Ce 14 juin à 5 h 41, le quotidien officieux de la vie politique française pouvait titrer sur ce que sa rédaction appelle "la revanche d’Édouard Philippe et de François Bayrou, désormais au centre du jeu macroniste". Résumé de l'article du Monde : "L’ancien premier ministre et le président du Modem entendent profiter de la contre-performance de La République en marche pour peser davantage dans l’éventuelle future majorité présidentielle."
Voilà qui semble poser assez clairement le problème du degré de parlementarisme dans notre vie politique. Ceci peut et doit être pensé indépendamment même du barrage de bon sens que doivent dresser les défenseurs des libertés. Car on ne peut pas assister, sans réagir, à la transformation d'un score de 25 % des suffrages exprimés, sur 48 % de votants, soit 12 % du corps électoral, en une "majorité" factice au sein de l'Assemblée nationale.
Autour de nous, la plupart des pays européens vivent, sans trop le regretter semble-t-il, sous des régimes parlementaires. Étrangement nos commentateurs parisiens agréés semblent l'ignorer superbement. Ils ne s'intéressent nullement que très peu aux institutions de l'Angleterre ou de l'Allemagne, de l'Italie comme l'Espagne. Ne parlons même pas de la Suisse, de la Belgique ou de la quasi-totalité des autres États-Membres de cette Union européenne. De celle-ci pourtant les contours ont été dessinés par les Delors et Lamy en 1991, Juppé et Toubon en 1999, Chirac puis Giscard ayant conduit à l'échec le projet de Constitutions de 2005 devenu traité de Lisbonne en 2006. Tous ces jacobins étaient issus du même moule technocratique.
Ah certes le magnifique jubilé d'Elizabeth II, après 70 ans de règne a retenu à bon droit l'attention du public. La famille royale britannique émeut d'ailleurs assez régulièrement, de ce côté-ci de la Manche, par ses bonheurs comme par ses moments de deuil des gens, qui par ailleurs n'imaginent pas, non plus pouvoir vivre eux-mêmes autrement qu'en république.
Or, nous assistons sans doute aujourd'hui à un tournant de la cinquième édition de la série de nos infortunes. Car nous continuons de les couvrir de ce mot, emprunté à la Rome vertueuse et à la prude Genève, périodiquement réinventé en 1792, 1848, 1873, 1946 et 1958.
Un aimable correspondant helvétique, s'attachant à répondre à votre chroniqueur, ce qu'il fait abondamment, se déclarait "toujours baba de la fine connaissance des cuisines républicaines que possède le royaliste Malliarakis." Préférant en général, je l'avoue humblement, regarder les beaux endroits hérités du grand passé de la France et, de temps en temps, les émissions de Stéphane Bern plutôt que la série consommatique Top-Chef, je partage sur un point son questionnement, quand il trouve : "curieux que ce régime inepte et décevant, qui ne cesse d'échouer depuis qu'il existe, parvienne toujours à se maintenir par défaut."
Au vu des résultats de la première salve des élections législatives, il me semble probable que lesecond tour, ce 19 juin, conduira à la redécouverte par les Français, de la nécessité d'un régime parlementaire équilibré. Tel pourrait se révéler le fruit le moins mortifère du règne macronien.
Dans la typologie théorique des constitutions, on doit garder présent à l'esprit que le diable réside dans les détails. Ainsi les institutions de 1958 avaient-elles été conçues pour améliorer le texte de 1946 lui-même rédigé en réaction contre la pratique de la troisième république. Chacun rejetait alors les faiblesses de la quatrième, avec dégoût, tout en décidant de sauvegarder le principe de la responsabilité ministérielle. De la sorte le nouveau maître du pouvoir, pouvait bien avoir été rappelé de Colombey après 12 ans de traversée du désert, et après que son parti, conçu en 1947 comme un "rassemblement", fut "devenu une débandade". Et même tel était le mandat reçu par De Gaulle lors de son investiture de juin, à la suite des manifestations de mai à Alger.
Première à s'exprimer lors du débat à l'Assemblée nationale, l'intervention de Jacques Isorni annonçait, dès le départ, le peu de confiance que la droite nationaliste investissait dans l'opération gaulliste. L'ancien défenseur de Robert Brasillach déclarera donc ce jour-là au Palais Bourbon :"Que Dieu le préserve de lui-même".
Pierre Mendès-France résume à lui seul les réticences d'ensemble des responsables politiques des grands partis de gouvernements qui avaient dominé la IVe république : "C'est le mauvais usage que nous avons fait du régime parlementaire qui nous a menés où nous en sommes. Nous n'avons pas été suffisamment fidèles aux grandes volontés de la nation. Nous avons eu le tort de suivre des gouvernements débiles..."
C'est dans cet esprit que fut, à la fois, accordée la confiance à un gouvernement transpartisan présidé par Charles de Gaulle, et confié la mission de mettre en place une nouvelle rédaction de la loi fondamentale. Ce vote fut alors acquis par 329 voix contre 224. Figuraient dans la nouvelle équipe aussi bien des ministres démocrates chrétiens issus du MRP, des socialistes de la SFIO, des conservateurs du CNIP, et même des radicaux-socialistes, à la seule exception des communistes, aux côtés d'une poignée de fidèles du Général, qui proclamaient tous, haut et fort, leur attachement à l'Algérie française.
La constitution, rédigée pendant l'été, fut ratifiée par référendum en septembre et promulguée en octobre. Elle resterait formellement parlementaire : en ce sens que le pouvoir législatif y disposait, et cela demeure, du pouvoir de censurer un gouvernement seulement chargé d'exécuter la loi.
Il semble nécessaire aujourd'hui de revenir à cet impératif.
JG Malliarakis
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mais oui, il faut revenir à un régime parlementaire - ce qu'est la Ve République constitutionnellement- et surtout à une pratique parlementaire tempérée par le referendum d'initiative populaire et d'initiative présidentielle. Le PR doit être élu à un seul tour, pour en finir avec le mythe comme quoi il serait majoritaire ce qui lui permet de se vouloir tout puissant. Le PM doit présider le conseil des ministres sans le PR sauf cas exceptionnels dans l'année.
Rédigé par : Pierre Le Vigan | lundi 20 juin 2022 à 16:22