Dès le premier tour, où pourtant s'affrontaient 12 candidats, on avait pu constater l'indifférence relative des citoyens. Cela s'est traduit le 10 avril par 13 millions d'abstentionnistes et par 800 000 bulletins blancs et nuls. Le second tour du 24 avril, en dépit de la dramatisation artificielle aura confirmé à peu de chose près la médiocrité de cette cuvée 2022. Une non-campagne, conclue par un non-débat, aura ainsi conduit à un non-vote accouchant d'une sorte de non-légitimité de son triomphateur.
Annoncée comme jouée d'avance, cette élection présidentielle, laisse donc intacte l'incertitude des législatives qui se tiendront en juin. Ce seront alors ces deux tours de scrutin qui, pour la première fois depuis 40 ans, détermineront les orientations du pays.
Peut-on dès maintenant parler d'une crise des institutions ?
Lorsque Churchill parlait du "pire des régimes à l'exception de tous les autres", il se référait à cette forme particulière de démocratie que l'Angleterre connaît, au moins depuis le XVIIe siècle et qui prend racine dans la Grande Charte du Moyen Âge.
Nous appelons cela en France le parlementarisme.
Le royaume des Lys l'a connu par deux fois : d'abord brièvement avec la constitution monarchique de 1791, puis sous la Restauration. Et, si Louis-Philippe l'a préservé et même perfectionné, jusqu'en 1848, le roi étant supposé régner mais ne pas gouverner, il n'a guère laissé de nostalgies ; quant aux expériences de la troisième république, puis de la quatrième ont laissé dans la mémoire collective un souvenir encore plus négatif.
La constitution de la cinquième république s'est de la sorte construite en 1958 sur un autre paradigme. La révision référendaire de 1962 l'a située dans l'héritage du bonapartisme, idéologie récurrente, fondamentalement plébiscitaire. Sa définition a été formulée par le futur Napoléon III : l'essence de la démocratie serait de s'incarner en un homme. L'élection du prince président en 1848 permit à cet énigmatique personnage, sur la base du présidentialisme, d'instaurer son régime impérial. Après la chute désastreuse du second empire, l'idée fut cependant reprise d'abord par le parti de l'appel au peuple, puis, successivement, par le boulangisme, par le nationalisme barrésien, par les ligues, et notamment les croix-de-feu, adeptes eux aussi du présidentialisme.
Le même tropisme se retrouvait dans le discours que prononça le général De Gaulle à Bayeux en 1946, qui donna l'impulsion à son mouvement. Supposé hostile aux partis, professant une politique de rassemblement, devenu mot magique, cette structure aura dominé la vie politique française pendant plus de 60 ans.
Elle a connu des appellations changeantes, RPF, puis républicains sociaux, puis UNR, puis UDVe, puis RPR, puis UMP et enfin LR.
Nouant des alliances successives, elle ne s'est jamais réclamée elle-même de la droite, mais d'un concept vague de majorité, formant même quelque temps un tronc commun avec les gaullistes de gauche d'une fantomatique UDT, union démocratique du travail. Quand Chirac en prend le contrôle il présente en 1977 l'idéologie de son parti comme un travaillisme à la française. Il fallut attendre Sarkozy pour que cela prenne enfin un étiquetage trompeur, à défaut d'un ancrage véritable à droite.
Or, les espoirs des conservateurs et des libéraux de 2007 furent vite déçus : ce fut à un idéologue de gauche, Attali, ancien homme à tout faire de Mitterrand, que, pendant l'été, le nouvel élu confia le soin de cataloguer les 316 réformes dont la France avait paraît-il besoin. Il fut assisté d'une commission de 42 membres pour la plupart peu connus des Français. À la relecture de ce programme de 330 pages, on ne manque pas de mesurer la saveur grotesque et péremptoire des décisions ainsi planifiées en cabinet. Or, au sein de cet aréopage, un jeune ambitieux, rapporteur général adjoint, faisait ses premières armes de technocrate, pour ne pas dire de "synarque". Il s'appelait, il s'appelle toujours, Emmanuel Macron. En 2012, Hollande l'appela, comme collaborateur rapproché, puis comme ministre. On connaît la suite. Elle risque, hélas, de se prolonger jusqu'en 2027.
Cette forme de pouvoir se situe donc bien loin de l'Appel du 18 juin et des espérances qui en 1958 ont donné le pouvoir au gaullisme.
Certains pensent et redoutent aujourd'hui que nous revenions demain au règne des partis d'autrefois.
Or, si tout cela semble oublié, si les commentateurs agréés en occultent la genèse, le primat des appareils partisans traditionnels, loin de revenir, paraît plus mal portant que jamais. Le parti socialiste, le parti écologiste, le parti communiste et le bloc formé de LR du Nouveau centre et de l'UDI, vague successeur de l'ancien parti gaulliste et du défunt conglomérat giscardien se partageaient naguère 90 % des voix. Ils n'en représentent plus, tous additionnés, que moins de 15 %. Ces vieux appareils ont pris le chemin du déclin irréversible, qui fut celui du MRP, parti central de la IVe république, et des radicaux leurs prédécesseurs dans ce rôle sous la IIIe.
Aujourd'hui le parti gaulliste finissant obtient encore, parmi l'ensemble des perdants, le moins mauvais score. Son désastreux 4,8 % obtenu le 10 avril par Valérie Pécresse se situe certes en net recul par rapport aux 20 % de François Fillon en 2017, et aux 8,5 % de François-Xavier Bellamy en 2019. Mais ce pourcentage surclasse quand même les 2,3 % du PCF, les 1,8 % du PS et même, encore que d'une courte tête, les 4,6 % de EELV – ce dernier électorat pourtant réputé "dégagiste" à sa manière. Le petit mouvement de référence souverainiste dirigé par Nicolas Dupont-Aignan décline lui aussi en voix comme en pourcentage : 4,7 % et 1,7 million de voix en 2017, 3,3 % aux européennes de 2019 et 2 % en 2022.
Le recul généralisé des appareils centralisés, et le paradoxe d'un présidentialisme au triomphe factice, et par conséquent sans gloire, ouvre ainsi la voie à l'élection les 12 et 19 juin, d'une assemblée de 577 électrons libres, chacun dans leurs circonscriptions. En sortira-t-il un renforcement du pouvoir exécutif, et par conséquent de la technocratie, ou, au contraire une véritable avancée des libertés, tel sera l'enjeu des prochaines législatives.
JG Malliarakis
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Durant cette campagne présidentielle, le bilan du quinquennat précédent n'a guère été discuté.
Plus grave, la rigueur inévitable qui se prépare pour ce quinquennat n'a pas été annoncée.
Il sera douloureux de remettre les comptes de la France en équilibre.
À quoi sert un Président qui ne fixe aucun cap?
Petite réponse
Poser la question c'est y répondre. D'autant que celui-ci quand il fixe un cap, ne le tient pas.
Rédigé par : Alain Charoy | lundi 25 avr 2022 à 08:45
Il me semble que la situation actuelle est un véritable casse tête. Je constate que tous les grands partis du XXè siècle n'ont pas survécu au premier quart du XXI. Fini la social démocratie, le PCF, le gaullisme (sans de Gaulle), et que dire des Radicaux de gauche, Républicains Indépendants et consort.
Je partage le constat que la France est divisée en 3 blocs quasiment irréconciliables: L'électorat Macron me parait incarner la France de la mondialisation, de l'économie au tout numérique, une France européenne. Puis il y a les deux blocs, celui de la France Insoumise et celui du R. N. qui incarnent chacun à sa façon l'autre partie du pays. Marine le Pen me semble plutôt représenter la partie de la population qui vit dans le regret de la France des ex. grandes régions industrielles, et Mélanchon, les laisser pour compte des villes, les islamo-gauchistes, la France à vélo, celle que j'ai vu en septembre massivement attablée aux terrasses des cafés du centre de Paris en milieu d'après midi, qui se contente de petits boulots et d'aides sociales complémentaires, un hédonisme sans projet d'avenir.
Trois blocs inconciliables, divisés idéologiquement qui incarnent les diverses tendances d'un pays en plein bouleversement économique et politique.
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 25 avr 2022 à 09:28
"13 millions d'abstentionnistes et par 800 000 bulletins blancs et nuls."
N'oublions pas non plus les non-inscrits.
Le pourcentage obtenu par Emmanuel Macron (pour ne rien dire de celui obtenu par Marine Le Pen) est donc très faible par rapport au nombre de "citoyens" en âge de voter.
Rédigé par : RR | lundi 25 avr 2022 à 12:02
Il est toujours intéressant de vous voir remonter dans l'histoire pour expliquer la situation actuelle.
Rédigé par : Robert Marchenoir | lundi 25 avr 2022 à 14:27
Le hashtag #Marine2027 vient d'être lancé.
On n'en sortira donc jamais de cette famille de parasites qui empêche toute alternative.
En exclusivité mes prévisions pour le deuxième tour des présidentielles de 2027:
Edouard Philippe vs Marine Le Pen
Edouard Philippe 65 % (homme "neuf", il n'aura pas de bilan négatif)
Marine Le Pen 35 %
Rédigé par : RR | lundi 25 avr 2022 à 21:25