On ne doit pas s'étonner si les élections législatives grecques de ce 25 juin, ont moins focalisé l'attention des commentateurs que la mystérieuse manifestation en Russie de la colère des légions.
Selon le Direct du Monde, ce 27 juin à 2 h du matin : "La rébellion de Prigojine a généré 11 milliards de vues sur les chaînes Telegram russophones en vingt-quatre heures."
En regard, la victoire du centre-droit dans la patrie d'Aristote, semble entachée, 2 325 ans après la mort du Stagyrite, de la banalité banale d'un train arrivé à l'heure. Légitimement l'intérêt du public se préoccupe du lieu actuel d'une guerre tragique. Et la mer Égée borde certes, selon la formule de l'Antiquité, "un grand pays", qui se trouve être aussi, "un petit territoire".
Votre chroniqueur, quoique s'abstenant en général de passer au crible l'actualité athénienne se permettra pourtant une entorse à cette règle de conduite. Ici comme ailleurs on gagne à voir le mouvement réel des urnes, sondage sociologique à balles réelles.
Trop de commentateurs agréés raisonnent exclusivement en fonction des pourcentages. L'observateur avisé devrait considérer plutôt les valeurs absolues. C'est le nombre effectif des voix, plus que les "points", qui traduit les mouvements de l'opinion, d'une élection à l'autre.
La majorité sortante est affiliée à la coalition de centre-droit appelée Parti populaire européen. Elle a gouverné le pays, plutôt efficacement, depuis sa victoire de 2019 sur Syriza, sigle significatif du Rassemblement de la gauche radicale. Elle a obtenu, en mai puis en juin, plus de 40 % et 158 sièges sur 300 au terme d'un deuxième scrutin basé sur la proportionnelle renforcée.
Quatre ans auparavant, sur 9,98 millions d'inscrits et 5,77 millions de votants ce parti la Nouvelle démocratie avait obtenu 2,25 millions de voix, soit un peu plus de 39 %. En face 1,78 millions de voix s'étaient portées sur Syriza, toujours dirigé par le calamiteux démagogue Tsipras. Celui-ci dépassait encore les 30 % malgré l'échec et les reniements de son gouvernement depuis 2015.
Cette année, en mai la droite obtenait 2,41 millions de suffrages sur 6,06 millions de votants. Le parti gouvernemental avait gagné 160 000 voix ; il dépasse les 40 %, écrasant à nouveau la gauche de Tsipras. Syriza, en recul de 600 000 voix, tombe à 1,18 million, 20 % des votants. Ce parti est à nouveau talonné par le vieux PASOK qui en obtient 676 000. Un mois plus tard, au scrutin de juin, la participation baisse légèrement : 5,27 millions de votants, mais la tendance se confirme. Syriza reculant encore plus passe à 929 000 voix ; parmi ses électeurs de mai, 1 sur 5 a déserté ; les sociaux-démocrates du PASOK conservent 617 000 suffrages.
De plus, parallèlement, alors que la droite modérée s'est renforcée, trois mouvements nationalistes d'opposition vont à leur tour siéger à l'Assemblée : le nouveau parti intitulé "Spartiates" clairement fasciste, issu de "l'Aube dorée" obtient 242 000 voix et 12 sièges, la "Solution grecque", issue de "l'Alerte populaire orthodoxe" 231 000 voix et 12 sièges, et enfin le Mouvement patriote démocrate "Victoire", obtient 10 députés sur un programme "la foi, la patrie, la famille". Si l'on veut bien considérer que le parti communiste grec continue d'exister, hélas, avec 7,7 % des voix et 20 députés, aux côtés des 48 partisans de Syriza, des 32 élus du PASOK et des 8 sièges de la petite dissidence socialiste, cette nouvelle "Vouli" disposera certes d'une vraie majorité de centre-droit avec 158 députés sur 300, mais toutes les tendances y seront représentées.
Or, dès le 26 juin, lendemain du vote, la très péremptoire correspondante du "Monde" s'est bien gardée d'expliquer à ses lecteurs combien la bien-pensance s'était trompée. Inutile à ses yeux de prendre en compte la relative réussite économique ou l'évolution stratégique de cet excellent client de l'industrie française de Défense, le premier en Europe à avoir acheté le Rafale. Impossible aussi d'imaginer que le peuple grec, lassé des délires anarchisants et migratoires rejette massivement la gauche.
Au contraire, les médias de l'Hexagone ont immédiatement repris, avec le concours de l'AFP étatisée, quasi-monopoliste, le fil de leurs chroniques, dépêches et enquêtes, alarmistes et moralisatrices. N'importe quel moteur de recherche pouvait retrouver ainsi à cette date d'innombrables articles, tous intitulés : "Frontex : Athènes a ignoré une offre d’avion sur le lieu de naufrage de migrants".
Le lecteur du Monde est ainsi appelé à comprendre que c'est donc de la faute des très méchants Grecs si [sous-titre] "au moins 82 personnes sont mortes, et des centaines d’autres ont disparu, dans le naufrage d’un chalutier dans la nuit du 13 au 14 juin." (cf. Le Monde du 26 juin)
Athènes est évidemment tenue pour responsable du désastre survenu à des centaines de Pakistanais, transitant depuis la Libye et tentant de gagner Lampedusa, en évitant la mer Égée où désormais "on ne passe plus".Et les bons esprits de condamner, par conséquent, la politique migratoire particulièrement efficace, car dissuasive, développée depuis 2019. La même campagne vise également l'Italie depuis l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en 2022.
On imagine mettre au banc de l'opinion et de l'Europe les pays qui, se trouvant en première ligne face à l'immigration illégale et aux abus du droit d'asile, entendent s'en prémunir effectivement.
Or, c'est précisément le sérieux avec lequel le gouvernement Mitsotakis a géré les dossiers tels celui de l'immigration illégale et de la dénaturation par abus du droit d'asile qui explique le succès de la droite modérée, qui doit maintenant faire face à une large vigilance de trois mouvements nationalistes.
On aime à définir la démocratie comme le "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Cette formule peut sembler quelque peu grandiloquente. Elle figure néanmoins, comme si c'était vrai, à l'article 2 de la Constitution française de 1958.
Il ne devrait, à ce titre, surprendre personne que l'on s'interroge dès lors sur la volonté des peuples en matière de politique migratoire. En France, depuis 40 ans, la réponse populaire réelle à cette question est sans ambiguïté, confirmée par les politologues sérieux.
De la Méditerranée à la Baltique, c'est désormais la majorité des autres pays européens qui cherche à faire front.
Pour des raisons économiques ou idéologiques, en Allemagne sous Merkel depuis 2015, ou en Espagne sous Sanchez on a imaginé de faire du "en même temps". Or, à chaque occasion, la sanction est venue à son heure. Certains s'inquiètent et s'étonnent ainsi qu'en Thuringe, ex-RDA, pour la première fois Alternativ für Deutschland l'emporte dans un district, à Sonneberg, sanctionnant la politique migratoire, après que Vox a fait une percée entrant en 2018 au parlement d'Andalousie, avant de s'étendre, alliée au centre-droit, dans toutes les régions.
Seul cet étonnement doit nous étonner.
Dans la patrie d’Aristote, si la démocratie a durablement vaincu la démagogie, on ne peut que s'en féliciter.
JG Malliarakis
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L'aveuglement des gauches européennes sur la question migratoire montre que cette tendance politique vit enfermée dans ses tours d'ivoire, se cramponne dans une idéologie obsolète, sectaire, complètement coupée d'une question prioritaire pour la majeur partie des populations.
Lenine disait: " ne jamais se couper des masses". Pour la gauche, les "masses" sont derrière leur ligne d'horizon.
Rédigé par : Laurent Worms | mercredi 28 juin 2023 à 09:13
@ Laurent Worms
"L'aveuglement des gauches européennes sur la question migratoire"
L'extrême-gauche (LO, NPA) vit dans l'utopie: Il n'y a qu'une seule et unique classe ouvrière composée de tous les miséreux du monde entier qui doit s'unir pour abattre les forces du capital et ainsi aboutir à la victoire du communisme dans le monde entier; de ce point de vue, peu importe la contrée d'où l'on est issu, l'immigration même massive n'est pas un problème, toutes les frontières doivent disparaitre.
La gauche du Système TOUT COMME LA DROITE est immigrationniste en partie pour satisfaire les forces du capital au service de main d'oeuvre à bas prix mais aussi parce que pourrie idéologiquement de cosmopolitisme issu en partie des "Lumières".
Rédigé par : RR | jeudi 29 juin 2023 à 00:31
"le nouveau parti intitulé "Spartiates" clairement fasciste, issu de "l'Aube dorée""
Tout fascisme ou néo-fascisme non seulement est absurde - cette idéologie étant datée, mais aussi hautement contre-productif.
Rédigé par : RR | jeudi 29 juin 2023 à 00:40
"Il ne devrait, à ce titre, surprendre personne que l'on s'interroge dès lors sur la volonté des peuples en matière de politique migratoire. En France, depuis 40 ans, la réponse populaire réelle à cette question est sans ambiguïté, confirmée par les politologues sérieux."
Si la question est tellement taboue en France, c'est à cause de Jean-Marie Le Pen qui par ses multiples provocations et autres calembours débiles a réussi à la diaboliser.
Quand on pense que certains ont de l'admiration pour cet escroc de la politique, on comprend mieux pourquoi on n'arrive à rien.
Rédigé par : RR | jeudi 29 juin 2023 à 00:47
Vous êtes devenu démocrate monsieur Malliarakis ?
Petite réponse :
Quoique je sois, au fond, porté à considérer que "la démocratie [parlementaire] est le pire des régimes à l'exception de tous les autres", où avez-vous trouvé dans cette chronique, que vous êtes supposé "commenter" une apologie de la démocratie, grecque ou pas, moderne
ou pas ? Aristote expliquait, notamment, que la démocratie meurt sous les coups de la démagogie dès lors que les fonctions électives devienne rémunérées. Cette réalité objective n'a guère évolué. Je n'ai pas l'impression non plus d'avoir encouragé aucune illusion quant à l'article 2 de la constitution française.
Rédigé par : Helveticus | jeudi 29 juin 2023 à 11:33
Cher monsieur Malliarakis,
Ne m'en veuillez pas je vous en prie, pour cette petite question facétieuse.
Il me semblait qu'avec l'âge et la sagesse, vous deveniez quand-même un petit peu démocrate, disons au sens de Churchill, ou alors parlementariste. Vous devenez également libéral, ou est-ce que je me trompe?
C'est juste une impression et il n'y a aucune nuance de reproche dans ma remarque taquine.
Ca m'amusait de faire allusion, entre les lignes, aux fulminations de Maurras sur la démocratie et son éloge d'une monarchie anti démocratique, anti libérale, anti parlementariste, autoritaire et décentralisée.
Est-ce que vous seriez vexé si je disais que vous êtes devenu avec le temps un conservateur, parlementariste et libéral à l'anglaise.
Vous n'avez peut-être pas toujours été tout ça en même temps, non?
En amitié.
Helveticus.
Rédigé par : Helveticus | dimanche 02 juil 2023 à 22:35
@ Helveticus
Tout dépend de ce que l'on entend par démocrate.
A la notable exception des royalistes d'obédience maurrassienne (dont je ne suis nullement), tout le monde est démocrate; même le fascisme à certains égards pouvait se prétendre démocrate.
Rédigé par : RR | lundi 03 juil 2023 à 00:30