Le premier pays à avoir affirmé cette redécouverte salutaire aura été l'Allemagne, ou plutôt son gouvernement. Règne pourtant à Berlin un attelage hétéroclite de sociaux-démocrates, de libéraux et d'écologistes. Le discours du chancelier Scholz du 27 février 2022, 5 jours à peine après le déclenchement par Poutine de son "opération militaire spéciale", annonçait fièrement un programme évalué à 100 milliards d'euros de dépenses nouvelles.
Notre voisin a donc été, parmi les grands pays, à relever clairement son budget militaire, suivant l'exemple de ceux, plus petits, qui se savent menacés, telles la Pologne, la Grèce ou l'Estonie.
On doit évidemment souligner qu'outre-Rhin, après plus de 75 ans d'antimilitarisme, si positive que soit cette décision, ses effets concrets ne pouvaient être immédiats. La reconstruction d'une armée allemande prendra du temps.
Elle supposera notamment un changement d'état d'esprit.
Et c'est bien sûr au niveau européen que se pose le problème.
L'indépendance de l'Europe occidentale suppose, de toute évidence, la consolidation et l'organisation d'un pilier européen au sein de l'Alliance. Au début du conflit ukrainien, 21 États Membres de l'Union européenne appartenaient à l'OTAN. Ce nombre a grimpé, depuis, à 23. S'il inclut désormais la Suède et Finlande, faut-il en rappeler les raisons à MM. Poutine et Lavrov, ou à leurs amis "indéfectibles" de Pékin ?
L'adhésion des deux pays nordiques n'a nullement résulté des intrigues de l'Alliance atlantique elle-même ; elle a déjoué la mauvaise volonté de deux alliés et particulièrement celle de la Turquie d'Erdogan. C'est Moscou elle-même qui est parvenue à susciter un courant désormais ultra-majoritaire en Europe de méfiance vis-à-vis de son ingérence et de ses agissements. Jusque-là elle faisait encore illusion, jusqu'au Palais de l'Élysée où l'on se flattait de "ne pas humilier" ; de même, en Ukraine, longtemps appelée "petite Russie", et avec laquelle les liens culturels et linguistiques sont bien connus, les exactions et les mensonges de l'ex soi-disant "grand frère slave" ont grandement contribué à consolider et à souder un sentiment national que ne prévoyaient pas les agresseurs.
En France, si l'effort budgétaire en faveur de l'armée est demeuré beaucoup moindre que ne le croient les commentateurs agréés, et si à hauteur de 1,94 % du PIB il demeure inférieur au seuil indispensable, évalué au taux technocratique de 2 %, si la dispersion de ce budget en affaiblit la valeur opérationnelle sur le territoire européen, on doit observer l'évolution significative et positive de l'opinion. En particulier un récent sondage dans la jeunesse française indique à un taux imprévu de 57 % le nombre de jeunes Français se déclarant prêts à rejoindre l'armée en cas de conflit.
Tout cela montre l'inanité des décisions démagogiques prises depuis l'échec de la CED en août 1954. Au projet initial d'une Communauté de défense, les traités successifs ont substitué la solution, que l'on supposait miraculeuse, du Marché commun devenu Union européenne.
Certes, l'Europe actuelle additionne des économies et cumule les règlementations, mais elle demeure tributaire du protectorat d'une hyper puissance, elle-même de plus en plus tournée vers l'Océan Pacifique. Rappelons aussi que le traité de Maastricht définissait en 1991 l'UEO, l'Union de l'Europe Occidentale, comme identité européenne de défense. Or, depuis, cette organisation fantôme, qui végétait depuis 1954, s'est officiellement sabordée en 2011.
Investir dans la défense correspond à la seule voie pour sortir de notre dépendance. C'est aussi relancer la croissance économique, technologique et industrielle. C'est enfin ramener l'État à ses vraies fonctions régaliennes, à la défense des frontières, à la sûreté des citoyens et à l'autorité de la justice. Cela suppose sans doute que l'on sorte de la bien-pensance et de la censure rampante de gauche ; c'est vouloir "que les bons se rassurent et que les méchants tremblent."
JG Malliarakis
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