Ce 14 décembre sur France TV5 Michèle Cotta se déclarait, elle qui a tant servi la soupe aux gloires de la république : "Je suis terrorisée par la médiocrité de ceux qui nous dirigent". [cf. son entretien avec Patrick Simonin]
Médiocrité sans aucun doute, mais aussi contradiction au sommet.
Sans doute eût-elle aggravé sa condamnation, une semaine plus tard, après la stupéfiante passe de trois au sein du gouvernement d'Elizabeth Borne se félicitant d'abord du vote des deux chambres le 19 décembre, de Macron qualifiant la loi de "bouclier dont nous avions besoin", le 20, et de l'entretien dithyrambique donné ce 21 décembre par Bruno Le Maire.
A 8 heures du matin, en effet notre fringant ministre de l'économie déclarait au micro de Sonia Mabrouk qu'il approuvait à 100 % le texte adopté à l'issue de la Commission mixte paritaire par les deux chambres.
Or, deux heures plus tard, à 10 heures, on apprenait, [cf. Capture d'écran sur le site du Monde] que "le Conseil constitutionnel est chargé par l’exécutif de corriger la loi immigration."
"De leur propre aveu, écrit le journal parisien de référence, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne misent sur la censure des mesures contraires aux droits fondamentaux, qu’ils ont pourtant fait voter. Au risque de légitimer, à terme, l’appel de LR et du RN à réformer la Constitution, et à recourir au référendum sur l’immigration."
La schizophrénie du pouvoir n'appartient pas seulement au registre de la rumeur.
Elle s'inscrit dans les faits, les chiffres parlant d'eux-mêmes.
Lors du passage à l'assemblée du texte remanié, la consigne officielle donnée aux députés pro-gouvernementaux qu'on désigne trop souvent comme "la majorité" était de voter en sa faveur.
Or, si les deux groupes parlementaires constituant l'opposition de droite les 62 LR et les 88 FN ont voté à 100% en faveur du texte, les défections au sein des trois formations supposées soutenir l'actuel cabinet Borne se sont comptés respectivement :
- chez Horizons : 2 défections sur 26 députés soit environ 8 %
- chez Renaissance : 57 défections sur 170, soit 34 %
- au Modem : 5 votes contre et 15 abstentions sur 50, soit 40 %
Non seulement donc le pouvoir exécutif ne s'appuie plus, depuis 2022, que sur une minorité au sein des 577 élus composant la représentation nationale, mais dans ses propres rangs une partie des soutiens fait défaut dans un débat présenté comme décisif.
Faut-il n'y voir qu'une aile droite et une aile gauche ? Disons d'abord et surtout que tout cela dénote un grand désordre aggravant celui qui s'installe et se développe dans le pays.
On apprend par exemple que 32 départements métropolitains, ainsi que l'inévitable, récurrente et incorrigible Mme Hidalgo, Maire de la Capitale, annoncent qu'ils n'appliqueront pas telle partie de la loi qui leur déplaît, ceci au nom de leur interprétation fantaisiste d'une disposition constitutionnelle.
L'article 72 alinéa 2 et 3 dispose textuellement pourtant : alinéa 2 "Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon." Et alinéa 3 : "Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences."
C'est assez clair pour qu'un exécutif municipal, départemental ou régional puisse le comprendre.
Certes l'attitude d'un "pouvoir exécutif" qui, précisément, n'exécute pas les lois peut paraître suprêmement habile. Dans un pays où les élites admirent le génie diplomatique d'un Talleyrand inventeur, entre autres, de la Prusse rhénane, 25 ans après que ce soi-disant "abbé de Périgord" ait jeté les bases de la Constitution civile du clergé, rien ne devrait nous étonner.
La manœuvre constitutionnelle perverse d'un recours à la "sagesse" des 9 comparses de Laurent Fabius ne fait pas seulement que souligner la crise interne de la Macronie. Elle met en péril la rente de situation des juges constitutionnels érigés ainsi en censeurs du suffrage universel. Elle amène à considérer la rivalité entre un cerveau droit et un cerveau gauche de celui qui se crut Jupiter. Elle introduit dans le pays un ferment redoutable de division.
JG Malliarakis
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