En cette période de crise politique française, si préoccupante pour un avenir rapproché, il convient tout de même de mesurer les nuages sombres de notre environnement mondial. Leur gravité n'en rendra que plus nécessaire l'antique devise des Capétiens : "savoir raison garder".
L'apparition sanglante du pseudo-califat proclamé à Mossoul éclipse presque, en effet, depuis plusieurs semaines et en cet anniversaire du 11 septembre, le conflit ukrainien. L'ensemble de cette situation aura largement fait prendre conscience cet été de la nécessité d'un réveil de la défense occidentale.
Ce n'est pas aggraver les dangers, c'est au contraire contribuer à les conjurer, et en cela préserver la paix, que de renforcer le potentiel militaire d'intervention de nos libres pays. Face à la sauvagerie des terroristes et face aux voyoucraties post-totalitaires, seule l'existence et le renforcement des forces paieront.
On peut certes s'étonner du maintien de la doctrine américaine encore réaffirmée par Obama : frappes aériennes contre un ennemi, que l'on ne s'apprête pas à affronter au sol. On doit donc souhaiter la réactivation de forces terrestres, clairement instruites de leur mission. Nos grands stratèges avaient malencontreusement oublié cette évidence lors de l'opération de Libye, telle que votée en 2011 à l'ONU sur la proposition de l'indécrottable Juppé. (1)⇓
On peut aussi regretter que les dispositions des traités de Maastricht en 1993 et d'Amsterdam de 1997, prévoyant la mise en place d'une identité européenne de défense, alors prévue dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale aient été abandonnées, l'UEO ayant officiellement disparu en 2011.
On peut enfin égrener le chapelet des erreurs du passé, celles de Washington comme celles de Londres ou de Paris, mais à la condition que cela serve à ne pas les recommencer.
Cependant, d'abord, on doit prendre conscience des faits, des rapports de forces actuels et des menaces bien réelles.
L'Otan, Organisation du traité de l'Atlantique Nord découle du pacte signé en 1949. À l’époque, la menace soviétique venait de se concrétiser par le coup de Prague de 1948 satellisant la Tchécoslovaquie et lui imposant une dictature communiste. En cette courte période, du RPF fondé par De Gaulle, ce "rassemblement du peuple français" allait envoyer des volontaires dans la guerre de Corée (1950-1953). La propagande communiste désignait alors ce mouvement de "parti américain". D'authentiques défenseurs de la liberté et de l'occident comme Raymond Aron ou Jules Monnerot, qui s'en sépareront évidemment plus tard, le soutenaient. C'est en cette année 1949 que Monnerot allait écrire sa célèbre "Sociologie du communisme" démontrant, notamment, que "l'entreprise" léniniste ne pouvait aboutir qu'à une lutte pour l'Imperium mundi. (2)⇓
Or, depuis 20 ans, l'union soviétique s'étant officiellement sabordée, l'Otan semblait vouée à un déclin irrémédiable. Quoiqu'entrecoupé de soubresauts formels, et pas toujours heureux, tels les bombardements de Belgrade de 1999, son sommeil durable était assimilé par certains bons esprits à un coma profond.
Et cette optique elle-même décourageait un peu plus sa composante européenne. Loin de chercher à constituer un deuxième pilier de l'alliance, le Vieux Continent, en vue de la défense duquel la structure avait été créée, relâchait au contraire considérablement son effort militaire.
De 2,3 % des PIB, en moyenne celui-ci était passé à 1,5 %, alors même que les conflits n'ont cessé de se multiplier dans le monde. Ils apparaissent sous des formes certes nouvelles. Et ils se développent sous des cieux qui, pour s'être éloignés territorialement du centre de l'Europe géographique, n'en impliquent pas moins la sécurité des Européens.
Lors de la réunion des 4 et 5 septembre à Newport il fallait donc avant tout, au-delà des mesures immédiates indispensables, — frappe contre les islamo-terroristes, soutien aux Kurdes, réponse aux provocations néosoviétiques, soutien à l'Ukraine et amélioration de la force de réaction rapide – poser le principe d'un retour d'ensemble à un effort plus grand.
L'arithmétique financière situe celui-ci désormais à hauteur de 2 % des produits intérieurs bruts, ce qui ne va pas sans réticences dans certains pays pourtant richement dotés.
Personne ne peut affirmer que les quelques milliers d'hommes annoncés pour la force de réaction rapide suffiront, personne ne peut savoir jusqu’à quand le bras de fer avec le Kremlin restera nécessaire.
Personne ne doit douter cependant de la nécessité et du sérieux de ce commencement. Le rapport de forces a toutes les raisons d'évoluer, à terme, au profit des Occidentaux. Notamment parce que la menace contribue à souder les volontés. Les méthodes apprises du KGB (3)⇓ se retourneront contre leurs successeurs comme elles ont contribué naguère à la chute de l'URSS et à la dislocation de son empire.
Le réveil spectaculaire de l'Otan n'en est que plus nécessaire. La chronique fielleuse que consacraient à la réunion de Newport, dès le 5 septembre, la "Rossiïskaïa Gazeta", relayée par "Novosti", constate qu'il s'agit, en effet, de la "plus hostile à la Russie de ces vingt dernières années". (1)⇓ Elle ne semble pas s'interroger sur le pourquoi de cette hostilité. Elle ne veut y voir qu'un invraisemblable complot réunissant, à l'unisson, les 24 alliés de l'Otan et les 28 États-Membres de l'Union européenne.
Européens, Russes et Américains nous nous trouvons pourtant confrontés à un adversaire immédiat commun : l'islamo-terrorisme. Et à long terme d'autres dangers apparaissent à l'horizon. Nous devrons les conjurer ensemble. Il serait temps qu'à Moscou et ailleurs on y pense sérieusement.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. sa conférence de presse du 17 mars 2011.⇑
- titre du Tome III de la Sociologie du communisme. cf. en fin de ce dernier volume la lettre adressée à l'auteur par De Gaulle.⇑
- les défenseurs du système post-soviétique affirment à propos du KGB : "c'est notre ENA". Tout s'explique…⇑
- cf. "L'Otan veut revenir à la Guerre froide".⇑
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