Du 16 au 20 janvier s'est déroulée à Davos, pour sa 52e édition, la réunion annuelle du Forum mondialiste bien connu. S'y confrontent, ou plutôt s'y côtoient, les grandes tendances de l'économie et de la politique mondiales. On ne doit certes pas surestimer l'influence institutionnelle directe de ces rencontres, puisqu'aucune décision concrète n'y est prise. Ces rendez-vous en effet ont été avant tout conçus par Klaus Schwab, leur promoteur, selon le paradigme défini par Francis Blanche : celui du gala annuel organisé au profit des organisateurs de gala.
En expert, Jacques Attali n'hésite pas à saluer Davos comme "une opération commerciale très efficace où il faut payer très cher pour participer"(1)⇓. L'entreprise salarie 550 personnes. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'initiative privée se révèle plus efficace que les États.
En l'occurence le fondateur orchestre sa propre renommée par l'invocation d'une idéologie et de quelques slogans, souvent insupportables de prétention, comme la "grande réinitialisation", à laquelle on peut accorder n'importe quelle signification. Désormais il prétend théoriser la "quatrième révolution industrielle".
En revanche, il faut lui reconnaître un mérite, celui de mettre en évidence la marche des projets mondialistes, et aussi certaines dérives des États. Car contrairement à des conférences comme celles du Groupe de Bilderberg ou de la Commission Trilatérale dont les inspirateurs misent sur leur parfum de secret, celles de Davos font connaître la teneur des interventions, y compris des couacs.
Les cailloux dans l'omelette s'y révèlent en effet, au moins aussi clairement, que les hymnes à la joie.
La tribune de Davos permet ainsi d'évoquer sans fard les dangers qui pèsent sur l'Europe et l'affaiblissement de nos diplomaties divisées et contradictoires. On mesure une fois de plus combien "sans les armes" l'action purement subventionnaire du Vieux Continent reste une musique sans instrument, une douce im-puissance.
Toujours documenté sur les petites choses de la vie, l'inlassable souverainiste Asselineau, s'étrangle quant à lui sur son compte Twitter à l'idée que "les fans du Nouvel Ordre Mondial le sont aussi du plus vieux métier du monde". Alerté par la lecture du Daily Mail(2)⇓, notre vertueux jacobin commente : "La prostitution, [dont il ne passe pas pour appartenir à sa clientèle], n'étant rien d'autre qu'un trafic d'êtres humains et la marchandisation du corps des femmes, il est somme toute logique que cette activité se développe à merveille dans l'atmosphère mafieuse du World Economic Forum et de son parrain Klaus Schwab." Laissons ici aux écolo-extrémistes le soin de hurler contre les déplacements en jets privés des centaines de richissimes participants.
C'est pourtant dans un tel contexte que l'insubmersible Henry Kissinger, aujourd’hui âgé de 99 ans, est intervenu en visioconférence ce 17 janvier.
L'ancien secrétaire d’État américain reconnaît le caractère jetable de ses prises de position antérieures : "Avant cette guerre, concède-t-il, j’étais opposé à l’intégration de l’Ukraine au sein de l’OTAN parce que je craignais que cela ne provoque exactement le processus qu’on voit maintenant". Mais aujourd'hui il se dit favorable à l’adhésion de Kiev à l’OTAN car "maintenant que ce processus a atteint ce niveau, une Ukraine neutre n’aurait plus de sens". Lauréat du prix Nobel de la paix de 1973, époque où il avait négocié la reconnaissance de la Chine maoïste et la chute de Saïgon, il s'était toujours fait l'apologiste des concessions aux forces totalitaires.
C'est aussi dans ce cadre que s'est produite, par exemple, le 29 janvier 2009, l'esclandre du dirigeant islamiste turc Erdogan, alors premier ministre face à Shimon Peres. De ce jour, on a pu commencer à prendre conscience, sur la scène internationale, de cette dérive ottomane et islamiste ce que votre chroniqueur s'est efforcé d'archiver et d'analyser depuis des années(3)⇓ .
Au contraire les actes quotidiens du même gouvernement passent trop souvent inaperçus : le 16 janvier à Istanbul il dénonçait le refus de l'opposition, notamment kémaliste, mais aussi kurde et du centre-droit, de modifier la constitution laïque du pays pour permettre, au nom de la protection des valeurs familiales [dit-il], la généralisation du port du voile. Qui s'en soucie en France, alors que les réseaux pro-Erdogan agissent dans notre pays ? Seule la Suède, ces jours-ci, proteste contre le blocage par Ankara de sa candidature à l'OTAN.
Depuis 2017, la dictature chinoise vient faire l'éloge de l'exportation systématique, dans les supermarchés de l'occident de sa camelote fabriquée à vil prix en sous-payant une main d'œuvre systématiquement surexploitée. Xi Jinping appelle cela libre-échange.
Or, cette année, la voix de son maître, le vice-Premier ministre chinois Liu He est venu, 6 ans plus tard chanter le même refrain. Le couplet qu'il ajoute pour 2023 prétend nous convaincre que tout allait reprendre comme avant. Circulez il n'y a rien à voir, pas de crise immobilière, pas de ralentissement de la croissance, pas de contestation du régime communiste, pas d'écrasement de Hong Kong et des chrétiens, pas de sinisation forcée au Xin Jiang et au Tibet.
Si décriée soit-elle à l'interne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et probablement même sous la pression constante des critiques dont l'Eurocratie reste l'objet en démocratie, a été conduite à lui répondre très clairement.
Non, la destruction de l'industrie européenne par la sous-traitance esclavagiste chinoise, le pillage des technologies, l'espionnage pseudo-universitaire et la contrefaçon, cela n'est plus tolérable.
En ce sens le forum de Davos ne me semble pas complètement inutile. Autre chose bien sûr demeure l'idéologie orwellienne développée impunément par Klaus Schwab.
À suivre par conséquent.
JG Malliarakis
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Apostilles
- cf. "Klaus Schwab, le Forum de Davos, c'est lui... Cet obscur ingénieur, à l'ego surdimensionné, a eu l'idée en 1971 de réunir universitaires et managers dans la station suisse. Une idée lucrative." in Le Point du 20 janvier 2016.⇑
- "Prostitutes gather in Davos for annual meeting of global elite - where demand for sexual services rockets during economic summit"⇑
- cf. "La question turque et l'Europe" par JG Malliarakis, livre que l'on peut commander directement sur le site de l'éditeur.⇑
Un dégât collatéral du Forum de Davos est d'avoir transformé cette bourgade des Grison au charme désuet en centre commercial digne de la Côte d'Azur.
Une illustration au second degré, si ce n'est troisième, des conséquences de cette grande Messe. Mais là s'arrêtent ses dégâts. Un forum de libre échange d'analyses et de points de vues n'est jamais négatif.
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 23 jan 2023 à 12:50
Ce Schwab devrait prendre sa retraite. Il est trop vieux et il commence à yoyoter. On le présente comme un maître du monde machiavélique qui se caherait derrière toutes les horreurs de notre époque, comme l'empoisonnement universel par injection toxique obligatoire et tout le reste. En plus il en rajoute et présentant lui-même ces plans atroces, avec une vantardise et une outrecuidance effrayante et ridicule. Ce qui est vrai c'est qu'il est manifestement porteur des idées des Illuminés de Bavière, qui n'ont jamais cessé d'exister au cours des siècles sous divers noms de couverture et qui existaient déjà, sous d'autres noms, bien avant qu'Adam Weishaupt soit né. Klaus Schwab est le baron Knigge de notre époque. Je préférais le vrai baron Knigge qui était plus décoratif et moins ridicule.
Je me souviens de Klaus Schwab quand il était le professeur d'économie le plus ennuyeux de l'université de Genève, absolument soporifique. Il n'avait aucun succès. Puis il a rencontré Henry Kissinger qui l'a trouvé intéressant, on se demande bien pourquoi, et lui a proposé d'organiser des petites rencontres discrètes pour des décideurs. Kissinger avait un bon carnet d'adresses, comme on peut imaginer et Schwab en Allemand besogneux était assez bon organisateur. D'abord on se réunissait dans des hôtels cinq étoiles, pas tout de suite à Davos et pas nombreux: une centaine de personnes au maximum. Pas de service d'ordre, pas de tralala, luxe et confort, discrétion et ces messieurs pouvaient parler. Ce n'était pas mal. Puis, je ne sais pas pourquoi, ils ont décidé d'en faire une vitrine mondiale arrogante et lucrative et de poser en Scapins de la gouvernance mondiale "puisque ces mystères nous dépassent feignons d'en être les organisateurs". Ils ont jeté leur dévolu sur Davos, vieille station de sports d'hiver un peu endormie, qui avait hébergé des colloques dèjà avant la guerre où l'on pouvait rencontrer Ernst Cassirer, Heidegger et même Gonzague de Reynold. Il fallait bien être allemand pour avoir l'idée de Davos. C'était une bonne idée, mais ils ont exagéré. Ils sont tombé dans le gigantisme. Aujourd'hui l'armée suisse n'a plus qu'une seule mission apparemment, qui est de protéger ce colloque. C'est insensé.
Le canton des Grisons devrait donner à Klaus Schwab la médaille d'or pour services rendus au tourisme local. Ca, il l'a mérité. Après quoi, il devrait tirer sa révérence. Il commence à devenir une nuisance, pour la cause même qu'il prétend servir, et il nous scie la caramelle comme on dit chez nous.
Rédigé par : Helveticus | lundi 23 jan 2023 à 14:36
Vous pointez allègrement tous ces personnages et leurs commentateurs, leur fatuité et leur utilité révélatrice, Helveticus est dans la même veine, bravo, je conserve et j'imprime cette chronique jubilatoire à faire pâlir d'envie le Courrier des Stratèges!
Rédigé par : BL | lundi 23 jan 2023 à 16:18
Le système a besoin de potiches, pas très intelligentes mais appliquées, qui servent de paravents ou d'hommes de paille. Le Souabe fait parfaitement l'affaire. Après lui, ils en trouveront un autre.
Ce qui est gênant avec la catégorie des "Supérieurs inconnus" (ah, les maîtres du Monde...), c'est qu'ils cachent les vrais supérieurs que l'on pourrait connaître en se donnant un peu de mal.
Schwab, supérieur trop connu ? Combien de doses ?
A ce propos, que s'est-il dit de l'immigration africaine en Europe ? Ca va continuer ? Ou n'est-ce qu'un sujet mineur ?
Rédigé par : Jegou | lundi 23 jan 2023 à 18:35
François Asselineau se moque du monde lorsqu'il affecte le puritanisme au sujet des prostituées attirées par le Forum de Davos. En Suisse, la prostitution est légale, et largement exercée par des femmes non soumises à l'esclavage sexuel, quelle que soit l'opinion morale que l'on puisse avoir sur leur commerce.
Asselineau, en dehors d'être un islamo-complaisant maquillé sous un souverainisme de façade, un complotisme obsessionnel et un poutinisme avéré, s'est largement illustré lui-même en pratiquant le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle de nature homosexuelle au sein de son propre parti. Il ferait donc mieux de la mettre en veilleuse sur ce sujet.
https://fr.wikipedia.org/wiki/François_Asselineau
Il a aussi la détestable habitude d'envoyer ses partisans troller en meute le moindre espace de commentaire, avec leurs chouinements ridicules sur le thème "euh, mais, vous ne parlez jamais du programme d'Asselineau, euh, c'est de la censure, euh".
Concernant la vénalité du Forum de Davos, en revanche, on notera avec intérêt que ses organisateurs ont tenté d'obtenir 250 000 dollars de Bill Browder, le militant international qui lutte contre le régime criminel de Poutine, en échange du titre de délégué officiel.
Bill Browder voulait simplement s'adresser aux participants pour les convaincre de consacrer les fonds russes gelés à l'étranger à la reconstruction de l'Ukraine.
https://ukrainetoday.org/2023/01/24/davos-forum-tried-to-skank-250k-out-of-bill-browder
En revanche, j'estime, pour ma part, que ceux qui promeuvent la thèse de "Davos, centre maléfique des maîtres du monde" relèvent du complotisme imbécile, quand ce n'est pas de l'antisémitisme pur et simple.
Davos, c'est un raout international de personnalités de la politique, du monde des affaires et des médias, comme il en existe des milliers. Il ferait beau voir que ces gens aient interdiction de se rencontrer. Interdit-on aux amateurs de pétanque de se rencontrer derrière le Bar des amis ? Le "gala organisé au profit des organisateurs de gala" lui convient assez bien comme description.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 24 jan 2023 à 16:09