Dans son éditorial daté du 8 juin (1)⇓ le journal dit de la gauche intelligente a le courage de souligner ce que les cercles dirigeants de l'Europe découvrent avec effroi. Depuis la constitution et les premiers pas du gouvernement Ayrault les Français se trouvent confrontés à une expérience absolument sans précédent : celle d'un nouveau pouvoir dépourvu de tout véritable projet. Entendons par là : d'un programme compris par l'opinion, conforme aux attentes d'une partie substantielle de celle-ci et détaché des discours de pure démagogie.
Le titre de cet article en résume assez correctement la teneur : "Déficits : le flou inquiétant du gouvernement".
Ce texte pose en effet la "question cruciale de la dette et des moyens de maîtriser le déficit public".
Le quotidien du soir peut donc déplorer que : "les Français ne savent toujours pas quelles mesures concrètes le président qu'ils ont élu il y a un mois et son gouvernement entendent prendre, quelles priorités exactes ils veulent donner à la hausse des impôts ou à la limitation des dépenses pour parvenir à l'objectif déclaré d'un retour à l'équilibre budgétaire en 2017".
Particulièrement, pour les raisons que nous soulignions au même moment (2)⇓ la vieille murène de Lille s'engouffre dans cette incertitude pour exprimer sa petite différence, et "clarifier" la position de gauche : "Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, note encore Le Monde, le parti du président et du premier ministre, a sauté dedans à pieds joints lundi 4 juin en affirmant que des 'impôts complémentaires' pouvaient fournir d''énormes' marges de manœuvre."
Énorme : le mot convient - mais il s'applique à ce que ce personnage profère.
Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, peut donc sans risque se prévaloir de telles déclarations. Et le peu de précisions apportées par le nouvel exécutif l'autorise à redouter, et à dénoncer à l'avance "le tour de vis fiscal le plus important jamais réalisé contre les classes moyennes".
Une petite polémique est apparue, d'autre part, entre celui qui porta la responsabilité du gouvernement de 2007 à 2012, François Fillon et le nouveau ministre de l'Économie. Pour ne pas se trouver en reste, l'ex Premier ministre est intervenu dans Le Figaro. (3)⇓ Jugeant d'avance"désastreuse" la politique économique du nouveau gouvernement, il le considère comme inconscient de la "gravité de la situation", prêt à "augmenter massivement les impôts" sans réduire les dépenses. À quelques jours du premier tour des législatives, cette offensive peut paraître de bonne guerre. Pour répondre du tac au tac Pierre Moscovici proteste dans Libération. Il accuse donc M. Fillon d'avoir, lui, "aggravé la dette publique de 600 milliards d'euros". Querelle de campagne électorale pour préau d'école.
Ne surestimons pas en effet la différence séparant François Fillon, qui se réclame de la gauche de l'UMP, de Pierre Moscovici, qui incarne la droite du parti socialiste. Par exemple dans son entretien publié par le quotidien de Serge Dassault, l'ancien chef du gouvernement rappelle : "Nous avions prévu d'augmenter les impôts en rabotant et supprimant les niches fiscales inutiles ou inefficaces."
À vrai dire, comme il l'a lui-même montré pendant les cinq années de son ministère, il croit pouvoir se contenter de dire : "Tous les rapports, que ce soit celui de la Cour des comptes, de la Commission européenne ou encore de l'Inspection des finances, recommandent tous de freiner les dépenses."
"Freiner" ? Voilà un mot bien faible en comparaison de ce que préconisent les rapports dont, désormais, notre ancien séguiniste fait mine de se réclamer. Car la seule démarche qui rendrait possible la relance de la production et de l'activité en Europe comporte la lutte contre les gaspillages, contre les subventions improductives, et contre les charges pénalisantes infligées aux actifs et aux entrepreneurs, ce qui suppose la liquidation de tous les monopoles, y compris, rappelons-le, ceux des caisses sociales.
Le recul de ces dépenses publiques folles permettrait une véritable libération fiscale (4)⇓, et sauverait en même temps les fonctions régaliennes de l'État.
On sent que certains responsables de l'UMP en ont pris conscience. En rédigeant son petit livre bleu votre serviteur a été particulièrement frappé par l'évolution du discours de Mme Pécresse au fil des mois. Les termes mêmes utilisés par le très prudent M. Fillon, son ancien chef d'équipe, ne permettent pas en revanche de l'inclure dans ce nombre.
En face, au sein ce qu'on appelle la gauche, la situation du nouveau pouvoir évoque ce même type de flottement. Et Le Monde, qui soutient pourtant le gouvernement, en particulier pendant cette campagne législative, le constate à sa manière : "Le problème, c'est que François Hollande a maintenu tout au long de la campagne présidentielle un flou habile sur les dispositifs concrets qu'il veut mettre en œuvre pour rétablir l'équilibre des comptes en 2017."
Et le rédacteur de cet éditorial rappelle : "Son programme prévoyait de freiner la hausse de la dépense publique à 1,1 % en moyenne par an, mais sans préciser sur quels postes. Il annonçait une réforme des niches fiscales et une hausse de l'imposition des hauts revenus, sans en chiffrer le montant exact."
Malheureusement :
"En dépit de prévisions d'une croissance du PIB faible et d'une pluie d'avertissements de la Cour des comptes, de l'inspection générale des finances ou de la Commission européenne sur le dérapage des dépenses, le gouvernement s'abrite derrière un audit sur l'état des finances publiques opportunément attendu fin juin, après les élections. En attendant, il n'annonce que des nouvelles sympathiques : hausse du SMIC, majoration de l'allocation de rentrée scolaire, retraite à 60 ans pour ceux qui ont travaillé jeune…"
En sorte que le texte se termine par la conclusion impitoyable suivante :
"La zone euro est en feu. Non seulement ce flou persistant n'aide pas à maîtriser l'incendie, mais les électeurs français seraient en droit de connaître, au moment de retourner aux urnes, les véritables intentions du gouvernement. Le devoir de vérité incombe à la gauche comme à la droite."
Comment ne pas approuver ? Comment ne pas s'inquiéter ?
JG Malliarakis
Apostilles
- Mis en ligne sur lemonde.fr le 7 juin 2012 à 14 h 55. ⇑
- cf. "L'Insolent" du 7 juin. ⇑
- cf. "L'Insolent" du 7 juin. ⇑
- cf. "Pour uen Libération fiscale. On peut commander ce livre
- directementsur le site des Éditions du Trident
- ou par correspondance en adressant un chèque de 20 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris
- votre libraire peut le commander par fax au 01 47 63 32 04. - téléphone :06 72 87 31 59- courriel :ed.trident @ europelibre.com.⇑
Si vous souhaitez recevoir régulièrement des nouvelles de L'Insolent pour s'inscrire à notre messagerie.
Les commentaires récents