À Montréal, ce 19 décembre, on aura assisté au ralliement médiatisé du gouvernement de Pékin au flonflon des accords mondialistes sur la biodiversité et le climat. Sans doute spectaculaire, immédiatement saluée comme il se doit par la bien-pensance internationale, immédiatement dénoncée comme insuffisante par les khmers verts de l'éco-extrémisme, cette embrassade de 200 administrations appelle quelques réserves. On rappellera par exemple qu'aucun des objectifs d’Aichi adoptés en 2010 au Japon, n'a pratiquement été rempli. On notera aussi que le programme présenté pour planétaire ne concernera que 30 % de la surface du globe. Ne nous dissimilons pas non plus qu'il mobilisera des transferts de milliards de dollars financés par les Occidentaux, et qui ne seront pas perdus pour tout le monde.
Mais, quoiqu'éclipsé par ce retour en force de la Chine dans le camp du Bien, le revirement de son même pouvoir communiste, sur le terrain du diktat sanitaire, ne saurait être pris à la légère.
Enfermées depuis bientôt 3 ans dans une politique zéro-Covid totalitaire, absurde et liberticide, les autorités ont viré, en effet, radicalement. La pandémie apparue à Wuhan fin 2019, cachée dans un premier temps, présentée par la suite comme la peste des temps modernes, se trouve rétrogradée au rang d'une simple grippe.
L'honorable Lu Shaye, ambassadeur chinois en France présente ce zigzag stalinien d'une manière qui laisse rêveur : "En Chine, le pouvoir sait écouter le peuple, qui a le droit d'exprimer son mécontentement. Nous pratiquons la démocratie populaire intégrale. C'est une forme différente de la vôtre mais elle est plus riche."(1)⇓
La vérité est bien différente. Au cours de l'automne, dans diverses provinces du pays les émeutes anti-confinement s'étaient multipliées. Dès lors appeler le mode de gouvernement "démocratie populaire", la dire "intégrale", pour expliquer la reculade des autorités, semble aussi saugrenu que lorsque l'on qualifiait de la même façon les régimes d'Europe de l'est sous occupation soviétique.
Et si, début décembre, la dictature chinoise a mis fin sans préavis à la plupart des mesures restrictives de liberté à prétexte sanitaire, ce n'est pas seulement du fait de l’exaspération grandissante de la population. Ce là tient surtout à l’influence catastrophique du confinement sur l’économie.
Les signes de craquement se multiplient en effet dans l'édifice du pays que l'on présente si souvent comme "l'usine du monde". En particulier le krach du secteur immobilier y reflète un désarroi grandissant. La construction de logements en Chine avait produit 1,57 milliard de m2 en 2021, mais soudain, en 2022, on a enregistré une chute brutale : les prix ont baissé de 30 % en un an, déclin supérieur à celui enregistré lors de la crise de 2008, le nombre des ventes de 40 %, et celui des nouvelles constructions de 45 %.
Or la stratégie de puissance du régime se fonde, depuis 40 ans, sur l'accumulation financière... Il devenait donc urgent de faire machine arrière sans même que le message ait été véhiculé, encore moins discuté, lors du 20e congrès du parti unique en octobre.
On a appris ainsi en décembre que, du jour au lendemain, plusieurs villes, la province de Zhejiang, limitrophe de Shanghai, et l'énorme municipalité de Chongqing aux 30 millions d'habitants, autorisent désormais leurs ressortissants à se rendre au travail normalement même s’ils présentent des symptômes du Covid-19 alors que Quelques semaines plus tôt, ils auraient été envoyés en centre de quarantaine.
Quoi de mieux, dès lors, pour saluer le virage que la bonne vieille méthode du trucage statistique. Pour justifier l'enfermement des populations, on prétendait les protéger du Covid-19 : pour liquider cette politique on a décidé d'en minimiser la portée.
Selon diverses études, la sortie brutale et sous-préparée de la Chine du zéro-Covid pourrait entraîner près d'un million de décès, alors que le pays se prépare à une vague d'infections sans précédent se propageant de ses plus grandes villes à ses vastes zones rurales. L’un des principaux épidémiologistes locaux, Wu Zunyou estimait ainsi le 19 décembre que 3 vagues sont à prévoir, dont une lors des congés du Nouvel An Lunaire du 22 janvier.
Cependant ce 20 décembre, tout a changé. Les statistiques officielles ne prennent plus en compte, comme précédemment, les gens qui meurent "avec le Covid", mais uniquement ceux qui décèdent sous assistance respiratoire. Et de se féliciter que seulement 7 (sept) cas aient été enregistrés, depuis le 1er décembre, dans un pays de 1,4 milliards d'habitants.
Tout va donc pour le mieux. Quoi de plus banal que la grippe en hiver ?
Depuis les années 1980, c'est dans tous les domaines que les évolutions de la Chine se répercutent dans le monde entier.
Nous ne devrions pas ignorer, par conséquent, l'influence considérable de ce qui se passe dans cet immense pays sur divers aspects de notre société et de notre vie quotidienne, sur une bonne moitié des institutions de la gouvernance mondiale, dont l'Organisation mondiale de la Santé, et sur les finances de nombreux pays pauvres, en Afrique, dans l'Océan Indien ou en Amérique latine
De même que la planification mise en place par Staline et le Gosplan en URSS a été reprise, dans les années 1930, de façon édulcorée par les Occidentaux, la dictature hygiéniste adoptée par Pékin en 2020 avait envouté les esprits technocratiques tel, en France, l'insupportable ministre Véran qui a empoisonné pendant des mois l'existence de nos compatriotes.
Le modèle autoritaire chinois peut bien trouver des thuriféraires étrangers le qualifier de "démocratie". Que veut dire ce mot ?
On ne s'interrogera donc pas ici sur ce qu'en pense Jean-Pierre Raffarin mais sur l'ignorance de l'histoire, car depuis 1949 le régime maoïste et post-maoïste n'a cessé d'engendrer des échecs sanglants, sans débat véritable, ni libertés.
JG Malliarakis
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Apostilles
- Déclaration reprise par Le Parisien du 11 décembre.⇑
1) L'une des leçons que Pékin a tirées de l'URSS : tout relâchement dans la position du parti, de l'armée et de l'appareil d'Etat entraînerait un ébranlement du régime. D'où la méfiance envers des réformes trop rapides. Mais une autre leçon est que la stagnation bureaucratique (avec ses séquelles : corruption, lucre, etc.) menace également le système. D'où la nécessité de réformer sans ébranler les trois piliers du PCC, de l'armée, de l'administration.
2) Main-mise chinoise :
Moscou a décrété que le District Federal d'Extrême-Orient (plus du tiers du territoire, mais faiblement peuplé) serait désormais TOR 'Territoire de développement avancé", i.e. zone d'investissement étranger libre de taxes (et de contrôles). Pékin sera le seul bénéficiaire de cette situation qui ruine encore un peu plus la Sibérie.
3) Un des problèmes majeurs des investisseurs chinois :
Le poids de la Chine dans les transports grossit les charges des débiteurs, qui se tendent considérablement sous la pression, car il y a trop de caisses et de fûts à manipuler.
Rédigé par : Jegou | mercredi 21 déc 2022 à 17:28
Évidemment, la Chine n'est pas une démocratie.
Mais si la définition de la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, sommes-nous encore en démocratie en Occident ?
Petite réponse
Je défends ici les libertés, c'est l'ambassadeur chinois qui parle de "démocratie".
Rédigé par : Alain Charoy | mercredi 21 déc 2022 à 17:59
@Alain Charoy
Michel Onfray répond assez bien à votre question sur CNews
https://www.youtube.com/watch?v=lNDjJneH9QQ
Rédigé par : Emile Koch | mercredi 21 déc 2022 à 19:45
Le concept de"démocratie populaire" et le régime de parti communiste unique instauré par Lénine et qui demeure encore dans quelques pays comme la Chine , l'Iran des Mollahs, la Russie,Cuba etc.., ne font pas bon ménage.
Quand on est seul à décider,tout revirement même au cas où il serait justifié, et ce n'est pas souvent arrivé dans ces régimes totalitaires, parait encore plus grossier vu l'absence de débat.
Quant à la politique zéro covid aujourd'hui jumelé à la guerre d'Ukraine, semble marque une pause, si ce n'est l'arrêt des "30 Glorieuses"chinoises.
Rédigé par : Laurent Worms | mercredi 21 déc 2022 à 20:05
Le parti Communiste en URSS n'était pas le plus fort des points d'appui du régime, malgré son rôle d'encadrement. Le premier point d'appui, à part l'armée, était l'appareil d'Etat, dès le début. Divisé entre "néo-impérialistes" et "poutino-sceptiques", le KPRF ne représente plus grand chose, tandis que les Organes sont presque omnipotents. Successeurs du KGB, de la Guepeou, du NKVD, de la Tchéka, ce sont les mêmes milieux qui gouvernent, et qui ont mis Poutine à la place qu'il occupe, en digne héritier d'Andropov et de cette vieille génération.
Le KPRF ne joue plus aujourd'hui le rôle social que, dans une certaine mesure, le PC jouait encore sous Brejnev : désamorcer les conflits, intercéder localement. d'où la réflexion du précédent président estonien : "Quand les Russes reviendront, ils n'auront même plus le frein (verbal, mais pas que) de la morale socialiste ; ils seront pires."
Aux dernières nouvelles, le Groupe d'Helsinki (créé en 1976) serait judiciairement dissous. Normalisation soviétique et étatiste, pas "communiste".
Le régime se permet aujourd'hui en Russie, au plan intérieur, des actes qui auraient été inconcevables il y a cinquante ans.
Idem en Occident. Nous assistons partout à une dégradation des rapports et du tissu humains. C'est pourquoi il est logique de lier guerre d'Ukraine et excès chinois. Mais sans se faire aucune illusion sur l'Occident, notion qui, étymologiquement, renvoie à un déclin.
C'est plus grave que prévu.
sans aucun retour
Rédigé par : Jegou | mercredi 21 déc 2022 à 21:24