Dans son admirable petite étude "Comment s'est faite la Restauration de 1814", en page 25, Jacques Bainville remarque ceci : "Un travers très français, et dont nous sommes souvent raillés à l'étranger, consiste à croire que tous les peuples gravitent autour de la France comme les planètes autour du soleil et que nous sommes l'unique souci des gouvernements."
Que dirait-il aujourd'hui ? Que dirait-il du journal officieux de la politique française, le quotidien parisien Le Monde, "journal faussement objectif, le plus objectivement faux", supposé pourtant le moins nombriliste, et qui contribue si puissamment à intoxiquer l'opinion en intoxiquant nos élites dirigeantes.
Le poisson pourri par la tête dit le proverbe russe.
Le Monde a sans doute, ponctuellement, raison de mettre en évidence un certain nombre de tares intrinsèques du régime de Poutine, au moment où celui-ci se lance dans une campagne électorale. Celle-ci démarre alors que l'opération militaire spéciale prévue pour durer une semaine en est à son 662e jour. Elle est évidemment mensongère, ou plus précisément encore plus mensongère que les nôtres. Son malheureux pays est en voie de satellisation par la Chine de Xi Jinping qui elle aussi fait disparaître ses opposants et ses oligarques.
À ce sujet on doit lire l'émouvant témoignage d'Annette Wieworka "Mes années chinoises", publié chez Stock en 2021. On y découvrira que les gentils et naïfs soixante-huitards, partis en Chine par idéal, y découvrirent, outre la réalité plus que décevante de la révolution maoïste, en vérité atroce, combien Le Monde intoxiquait ses lecteurs. Le journal répercutait invariablement auprès de l'opinion française les désinformations du régime communiste de Pékin.
Le Monde a souvent raison au gré des chroniques telles que celle de Sylvie Kauffmann. Ses alertes méritent peut-être plus d'intérêt que les états d'âme divaguants du chef de l'Etat. La dernière en date, celle du 13 décembre, à la veille du Conseil européen des 14 et 15 décembre, est demeurée malheureusement sans écho : « Prise en étau entre Trump et Poutine, écrivait-elle à juste titre l’Europe court à la catastrophe, comme les somnambules de 1914 »
Le Monde a encore raison de donner de temps en temps des nouvelles des amis de Navalny, alertant sur la situation pénitentiaire opaque et médiévale qui est faite au premier opposant de Russie. Soutenu seulement du bout des lèvres en occident son cas mérite mieux que le silence médiatique quasi-général.
Aux temps, sans doute plus durs encore de Joseph Staline, le fondateur des IVe et Ve république, que ses plus déterminés adversaires d'hier en viennent à regretter aujourd'hui, n'hésitait pas à parler d'un "affreux régime" pour qualifier l'URSS avec laquelle il s'apprêtait à traiter.
Le Monde en revanche a tort, sur le fond de la plupart des grands sujets, quand il s'agit de sortir de ce neutralisme artificiel qu'il affiche depuis 1945 et qu'il a distillé depuis des décennies auprès de nos élites dirigeantes.
On ne doit donc pas s'étonner si en l'absence de vraies boussoles au sommet, se répandent, à la base, les rumeurs les plus absurdes propagées par les prétendus réseaux sociaux, coupés de la société absorbés, désormais depuis leur plus jeune âge, dans la contemplation de leurs téléphones.
La vérité en effet est que tout est fait à la fois pour détruire l'identité française et, afin de mieux endormir nos compatriotes, pour renforcer leur nombrilisme, en leur dissimulant les périls internationaux véritables. Dès le matin en écoutant la voix de la météo, on les habitue à penser que la pluie ou la neige tombent exclusivement sur l'Hexagone. On définit comme un "régime universel" un système de sécurité sociale dont bénéficie "tout Français", en entendant par là tout habitant de la France.
Les grandes invasions du Ve siècle, celles qui ont détruit la civilisation de l'occident européen une première fois, ne se sont pas produites par un accident météorologique : elles venaient de poussées démographiques du plus profond des autres continents.
On ne rétablira la France, et on ne bâtira une véritable Europe, qu'en tournant le dos aux manipulations de l'opinion et en prenant conscience des réalités historiques comme de celles du monde actuel.
JG Malliarakis
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Les grandes invasions du Ve siècle, soit en termes européens les mouvements de peuples (qui n'eurent pas plus d'ampleur que l'expansion celtique ou la colonisation romaine), avaient aussi des causes climatiques. Mais elles eurent un grand mérite : préparer la relève d'un Empire rongé de l'intérieur par le poids de son Etat, et duquel l'idéal de la Cité antique s'était retiré. Il en est résulté un système social fondé sur la réciprocité, ce que l'on a nommé "féodalité", fondement de notre "Moyen Âge", et garant de la renaissance carolingienne, entre autres. L'étude des lettres grecques et latines s'était en partie conservé. C'est que, tout barbares qu'ils fussent, les nouveaux venus à l'intérieur du limes étaient pour la plupart des Germains, comme à l'Est ils étaient slaves. L'Europe d'aujourd'hui ne dispose plus de cette réserve biologique et politique.
Quant à sa dépendance de la Chine, la pseudo-Fédération de Russie est exposée à subir tous les contrecoups de ce grand voisin. Voyez à ce sujet :
https://newizv.ru/news/2023-12-11/avtorynok-v-rossii-totalnaya-kitaizatsiya-pochemu-eto-i-horosho-i-ploho-424836
et surtout :
https://windowoneurasia2.blogspot.com/2023/12/as-moscow-becomes-more-dependent-on.html
et sur les pertes de guerre :
https://windowoneurasia2.blogspot.com/2023/12/desperate-to-find-more-men-to-serve-in.html
A quoi serviraient des gains "géopolitiques" (cette lecture magique des faits qu'on met à toutes les sauces) si la démographie est ruinée ? Il n'y a pas, pour autant, à se réjouir du sort de la Russie (comme certains le font en "Occident"), car sous l'Etat prédateur il y a un et des peuples, dont certains nous sont apparentés.
Rédigé par : Jégou | lundi 18 déc 2023 à 12:55
1. Manipulation(s) ? Quid du processus, depuis 2014, ayant amené la Russie à déclencher son opération militaire spéciale en Ukraine, un pays dont le territoire a varié au cours des siècles, et surtout pendant la période soviétiqiue ? Il en va de même pour l’Opération Déluge d’al-Aqsa par la résistance palestinienne, consécutive à des décennies d’occupation, de persécution et de spoliation par un État lui-même issu du terrorisme -- est-ce que le groupe Stern vous dit quelque chose, ainsi le massacre, plus exactement nettoyage ethnique, de Deir Yassin ?
Rédigé par : OuahOuah88 | jeudi 04 jan 2024 à 08:31
2. Vous mentionnez Annette Wieworka et ses «petits camarades» soixante-huitards. Vous êtes de leurs contemporains et pourtant, maintenant, vous ne pouvez pas vous empêcher de reprendre les clichés actuels au point à se demander si, vous aussi, vous ne vous auto-manipulez pas également.
Cependant, vous savez parfaitement bien qu’ils se sont auto-intoxiqués sans avoir besoin d’avoir eu à se vautrer dans les immondices de ce journal immonde. Le point de départ, pour la plupart d’entre-eux, fut la controverse sino-soviétique relative à la direction du mouvement communiste international les ayant conduit à adopter le point de vue chinois contre le «révisionisme» 《修正主义》des soviétiques (russes).
Rédigé par : OuahOuah88 | jeudi 04 jan 2024 à 08:32
3. Ceci est primordial et, à ma connaissance, je n’ai vu personne le mentionner : Ces pauvres «maos» n’avaient point compris que la rupture sino-soviétique puisait ses origines dans la politique intérieure chinoise -- Mao Zedong attaquait Liu Shaoqi afin de revenir en scène après le Grand Bond en Avant.
Liu Shaoqi avait ainsi publié, en 1939 (!), un ouvrage dont le titre traduit en français signifiait «comment être un bon communiste» (《论共产党员的修养》 et an abrégé 《修养》). En chinois il y avait ainsi xiuyang 修养=(se) perfectionner. Seulement, placé dans un autre contexte, «xiuyang» devenait «révision», et par extension, «révisionnisme» (《修正主义》).
Et le tour est joué, nos paauvres «maos» allaient enfourcher un piteux canasson de politique politi-chienne chinoise, en croyant chevaucher un fougeux étalon, dans une charge victorieuse les menant des ténèbres aux lumières de tous les mythes errant possibles et imaginables.
Ils se sont ainsi auto-induits en erreur par leur propre niaiserie. Ils avaient tout saccagé dans les universités, voire versé dans le terrorisme d’Action directe, etc. Le Monde et autres titres merdiatiques les avaient seulement accompagné, sans plus. Quel besoin, par conséquent d’en ajouter comme vous le faites ?
Rédigé par : OuahOuah88 | jeudi 04 jan 2024 à 08:32