Si vous avez aimé les contorsions politiciennes qui caractérisaient déjà le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, apprêtez-vous à adorer celles de son second mandat.
Avec l'annonce d'une transformation du régime des retraites et celle d'une nouvelle loi sur la fin de vie, le gouvernement Borne aborde une phase cruciale de ses velléités centristes du "en même temps". D'un côté, pour faire voter l'allongement de la durée du travail, le gouvernement aura besoin d'un soutien à droite. Et de l'autre, pour faire bonne mesure, on prépare une législation de l'euthanasie permettant légalement au corps médical d'accomplir ce que le serment d'Hippocrate lui interdit, mais qu'une partie de la gauche est prête à approuver.
Un tel mécanisme, faussement subtil, s'était développé sous Giscard d'Estaing sous le nom de "majorité d'idées".
Commençons ici par le détournement du mot "Majorité". Il s'agit d'un abus de langage : précisément, ni le scrutin présidentiel d'avril, ni le résultat des législatives de juin ne font rien apparaître de tel. Le mot fut utilisé dans ce sens dévié à partir des années qui suivirent la difficile réélection du général De Gaulle en décembre 1965. Il s'agit là en effet d'un épisode fondateur du régime qui, depuis, n'a certes cessé d'évoluer mais, hélas, toujours vers le bas.
Le président sortant inaugurait alors le nouvel article 7 de la constitution de 1958, révisée sur ce point en 1962. On organisait désormais l'élection du chef de l'État au suffrage universel. Ce fut un échec, dans la mesure où l'intéressé imaginait être réélu dès le premier tour. Or, il fut mis en ballottage le 5 décembre et ne l'emporta le 19 qu'assez médiocrement : 55,2 % des voix contre 44,8 % à François Mitterrand, alors plus ou moins radical-socialiste soutenu par le parti communiste. Les opposants de droite, le démocrate-chrétien Lecanuet, le national-libéral Tixier-Vignancour et le conservateur Marcilhacy avaient obtenu respectivement 15,6 %, et 5,2% et 1,7 %. Soit une total, certes non négligeable mais profondément divisé, de 22,5 % des voix.
Dès janvier 1966, ulcéré par ce désaveu "le général" avait alors déclaré au conseil des ministres qu'il "irait plus loin que leur front populaire". C'est à cette époque que s'évanouirent les projets de restauration d'une monarchie constitutionnelle, rêve auquel s'accrochèrent longtemps les maurrassiens devenus "gaullistes de gauche" (1). Et "en même temps", déjà, il conservait comme Premier ministre Georges Pompidou, considéré comme particulièrement rassurant pour les milieux économiques.
Pas question donc d'employer face à la gauche, le concept de "droite" : on parla, à partir de cette date de "majorité". Le communicateur en chef de cette démarche fut incontestablement alors Michel Bongrand créateur de la société de conseil "Services et Méthodes" qui a, sans doute le premier, su utiliser en France, sur le modèle de Kennedy observé aux États-Unis l'irruption de la télévision dans les campagnes électorales, aujourd'hui techniquement dépassée par les réseaux sociaux. On notera que conseiller de la campagne Lecanuet, il avait fait passer celui-ci de 4 % dans les sondages initiaux à 15 % dans les urnes. Recruté par Pompidou il parvint aux législatives de 1967, à faire en sorte que la prétendue "majorité" se sauve de justesse au parlement en détachant "des oppositions", réputées plurielles, les députés parisiens de droite Bernard Lafay et Frédéric-Dupont.
On s'achemine donc, subrepticement mais assez clairement, vers une tentative du même ordre.
Seulement voilà. Si "l'histoire recommence toujours", elle ne se répète jamais à l'identique. Le hic peut se résumer à ceci : Macron n'est pas De Gaulle, Mme Borne n'est pas Pompidou, son gouvernement a besoin du "ralliement" de plus de 2 députés au sein de l'Assemblée nationale, et la "réforme des retraites" a très peu de chance d'être votée.
JG Malliarakis
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Note (1) on se souviendra ainsi que le philosophe Pierre Boutang (1916-1998) qui influença toute une génération d'intellectuels de droite marqua cette évolution. Après avoir publié de 1955 à 1967, l'hebdomadaire La Nation française, ouvertement royaliste, il se rallia à la Cinquième république, en accord avec le comte de Paris.
C'est la malédiction des vainqueurs par ralliement des carriéristes.
https://www.contrepoints.org/2022/04/08/425053-presidentielle-ralliements-quel-espoir-dameliorer-la-democratie
Rédigé par : Guy-André Pelouze | lundi 19 sep 2022 à 10:39
Macron va tenter un mouvement de pendule tantôt à droite tantôt à gauche pour faire passer ses projets de ses réformes successives. Mais voilà la France n'est pas consensuelle comme l'Allemagne capable de regrouper une large coalition. D'où, comme pour le budget à venir, le prévisible recours au célébrissime "49,3" chiffre qui illustre bien l'absence de majorité. Le hasard fait bien les choses de temps en temps.
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 19 sep 2022 à 12:02
Déjà, la loi qui autorise la profanation de sépulture... Bref, comme disait feu mon père, à propos de l'Indo (47-49 pour lui), ça venait par vagues successives. Le mal est un ressac.
Rédigé par : minvielle | lundi 19 sep 2022 à 15:02