Le vote inédit des Nations unies ce 24 février, à l'orée d'une quatrième année de guerre en Ukraine me semble un événement plus significatif que l'exercice de reptation européenne et de glorification personnelle auquel s'est livré à Washington le clown de l'Elysée.
Commençons donc par le débat onusien. L'Assemblée générale du Machin avait été saisie d'une résolution américaine réclamant la fin rapide du conflit en omettant toute référence à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Au départ, ce texte demandait « instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais » et plaidait « pour une paix durable ». Or il n’a pas été mis aux voix dans ces termes. Les amendements déposés par plusieurs pays européens l'ont largement modifié, désignant explicitement les responsabilités du Kremlin dans le déclenchement de « l'opération militaire spéciale », réaffirmant son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et réclamant une « paix juste ». Le texte ainsi modifié a été adopté par 93 voix pour, 8 contre et 73 abstentions. Par rapport à la condamnation de 2022, le seul changement notable, était que cette fois la délégation des États-Unis se retrouvait aux côtés de la Russie, de la Biélorussie, de la Corée du nord... les "usual suspects" de la délinquance internationale... cependant que la Chine et les pays du « sud global » s'abstenaient.
Un spécialiste des structures onusiennes, Richard Gowan, a donc cru pouvoir se féliciter de ce que les Européens auraient ainsi « enregistré une victoire morale à l’Assemblée ».
En revanche c'est le texte américain original qui fut par la suite soumis au Conseil de sécurité, où la position trumpiste l'a emporté.
Siégeaient quatre pays membres de l’Union européenne, la France, la Slovénie, la Grèce, et le Danemark, ainsi que la Grande Bretagne. Tous les amendements déposés par ces cinq pays, condamnant l’agression russe et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, furent rejetés, sans que ni la France ni la Grande Bretagne n'utilisent leur droit de veto, cet instrument ayant été utilisé pour la dernière fois en 1989.
La « victoire morale » de l’Assemblée générale s'est ainsi transformée en déroute au Conseil de sécurité.
Cet épisode laissera, comme toute la séquence, des traces dans la relation entre l'Europe et les États-Unis.
Faut-il y voir comme on le dit parfois « un nouveau Yalta » ?
Oui et non.
Il existe une différence majeure : en 1945, la diplomatie américaine, et le New York Times, saluaient l'avènement, et l'illusion, d'une « Golden Peace » et mettait en place le système et l'utopie des Nations Unies.
Aujourd'hui, il n'est plus question que d'un accord cynique, de la loi du plus fort et d'un marchandage sordide sur les richesses du sous-sol ukrainien.
Qu'au moins cela réveille la conscience civique et historique des Européens. En effet 80 ans après la conférence de Yalta, plus de 50 ans après les accords entre Nixon et la Chine communiste, nos dirigeants semblent encore s'étonner d'assister à un nouveau retournement d'alliances entre les superpuissances.
L'urgence est d'investir dans les moyens et l'industrie de défense, et de balayer les carpettes impuissantes qui nous gouvernent. Et alors, oui, l'Europe sortira du tombeau...
JG Malliarakis
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Que peut-on faire en état de faiblesse, accepter le moins pire !
Rédigé par : Jacques Gautron | mardi 25 fév 2025 à 10:31
Ce qui s'est déroulé hier à New York est la photo de l'état du monde en ce premier quart du 21ème siècle. Deux grandes puissances règnent en maître, les USA et la Chine, avec une troisième, plus auto-proclamée que réellement "grande puissance" la Russie. Fini les prétentions d'une Europe sur la pente déclinante depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Jusqu'en 1939, quarante pour cent du commerce mondial se faisait en Livre Sterling? Que vaut cette monnaie aujourd'hui? D'autre part l'Euro qui à sa naissance fut pendant quelques années supérieur au Dollar et au Franc Suisse est depuis peu passé en dessous de ce dernier. À part quelques dirigeants ds pays concernée, plus personnes ne croit encore à la puissance européenne qui tente de toute part à juguler les voies d'eau.Le balancier de l'histoire s'est déplacé pour un très long moment.
Rédigé par : Laurent Worms | mardi 25 fév 2025 à 10:35
Franchement, il est difficile de prévoir la suite de ces "négociations".
Rédigé par : minvielle | mardi 25 fév 2025 à 19:12
1) La Russie dépend de la Chine pour une part de son commerce extérieur. Elle dépend d'une immigration de main-d'oeuvre largement musulmane (extérieure : en provenance du Turkestan). Situation qui aggrave les tensions entre le sentiment des Russes et les nécessités du marché. Le prolixe démographe moscovite Yuri Krupnov avance, avec les précautions d'usage, que si un grand changement ne se produit pas, il existera toujours un pays nommé "Russie", mais pas avec le même peuplement ethnique (business-gazeta.ru/article/662599).
De plus, les infrastructures ne sont plus au point.
Mettons que la Russie obtiendra un ballon d'oxygène qui lui permettrait de menacer l'est estonien et latgallien, et plus loin encore tous les territoires qui ont fait partie de l'Etat moscovite et/ou soviétique. Mais les bénéfices des oligarques sauveront-il le peuple comme tel ?
2) Les Anglo-Saxons, maintenant les Etats-Uniens, ont toujours eu l'art de trahir leurs supposés amis : Finlande 1940, Berlin 1953, Hongrie 1956, "Chicken Kiev Speech" de G. Busch du 1er août 1991, etc. Ce sont de quasi-maffieux, et depuis toujours, mais maintenant ils enrobent encore moins.
3) Le nouveau visage du capitalisme marchand se nomme désormais transhumanisme. Il n'est pas sûr que les E.-U., qui ont l'air de renoncer à leur fonction de "complexe militaro-financier", aient le temps et l'énergie pour imposer cette nouvelle vulgate messianique à un monde sidéré. La population américaine a beaucoup changé depuis 1960... Il y a des pentes qui ne se remontent pas.
4) Quant aux dirigeants européens, voudront-ils fonder une C.E.D., refusée jadis par on sait qui ? Pagaille dans la basse-cour.
Interrogations du moment : Trump syndic de faillite ? L'éloge des "valeurs" n'étant que la couverture morale d'une nouvelle stratégie de domination ? Poutine vainqueur dans un pays sans idées neuves, et qui descend ? Pékin mal à l'aise face à une guerre dont l'intensité reste à prévoir ? Piège de Taiwan, façon Dantzig ?
Le monde qui s'efface dans ces convulsions, au fond, ne serait-ce pas le monde blanc ?
hum.
Rédigé par : Jégou | jeudi 27 fév 2025 à 01:03
Le défi européen réside dans les arbitrages budgétaires entre un socialisme protecteur des moins doués et un réarmement stratégique du continent-monde. Le "peuple" a-t-il la fibre stratégique ou préfère-t-il les allocations ? Poser la question est y répondre.
Petite réponse
Si on pose la question comme ça, c'est peu discutable. Essayons peut-être de la poser autrement..
Rédigé par : Kardaillac | vendredi 28 fév 2025 à 16:59
Qui fabrique des "moins doués" ?
Et pourquoi n'y a t-il pas de place pour les moins "performants" d'entre les nôtres ?
Rédigé par : reynier | samedi 01 mar 2025 à 00:10
Je vous signale une lettre très intéressante de l'écrivain Boris Akunin, sur la nouvelle voie américaine (l'"AmExit"), l'Europe et "les autres", traduite ici en anglais :
https://windowoneurasia2.blogspot.com/2025/03/amexit-leaves-world-vastly-more.html
Rédigé par : Jégou | lundi 03 mar 2025 à 00:27
JGM rêve encore et toujours de plaies et de bosses, pour défendre l'intégrité territoriale de l'Ukraine, une nation qui n'a jamais existé, et stopper l'avancée d'une hégémonie russe en Europe orientale et centrale, car il se méfie (il n'a sûrement pas complètement tort sur ce point) de l'affectation d'orthodoxie du Kremlin et il pense que Poutine est encore le chef du Komintern.
Très bien, JGM est sincère et sa position a une certaine logique, au moins intellectuelle et idéologique.
Il oublie juste quelques détails:
Les sociétés européennes ont désarmé ;
elles n'ont plus de service militaire ;
elles n'ont plus d'armées mais juste, et seulement en France, un minuscule corps expéditionnaire professionel qui n'a pas brillé dans les diverses opex coloniales en Afrique et ailleurs et qui ne suffirait même pas pour défendre plus qu'un ou deux départements de la métropole ;
elles n'ont plus d'armes, ni de munitions, tout a déjà été donné à l'Ukraine et les arsenaux de l'OTAN sont vides ;
elles n'ont même pas jugé utile depuis 2022 de lancer le début du commencement d'une industrie d'armement digne de ce nom ;
leurs populations sont bigarrées, composés de jeunes métissés, avec une minorité très importante qui hait la France et se réjouirait de la voir battue ;
le reste de la population est anti militariste et LGBT ;
avec des gens comme ça il est IMPOSSIBLE de faire des soldats ;
les pays européens n'ont plus les reins assez solides financièrement, pour supporter un effort de guerre ;
leurs opinions publiques ne l'accepteraient pas ;
même si par miracle on trouvait des majorités pour ce faire, la préparation d'un instrument militaire crédible pendrait au moins 15 ans ;
même les Etats Unis ne sont plus en mesure de relancer leur industrie d'armement. Eux aussi, ils l'ont laisser s'étioler et elle n'existe plus ;
en plus les Etats Unis, allié indispensable, ont pris conscience de la réalité de la situation et ne peuvent plus se permettre l'overextension de leur puissance que permettaient le wishful thinking de l'ère Clinton, Bush II, Obama et Biden ;
par conséquenet les Etats Unis laissent tomber l'Europe. Inutile de leur en vouloir, ils n'en ont plus les moyens. Et de toute façon, on ne peut jamais compter que sur soi-même.
Les choses sont donc ce qu'elles sont, comme aurait dit le général de Gaulle, mais JGM ne veut pas le voir.
Rédigé par : Helveticus | mardi 04 mar 2025 à 17:53
Sur l'état de l'armée, le constat est juste. La gonflette n'a qu'un temps. Faut-il penser que le repli apparent des E.U. marque la fin de leur volonté de "complexe militaro-financier" mondial (ce qui était leur raison d'être et une source de leur prestige) ? Pourront-ils se replier sur des positions étatistes féroces ? Le cirque Trump-Musk cache-t-il un processus de faillite larvée entamé depuis plusieurs décennies ? L'anti-wokisme n'étant que la caution néo-puritaine du paquet ? La population des E.U. n'est plus ce qu'elle était en 1950, ni en 1963, ni en 1970. Plus du tout, et à beaucoup de points de vue.
Mais les Ukrainiens sont un peuple. Or, les peuples, avec ou sans Etat, sont des réalités organiques, contrairement à ce que proclame l'idéologie française de la Nation.
La Moscovie ('beyond the ring road') a toujours été un immense empire colonial, dont l'URSS ne fut qu'un visage. Le messianisme moscovite, forme du despotisme oriental, est maintenant tout entier dans son régime oligarchique soi-disant patriotique. Il est vrai que son dirigeant suprême a quand même fait trente ans d'occupation comme super-flic en Allemagne de l'Est, c'est beau.
Le plan de Moscou est clair :
https://desk-russie.eu/2022/04/06/les-ideologues-russes-visent-a-liquider-la-nation-ukrainienne.html
Et il faudrait l'accepter ?
Bien que, c'est vrai, la suppression du 'nazisme' est une urgence de l'heure. Nous sommes toujours en mai 1945. Quelle chance nous avons !
Fascinée par les bruits de bottes et rageant de son impuissance à domicile, une certaine droite se réjouit du massacre de vrais Européens de l'Est. Récemment, F. Fillon (futur candidat ?) a déclaré qu'il fallait laisser tomber l'Ukraine au profit de la malheureuse et incomprise Russie et se recentrer sur la question de l'Islam en France. Il met ainsi dans la balance une question de politique étrangère et une question intérieure, qu'il n'a même pas le courage de nommer 'immigration de peuplement'. C'est assez racoleur. Mais être faible sur un plan incite à s'écraser sur tous les autres.
Pour le reste, je ne parle même pas d'honneur, il y a pénurie aux USA.
Donc, attendons que M. Fillon propose de bonnes solutions pour régler la question intérieure "française" qu'il a évoquée avec tant de tact.
Rédigé par : Jégou | jeudi 06 mar 2025 à 14:40