Ce 31 janvier le quotidien conservateur britannique The Telegraph annonçait la publication de deux biographies consacrées au prince de Galles. Il ne s'agit aucunement de reportages mondains, encore moins de ces ragots dérisoires prétendument sensationnels, à laquelle on semble trop souvent réduire, de ce côté-ci de la Manche, la famille royale d'Angleterre.
Il s'agit, au contraire, de livres fort sérieux, publiés respectivement par la rédactrice en chef de Time Magazine, Mme Catherine Mayer, et par un ancien directeur de la communication et de la stratégie du 10 Downing Street, Alister Campbell, proche conseiller de Tony Blair.
Car, à 66 ans, l'héritier présomptif de la glorieuse Couronne d'Édouard le Confesseur, a eu le temps depuis tant d'années de se passionner pour de nombreux centres d'intérêt. La galanterie française m'interdisant de souligner ici que Sa Gracieuse Majesté sa mère n'est âgée que de 88 ans, qu'elle ne règne que depuis 62 ans, et ne devrait rencontrer aucune difficulté à dépasser, avec l'aide de Dieu, la durée du règne de Victoria étiré de 1837 à 1901. De plus en plus amené à exercer, parmi les 16 royaumes et les 53 pays du Commonwealth, plus quelques autres, ce métier harassant de la représentation, le prince ne bénéficie pas du compte de pénibilité.
Au-delà des sottises médiatiques il apparaît que le fils d'Élizabeth est un grand homme, doué d'une forte personnalité, et c'est peut-être ce qui lui rendra difficile son métier de Roi. Soyons cependant certains que la relève sera assurée, par lui ou par ses fils, comme elle l'a toujours été, même aux heures les plus mouvementées de sa Maison.
Dans ce film américain à grand spectacle consacré en 1963 aux "55 jours de Pékin", une image forte méritait qu'on la retienne. On y voit les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne – l'excellent David Niven – contraints de jeter des livres au feu, se débarrassant sans regret des histoires respectives de leurs nations alors encore rivales. L'épisode se passe pendant la guerre dite des Boxers, en 1900, donc entre la crise de Fachoda de 1898 et l'Entente Cordiale de 1905. Aujourd'hui on peut se demander si on disposerait même, dans les hautes sphères de notre république nombriliste, d'une connaissance de l'Histoire de l'Angleterre, indispensable cependant pour comprendre la nôtre.
En France, en effet, sous l'Ancien Régime, nous avons adulé nos rois, sans doute au-delà de toute raison. Même au malheureux Charles VI, on pardonna sa "petite reine", Odette de Champdivers qui, pour le divertir, introduisit à la cour le jeu de cartes. C'est la rupture de cet attachement passionnel à la royauté, en particulier entre 1790 et 1792, qui a rendu si difficile par le passé, l'idée de rétablir raisonnablement une monarchie constitutionnelle.
En Angleterre, au contraire, on peut soutenir que c'est d'abord l'institution que l'on a toujours respectée, comme ciment de la nation, y compris aux pires moments, y compris au XVIIIe siècle quand le roi ne parlait même pas la langue de ses sujets. Cette force civique admirable n'interdit certes pas d'aimer, mais elle ne s'en embarrasse pas.
Cette puissance conservatrice a son histoire… qui mérite plus qu'une visite !
- celle du XVIIe siècle avec les "Deux Révolutions d'Angleterre" par Edmond Sayous
- celle de l'apparition du parti conservateur au XIXe siècle, à découvrir avec le roman à clef "Coningsby" par Benjamin Disraëli
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