Tremblement de terre, assurément, cet échec du parti présidentiel au 19 juin 2022. À un tel niveau la Bérézina dans laquelle a sombré la pseudo-majorité, personne ne pouvait l'imaginer, ni même en rêver.
Interrogeons simplement l'histoire politique française. On ne l'enseigne plus vraiment à nos futurs technocrates, journalistes et autres commentateurs agréés. La seule comparaison possible, en termes de discrédit généralisé d'un régime et de son gouvernement, remonte à 1956. Les élections de janvier avaient été provoquées par le radical-socialiste Edgar Faure.
Or, elles ne se traduisirent pas seulement par l'arrivée au Palais Bourbon de 56 députés poujadistes. Cette vague semblait totalement imprévue des renseignements généraux. Le livre consacré à "la IVe république" de Jacques Fauvet, journaliste du "Monde" quand ce titre n'avait pas encore sombré, fait à cet égard autorité. Publié en 1959 dans la collection des Grandes Études historiques, chez Fayard, il a été republié en Poche en 1971. Les rapports confidentiels de l'administration prévoyaient, y explique-t-il, la poussée "d'extrême droite" d'un parti, constitué en 1954, autour du général Weygand, qui s'appelait le rassemblement national, ne pas confondre : il n'obtint que 500 000 voix. Je laisse aux archivistes le soin de détailler ce qu'il en advint.
Autre caractéristique de ce scrutin : il vit la quasi-disparition du parti gaulliste. Le RPF avait connu une poussée aux élections précédentes en 1951, mais le soufflé était retombé et le Général, retiré à Colombey, avait lui-même constaté que "le rassemblement était devenu une débandade". En 1956, seuls une poignée de "républicains sociaux" retrouvèrent un siège de députés. Groupe charnière des gouvernements qui se succédèrent, ils en étaient réduits à dire "nous existons puisque nous pouvons encore détruire".
Deux ans plus tard, en 1958, une nouvelle république allait naître.
En cet an de grâce 2022, et depuis plusieurs jours on pouvait donc s'attendre, mais pas à ce point, à la situation nouvelle qui s'ouvre ce 20 juin et nous pouvions légitimement chercher dans les mécanismes institutionnels, comment une telle crise pourrait se résoudre.
C'est pourtant dans un désintérêt civique, dommageable mais grandissant que se sont déroulées ces élections législatives, en partie par la faute du chef de l'État, lui-même élu sans contact. Le taux global de l'abstention du premier tour, soit 52 % est passé à 53,5 % au second tour. Ajoutons que les bulletins blancs et nuls sont passés à 7,6 % On n'arrête donc pas le progrès de l'indifférence, ni celui du rejet. On a connu tard dans la soirée le nombre des bulletins blancs et nuls de 1,5 million. Il représente une masse protestataire déterminée, occasionnée notamment par les innombrables choix binaires. Résultant d'une loi électorale trafiquée, ils ont, là aussi, au gré de situations différentes dans les 577 circonscriptions, largement désorienté l'opinion.
Un titre du Figaro daté de ce 20 juin "une crise politique larvée éclate au grand jour", ce que développe le politologue Jérôme Sainte-Marie, ne surprend pas quiconque pressentait le reflux du présidentialisme et le retour au parlementarisme.
Plus neutre, dès la veille au soir, le 19 juin à 20 h 55, Olivier Faye, qui, en bon journaliste du "Monde", imagine qu'il ne se trompe jamais, avait pu écrire que "le second tour des législatives bouleverse le début de quinquennat de Macron". Et d'enfoncer quelques portes ouvertes. Et de décrire "Élisabeth Borne affaiblie".
Voilà au moins une certitude. La seule.
JG Malliarakis
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Ces résultats électoraux confirme la dynamique des présidentielles. Si Paris avec sa bobocratie, ses trop nombreux jeunes qui préfèrent les terrasses au travail et quelques grandes villes tanguent à gauche,elles ne font pas la France qui elle penche à droite. Les médias parisiens autocentrés semblent incapables de se rendre compte de cette réalité.
Quant au ministre de l'intérieur qui a si piteusement géré les manifestations des gilets jaunes, les électeurs l'ont renvoyé dans son foyer. Comment pouvait-il en être autrement. Son incompétence jumelée à une arrogance l'auront ils rendu aveugle rendu aveugle?
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 20 juin 2022 à 09:29
Les analyses du républicanologue royaliste Malliarakis sont de première bourre. Merci de nous avoir indiqué ce livre de Jacques Fauvet, qu'il va falloir lire absolument.
Ne faudrait-il pas quand-même reconnaître la grande victoire personnelle de Marine Le Pen, malgré ses limites et ses défauts, et derrière elle, bien sûr, de son papa, car sans lui jamais ceci ne serait arrivé: un groupe poujadiste de 90 députés!
J'ai bien remarqué que les "gros fachos poilus" (R. Marchenoir) détestent la famille Le Pen, lui reprochant sans doute son accaparement d'un courant politique où on trouve des gens plus brillants, plus méritants et plus purs et durs. Certes, mais ils ont su durer. Goutte à goutte, ils ont usé la roche de l'establishment et du "front républicain" qui ce dimanche s'est écroulé sur lui-même.
Je pense que le vieux va pardonner les avanies que lui a faites sa fille et lui envoyer un grand bouquet avec ces mots: "Félicitations! Papa."
Ayons la sportivité de dire: Bravo l'artiste!
Rédigé par : Helveticus | lundi 20 juin 2022 à 13:51