesse républicaine.
Comme le socialiste Viviani en 1914, comme le radical-socialiste
Daladier en 1939, comme le non moins socialiste Guy Mollet, déployant en 1956
le contingent dans la guerre d'Algérie, l'entourage socialiste du président
Hollande semble s'imaginer qu'il suffit de presser sur un bouton pour gagner
une guerre.
On peut certes classer la plupart des journalistes, en dehors
de quelques rares exceptions, en deux catégories : les uns font profession de
dénigrer le pouvoir ; les autres ne s'emploient qu'à l'encenser. A l'usage
on découvre qu'ils raisonnent tous de la même manière, ressassant les mêmes
clichés, aveuglés de la même manière, alimentés par les mêmes mangeoires
para-étatiques.
Nous nous trouvons de la sorte, grâce à la technologie des
moyens d'informations et de communications, en contact permanent avec des gens
qui ne savent rien.
On débat ainsi de plus en plus, et une certaine gauche le
déplore mais elle ne pourra l'empêcher, sur le caractère exterminateur de la
guerre de Vendée. On pourrait en profiter dès lors pour retenir les leçons de
ce que Napoléon appelait "une guerre de géants" : ce terrible conflit
ne fonde-t-il pas ces régimes républicains dont on prétend nous interdire de
visiter les sous-sols, de peur sans doute d'y découvrir des choses qu'on ne
montre pas aux enfants.
On y remarque au passage, et à balles réelles françaises, les
fameuses phases de la "Guerre Révolutionnaire" théorisées par Mao
Tsé-toung. Elles avaient connu une vogue passagère dans les milieux militaires
français engagés en Indochine et en Afrique du nord.
Or, elles se trouvent presque exactement décrites dans les 4
volumes consacrés à l'Histoire de
la Vendée militaire par Crétineau-Joly publiés initialement entre les années
1840-1842.
Travaillant actuellement à leur réédition je ne me fais aucune
illusion, je le répète, quant à leur prise en compte "officielle".
Dans le meilleur des cas quelques habiles "sachants" les pilleront
sans les citer.
Accordons-nous quand même un petit plaisir amer. Constatons
combien les cuistres impunis plastronnent de façon stupide. La revue "l'Histoire"
avait consacré à notre sujet en juin 2012 une partie substantielle de son
N° 377. Faussement objective, cette livraison gauchisante prétendait contribuer au débat provoqué par
l'émission l’Ombre d'un doute. Or on peut y lire la note académique
savante : "l'expression Vendée
militaire est apparue dans les années 1930." Interdit de rire. C'est un siècle plus tôt que
Jacques Crétineau-Joly avait publié son immense travail, le seul étant allé
interroger et les sources et les survivants, livre plusieurs fois réédité. Mais
il ne s'agissait que d'un auteur étiqueté royaliste : alors il ne compte
pas.
Eh bien cet écrivain occulté nous décrit précisément comment,
phase par phase, en dépit de moyens matériels considérables, dotée d'une
supériorité industrielle indiscutable, etc. la république des assassins, celle
de la Terreur, comme celle de Thermidor a été incapable d'en finir avec cette
fameuse "Vendée militaire".
La phase de la guerre en ligne, celle que la théorisation de
Mao Tsé-toung place en dernier, les royalistes de l'Anjou et du Poitou l'ont
développée en premier : c'est cette Grande guerre de 1793, pathétique,
menée par des chefs chevaleresques comme Bonchamps ou La Rochejaquelein.
Crétineau-Joly nous en donne la description dans son premier volume.
Pourtant, croyant en finir, ayant expédié Carrier à Nantes à
l'automne de l'Année Terrible, la Convention et le Comité de Salut Public, y
compris le "grand" Carnot, les chefs civils républicains appuyés sur
les clubs et les profiteurs locaux du système, décident, clairement,
indiscutablement l'extermination.
Les documents officiels abondent, et le grand historien de la
Vendée les publie.
On les reconnaît à nouveau, de plus en plus. Ils accablent
l'ensemble du Comité de Salut Public, appuyés par la majorité des
Conventionnels, comme ils déshonorent ses exécutants. L'historien Reynald
Sécher, depuis les années 1980, a su manifester le courage d'en dénoncer le
crime historique, et de le requalifier de "génocide". Mélenchon et
quelques autres prétendent lui interdire l'expression. Cette querelle de mots
s'inscrit dans ce qu'il baptise à juste titre un "mémoricide".
Le deuxième volume de Crétineau-Joly, à partir de l'hiver
1793-1794 nous montre ainsi les jacobins aux prises avec une révolte qui ne se
décourage pas, et qui au contraire lui donne, toujours en Anjou et Poitou, du
fil à retordre. Ce n'est pas seulement l'époque de Turreau et des "colonnes
infernales", c'est aussi le temps de Charrette et de Stofflet. La mort de
ces deux chefs ne suffit pas à pacifier définitivement la région.
Bonaparte n'y mettra pas un terme par des moyens militaires
mais par une politique, en concédant la revendication essentielle des paysans
insurgés : la liberté religieuse, au moins en apparence, qui se traduira
par le Concordat de 1801.
Puis, le troisième volume nous montre notamment une autre
guerre : celle par laquelle sont supposées commencer de nos jours les
insurrections : la guérilla. Cette guerre des Chouans se révéla d'un type
nouveau. (1)⇓.
Elle commença dans des départements d'outre-Loire, limitrophes
de la Bretagne, et d'abord en Mayenne, où un pauvre paysan, closier et
faux-saunier (2)⇓., Jean Cottereau dit "Jean Chouan" en incarnera à la
fois l'invention et le drapeau.
Au cours de cette guerre apparaît progressivement un personnage
qui prendra une importance plus forte encore au cours du quatrième et dernier
volume (3)⇓ : Georges Cadoudal. Stratège de la trempe des plus grands,
"l'insaisissable cavalier de Kerleano" systématise les leçons de
Charette, symbole inoubliable de cette chanson de geste de la légitimité, de la chrétienté et de la liberté.
JG Malliarakis
Apostilles
- On peut soutenir que les guerillas tyrolienne de 1809-1810 et espagnole entre 1808 et 1814 en constituaient la réplique. Napoléon l’avoua à Sainte-Hélène : "cette malheureuse guerre d’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France".⇑
- Un "closier" était un petit métayer trop pauvre pour vivre d'un seul métier. C'est dans cette fraction de la population que la chouannerie recruta ses meilleures troupes. Les "faux-sauniers" aux XVIIe et XVIIIe siècles vivaient, durement et dangereusement, de la contrebande du sel, entre le Maine et la Bretagne. Cette province, autonome sous l'Ancien Régime était régie par le traité d'Union de la Duchesse Anne. Elle bénéficiait alors d'une "gabelle" beaucoup moins lourde que le reste du royaume.
Passant près de Laval ou de la charmante petite ville d'Ernée, ne manquez surtout pas de visiter la "Closerie des Poiriers". Vous y trouverez l'ancienne maison de Jean Cottereau dit Jean Chouan. Elle a été transformée en "Musée de la Chouannerie et de la Révolution" à 53410 Saint-Ouën-des-Toit (Téléphone : 02 43 37 76. 44) Hors saison on peut le visiter sur rendez-vous. Aimable et passionné son responsable, M. Messager, accompagné de son épouse, vous fera replonger dans une des périodes les plus dramatique de l'Histoire de France. Les nombreuses pages sur internet ne remplacent pas la lumière du lieu
.⇑
- Le troisième volume de cette série vient de paraître, ce 15 février.Le tome IV paraîtra en mars-avril. Les lecteurs de L'Insolent peuvent encore bénéficier du prix de souscription..⇑
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