Ce 21 avril, nous apprenons par divers journaux que nous aurions été évalués à 15,6 millions, à regarder la veille au soir le débat, présenté comme un événement crucial entre les deux candidats résiduels à l'élection présidentielle. L'Opinioncommente ce chiffrage en notant qu'il représente "près d'un million de moins par rapport au débat de 2017. En 40 ans, l'audience de ce classique de la politique française a été divisée par deux".
On a pourtant parlé de beaucoup de choses dans ce débat, on les a évoquées comme si l'État devait décider de tout.
On se disputait en réalité les dépouilles de cette partie de l'électorat qui s'était portée le 10 avril sur le candidat Mélenchon. Les voix obtenues par les divers opposants de droite ne semblaient intéresser personne.
Manifestement, en effet, les journalistes, vaseux communicants et autres organisateurs professionnels de débats télévisés ne connaissent guère la constitution. Celle-ci dispose, en ses articles 14 et 15 que le président de la République "accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui."(article 14) Et, d'autre part, le même personnage se trouve être "le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale." (article 15)
En dépit des 19 révisions qui ont transformé, en 64 ans de fonctionnement, les institutions de la cinquième république c'est bien la diplomatie et la défense qui doivent, qui devraient, occuper au premier chef le locataire de l'Élysée, successeur des rois de France. Inventé lors d'un congrès du parti gaulliste en 1959, le "domaine réservé" du président se limite à ces deux seuls aspects.
On doit évidemment les considérer comme liés en vertu du constat de Bismarck : "la diplomatie sans les armes c'est la musique sans les instruments".
On a voulu au contraire, ce 20 avril, sous l'égide des pitres médiatiques habituels, plus modestes en apparence ce soir-là qu'à l'accoutumée, faire s'affronter deux catalogues de propositions programmatiques largement hors sujet et globalement étatistes.
On est donc une fois de plus parti du principe que les préoccupations des citoyens se portent sur leur vie quotidienne ou sur la météorologie.
Or, que l'on appelle cela "climat" ou "pouvoir d'achat", on s'éloigne non seulement des compétences de nos politiciens mais bien plus encore des fonctions légitimes de l'État. Idem pour l'âge du départ en retraite, qui devrait dépendre de la gestion paritaire des Caisses et gagnerait à introduire un maximum de libre choix des individus et des couples. Idem pour l'école, que la déclaration universelle des droits de l'homme définit comme une liberté et une responsabilité des chefs de famille. Idem pour l'audiovisuel prétendument "public", qui ne l'est que par son financement, puisqu'il est notoirement accaparé par une camarilla idéologique etc.
Certes le président sortant a cru habile de jouer sur sa compétence. Mais on peut peut-être regretter qu'un véritable débat n'ait pas porté un peu plus sur son bilan des 5 années écoulées dans le domaine régalien par excellence des relations internationales alors même que précisément il prétendait tirer arguments des points faibles de son adversaire dans ce registre.
Avec le bon goût qui le caractérise le président Macron a pris, en effet, des décisions radicales en matière de diplomatie : il a supprimé d'un trait de plume l'administration des Affaires étrangères, vouée à l'absorption dans le profitariat de plus en plus puissant de la haute fonction publique des "technocrates" d'État.
Sur la défense, le même Macron s'est donc impunément targué d'avoir reconstruit, financé et dirigé une "armée complète".Et on a immédiatement glissé sur cette affirmation doublement dangereuse : quand, pour ne citer qu'un exemple, l'unique porte-avions nucléaire Charles De Gaulle, considéré comme bâtiment majeur et pièce maîtresse de la Royale est contraint, en 2021, de faire successivement en quelques semaines, de la présence symbolique en Baltique, en Méditerranée orientale puis dans l'Océan Pacifique, le temps pour son équipage de faire escale à Brest et d'attraper le Covid, même un journaliste pourrait comprendre la misère de la Marine de cette armée "complète". Tout en se positionnant comme le défenseur de la France européenne le président sortant ne semble pas avoir pris la mesure de cette situation.
Quand nos soldats se font chasser du Mali après l'avoir sauvé, quand les miliciens de Wagner s'emparent du Burkina Faso et de la République centrafricaine, dont ils pillent les ressources minières, pouvons-nous accepter les discours de repentance si souvent entendus dans les propos macroniens ? Cela aussi mérite sanction.
JG Malliarakis
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Toujours aussi pertinent mon cher Jean-Gilles et toujours aussi bon observateur de la déliquescence des moeurs politiques !
Amitié.
Rédigé par : Jean Dionnot | jeudi 21 avr 2022 à 20:36
J'ai aussi regretté que ce débat soit resté du début à la fin au ras des pâquerettes. Marine Le Pen aurait pu porter le fer sur la politique étangère en reprochant à Macron d'être un fauteur de guerre, ce qu'il est car il a tout fait pour saborder les accords de Minsk qui auraient pu éviter le conflit. Elle aurait pu s'assurer une victoire éclatante en apparaissant comme la présidente de la paix, Macron étant un danger de guerre vivant. Mais elle ne l'a pas fait. Je pense qu'elle n'a pas osé, trop risqué. Je pense qu'elle a préféré ne prendre aucun risque, rester souriante et éviter les sujets trop clivants (à peine a-t-elle risqué une petite allusion sur MacKinsey, qui a fait mouche), comptant sans doute sur le rejet de Macron dans presque toutes les couches de la société pour lui apporter une victoire par défaut. C'est habile. Mitterrand aussi avait été élu parce que les Français avaient voulu sanctionner Giscard et non par enthousiasme pour ce vieux cheval de retour de la politique qu'il était. Je ne sais pas si Marine sera élue, mais elle serait plus digne que Macron d'être chef des armées. Et même si elle perd, on ne peut pas s'empêcher d'être fasciné par la façon dont cette famille Le Pen aura réussi à faire bouger les lignes. Aujourd'hui l'accession au pouvoir de la fille passe pour une éventualité qui effraie certains mais serait acceptée sans remous par la plupart des Français. Quel chemin parcouru en 20 ans depuis les réactions insensées après le 21 avril 2002 et le discours moral surjoué!
Rédigé par : Helveticus | vendredi 22 avr 2022 à 00:50
@ Helveticus
"Et même si elle perd, on ne peut pas s'empêcher d'être fasciné par la façon dont cette famille Le Pen aura réussi à faire bouger les lignes."
La famille Le Pen n'a jamais fait bouger quoi que ce soit si ce n'est que prenant de l'importance grâce à la promotion médiatique de Jean-Marie Le Pen décidée par Mitterrand pour "casser la Droite" et orienter les voix les plus "radicales" sur une voie de garage, elle est non seulement parvenue à ce but, mais en plus par les outrances du père (dont les nationalistes authentiques ont au moins dès le début des années 90 dénoncé l'imposture) diabolisé toute opinion hostile au politiquement correct et enfin via la fille (ce que Mitterrand n'osait espérer) perpétué la chose.
Le résultat est que plus personne n'ose aborder la question migratoire dans les termes qu'il convient, et certainement pas Marine Le Pen focalisée sur le voile.
Et si de plus en plus de Français (tout comme d'autres Européens) sont désormais conscients qu'il y a un problème migratoire, c'est uniquement en raison des faits de l'actualité et de ce qu'ils observent eux-mêmes. Les Le Pen n'y sont rigoureusement pour rien.
Rédigé par : RR | vendredi 22 avr 2022 à 11:31