Dans un article que votre chroniqueur se permet, à son tour, de trouver bien sévère, la très recommandable lettre de l'IREF de ce 8 novembre fustigeait avec mépris l'ébauche de programme commun diffusé par la droite à la veille du Congrès que celle-ci organise du 1er au 4 décembre.
À bon droit en effet, – à bon droit, d'un point de vue intellectuel, – son auteur le jeune et souriant Aymeric Belaud, exprime une inquiétude. Il alerte donc ses lecteurs sur un péril redoutable : celui que, dans le "Projet des républicains pour la France de 2022", "l’étatisme [soit] toujours au rendez-vous".(1)⇓
Écartons la mauvaise foi de certaines objections téléguidées par la cellule média de l'Élysée. On les retrouve dans le quotidien "L'Opinion" sous d'autres formes.(2)⇓
Elles dénotent une incompréhension de la vie concrète de nos institutions elles-mêmes, et de la réalité sociologique française. La droite classique de notre pays se trouve en effet plus ou moins agglomérée aujourd'hui, sous l'appellation récente sinon enthousiasmante "Les Républicains". Cette dénomination a été inventée en 2015 pour succéder à l'UMP de 2002. Or, malgré ses deux derniers échecs présidentiels, malgré divergences et discordances, aujourd'hui surmontées, malgré les décapitations successives, – et peut-être précisément grâce à l'éviction de ses anciens chefs de file, – cette structure abrite le plus important parti politique français. Sa force réside dans le nombre énorme de ses élus locaux, régionaux, départementaux et municipaux. Les uns viennent du gaullisme chiraquien, l'ex-RPR ; les autres sont issus du libéralisme, l'ex-DL ; quelques autres enfin proviennent des rescapés des avatars du centrisme. L'ex-UDF était elle-même déjà un rassemblement, allant des Républicains indépendants au parti radical alors dirigé par Servan-Schreiber, ayant rallié quelques démocrates chrétiens et socialistes anticommunistes hostiles à la Mitterandie (3)⇓ .
Attendre une cohérence doctrinale absolue d'une telle formation relève du non-sens et même du contresens. Évoluant cahin-caha vers l'équivalent français du parti conservateur britannique n'entretient pas les aspirations groupusculaires des puristes.
Nous venons de vivre une séquence où, pendant plusieurs semaines les médias ne nous ont parlé quotidiennement que d'un seul candidat, d'ailleurs virtuel, sans parti, ce qui explique peut-être sa cote de popularité. Or, le principal parti de droite vient aussi de passer, du jour au lendemain, de 70 000 à quelque 150 000 cotisants. Un tel événement ne devrait pas être tenu pour minuscule. Il semble beaucoup plus cohérent que le mouvement factice de ces sondages, méthodiquement approximatifs que l'on nous sert quotidiennement, plus de 70 dans les 3 derniers mois, 6 mois avant le scrutin, et alors même que les vrais candidats ne sont pas connus.(4)⇓
Je crois comprendre, mais je puis me tromper, que la France aspire à un véritable virage à droite. L'opinion s'est légitimement polarisée sur la question des "trois i", islamisme, immigration, insécurité. Il ressort par ailleurs que 80 % des Français ne veulent plus d'un Macron, de ses goujateries et de ses branquignols hybrides, au vu et au su de l'Europe entière. La seule vraie question est de savoir quelle équipe gouvernementale, et pas seulement quel président, est prête à prendre la relève
Il est vrai que la droite classique, tout en plaçant en tête les préoccupations régaliennes de l'opinion, – choix qui devrait constituer un point majeur de satisfaction pour nos excellents libéraux doctrinaires, – s'engouffre aussi dans un catalogue d'aspirations sociales qu'elle développe dans une brochure de 40 pages, qu'elle résume en prétendant "protéger, libérer, rassembler".
L'article précité d'inspiration libérale qui amène votre chroniqueur à réagir, semble aussi trouver insupportable que la procédure choisie ait écarté le postulant Denis Payre "sans aucun motif valable, si ce n’est l’entre-soi politique et idéologique". Était-ce illégitime ? Était-ce de l'entre-soi ? De l'idéologie ?
La condition statutaire supposait d'avoir réuni un certain nombre de parrainages parmi les élus locaux. Cet entrepreneur "ayant réussi dans les affaires", Denis Payre, certainement estimable, demeurait politiquement un inconnu au bataillon. Il n'est pas parvenu à obtenir les signatures nécessaires. En fait, un tel barrage semble quand même légitime, au regard de la Constitution telle qu'elle avait été pensée et rédigée en 1958 : un parti politique regroupe des élus, enracinés dans un territoire.
On ne saurait voir un parti comme un fonds de commerce que son président, tel un caudillo sud-américain, imaginerait de transmettre à quiconque en avance d'hoirie. Cela ne se réduit d'ailleurs pas seulement à des cotisants, baptisés un peu pompeusement "militants". Ce sont encore moins de simples "sympathisants". C'est aux États-Unis, et non en France, que la majorité des électeurs acceptent d'être catalogués et comptabilisés "républicains" ou "démocrates", ce qui légitime en partie le mécanisme des "primaires ouvertes", ceci dans un système d'élections à un seul tour.(5)⇓
Par exemple, les écolos d'EELV comptent tout mouillés 10 000 adhérents. Or, en vue de leur "primaire", ils ont reçu l'inscription, sur internet, sans aucun contrôle, de quelque 122 000 participants. Une grande partie de ceux-ci n'ont même pas voté bien qu'ils se fussent inscrits précisément à cet effet. Et c'est d'extrême justesse que les votants ont désigné Jadot, au deuxième tour, en écartant la délirante Sandrine Rousseau. Et maintenant certains bons esprits, à gauche, rêvent de faire de ce gentil Tintin programmé sur ordinateur, un candidat naturel d'union réunissant, autour de lui, la Castafiore et le capitaine Haddock. De qui se moque-t-on ?
Ah, j'oubliais : certains pensent que l'élection est supposée enjamber les partis. On nous parle de "rencontre entre un homme et un peuple". Rappelons leur quand même l'histoire de la réforme de l'article 7, occasionnée par l'attentat du Petit-Clamart en 1962. Le président du Sénat qualifia la procédure adoptée de forfaiture constitutionnelle. Or, elle aboutit dès 1965 à un résultat imprévu, celui de mettre le général De Gaulle lui-même en ballottage, et depuis lors, après l'heureux intermède Pompidou, nous avons été ballottés pour en arriver où nous sommes, c'est-à-dire très bas.
Rappelons donc que les partis sont l'expression même du droit de suffrage et cela figure encore dans le texte de la Constitution.(6)⇓
Le présidentialisme plébiscitaire prétend aujourd'hui l'ignorer, et c'est ce qui, depuis 40 ans, conduit progressivement la France au statut des républiques bananières.
JG Malliarakis
Pour recevoir les liens du jour de L'Insolent,
il suffit de le demander en adressant un message à
courrier.insolent@gmail.com
Apostilles
- cf. "Projet des Républicains pour la France de 2022 : l’étatisme toujours au rendez-vous"⇑
- cf. "Congrès des Républicains: 4 débats et 3 écueils"⇑
- Officiellement, d'après Wikipédia, les Républicains regroupent aujourd'hui les mouvements suivants : "Les Centristes d’Hervé Morin" ; Soyons libres de Valérie Pécresse ; Le Mouvement de la ruralité de Frédéric Nihous puis Eddie Puyjalon ; Force républicaine de François Fillon puis Bruno Retailleau ; Oser la France du souverainiste Julien Aubert ; Les Populaires du sarcocyste Guillaume Peltier ; la Fondation pour l'innovation politique de Dominique Reynié ; Génération France.fr de Jean-François Copé ; le Mouvement initiative et liberté ; L'Union des jeunes pour le progrès dirigée par Sabrina Arnal ; Les Nouveaux Républicains de Philippe Juvin ;Le Chêne de Michèle Alliot-Marie ; Les Gaullistes sociaux de Daniel Fasquelle ; Droite Lib de Virginie Calmels.⇑
- Sur les sondages, on se doit de recommander l'article de Luc Bronner publié dans Le Monde du 4 novembre. "Dans la fabrique opaque des sondages".⇑
- Ajoutons du reste que cette pratique, d'invention récente et accidentelle, pollue de plus en plus le fonctionnement d'institutions qui ne les avaient pas prévues.⇑
- Article 4 : "Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie."⇑
Je trouve que les Républicains donnent une leçon de vrais démocratie en demandant aux militants, réunis en congrès extraordinaire et après débats, de désigner celui qui va défendre leurs couleurs aux prochaines élections présidentielles et mettre fin aux magouilles internes.
Rédigé par : Laurent Worms | vendredi 19 nov 2021 à 18:41
Hélas, cher JGM, je n'attends pour ma part RIEN, absolument rien, de cette "droite" collaborationniste. Elle aura accompagné toutes les dérives tyranniques de la covidémence.
Bienvenue au crédit social chinois "à la française". Sans moi.
Rédigé par : Tonton Cristobal | vendredi 19 nov 2021 à 18:57
« La révolution est l’œuvre d’une minorité résolue, inaccessible au découragement.»
Jose Antonio Primo de Rivera, Autour de la Révolution, Haz n°9 du 12 octobre 1935
Rédigé par : RR | samedi 20 nov 2021 à 10:28
malgré tout, la prestation inattendue d'Eric Ciotti aura marqué les esprits. Proposer la flat tax, citer Laffer, tout en reprenant à son compte l'expression Grand Remplacement, autrement dit la synthèse nationale libérale, c'était très "disruptif". A voir ce que cela donnera chez les adhérents.
Rédigé par : lahrier | samedi 20 nov 2021 à 15:17
@ lahrier
Je ne sais pas grand chose des adhérents des Républicains. En revanche, j'ai bien connu des adhérents/militants du RPR et beaucoup d'entre eux sur la question migratoire et la lutte contre l'insécurité étaient sur la même ligne que nous ("radicale"). C'était là une caractéristique de ce parti: Dirigeants aux positions très modérées et tétanisés face à la gauche, base militante clairement à droite et voulant même pour certains en découdre avec la gauche.
Bon, il est vrai qu'au Front national (jusque dans les années 90 s'entend), la plupart des militants avaient sur ces mêmes questions des positions identiques à celles de ceux des mouvements présentés comme plus radicaux, et ce à la différence des cadres dirigeants nettement plus modérés (et ne parlons même pas de Jean-Marie Le Pen dont on se demande bien ce qu'il pensait réellement).
Rédigé par : RR | samedi 20 nov 2021 à 23:47
@ lahrier
Si Ciotti est élu candidat des Républicains et qu'il va "trop loin" dans le politiquement incorrect, il faut s'attendre à une attaque violente du Système contre lui afin de lui ôter la possibilité de figurer au second tour de la présidentielle, exactement comme ça a été le cas en 2017 pour François Fillon. Le Système veut un second tour Macron-Le Pen, seule garantie pour le premier de l'emporter.
Comme disait Maurras (inspiré par une phrase d'Anatole France), la République gouverne mal, mais elle se défend bien.
Rédigé par : RR | dimanche 21 nov 2021 à 11:35
L'étonnement vient de Morano qui aurait dû logiquement soutenir Ciotti vu le discours qu'on lui connaît. Or, elle soutient Barnier ! J'ai bien une explication, mais avant de la donner, j'aimerais avoir votre opinion.
Petite réponse
Je n'étais pas au courant de cette prise de position de Nadine Morano. J'essaye de comprendre, avant de porter un jugement. J'ai écouté le discours de Ciotti, effectivement très nationaliste, très brillant, quoiqu'il prétende réconcilier l'historiquement inconciliable, la France fille aînée de l'Église et la France révolutionnaire [c'est du Bonaparte tout pur "de Clovis au Comité de salut public, je suis solidaire de tout"].
Je vous invite au besoin à cliquer sur le lien de ce discours https://www.youtube.com/watch?v=6Ueyfig0maw
ça nous change de l'eau tiède et ça ressemble à du Zemmour. Je suis même porté à croire d'ailleurs que Ciotti est sincère.
Reste que pour gagner au second tour contre Macron, on peut concevoir qu'une Nadine Morano, qui est une femme politique aussi adroite qu'à droite, préfère le candidat Barnier. De toute manière la droite, qui fait actuellement beaucoup d'effort pour se racheter de 40 ans de laxisme migratoire, a deux problèmes à résoudre vis-à-vis de son propre public :
1. rétablir la crédibilité de la parole publique. Sarkozy de ce point de vue (Sarkozy dont Ciotti fait ici l'éloge, comme il fait celui de Chirac devant le conseil national du parti LR) a fait beaucoup de mal à la crédibilité de la droite, en trahissant tous ses engagements. Chat échaudé craint l'eau froide...
2. rester unie au lendemain de la désignation de son candidat quel qu'il soit. C'est le concept de "l'équipe de France" auquel travaille manifestement depuis le début un Christian Jacob avec le soutien de Gérard Larcher. On verra à partir du 4 décembre ce qu'il en est, mais je comprendrais qu'une Nadine Morano voit en Barnier un meilleur rassembleur d'une telle "équipe". Lui-même insiste beaucoup sur ce concept. Il s'agit en effet, au-delà des effets oratoires, de gouverner le pays.
La campagne vient de commencer, et en dehors, au-delà de tout ce que peuvent calculer tous les politiciens, l'important c'est de battre Macron et que la France se relève. Nous y verrons tous plus clair dans quelques semaines.
Rédigé par : Françoise | dimanche 21 nov 2021 à 18:23
Chers amis la droite dont-il-est question est la droite de la gauche la droite molle celle qui est socialiste ou REM compatible ce n'est pas ma droite ,cette droite qui participe à la faillite du pays est sans INTÉRÊT AUCUN JlP
Rédigé par : Jl Peigues | lundi 22 nov 2021 à 14:47
@ Jl Peigues
Ce que vous dîtes n'est pas faux, mais le problème est qu'il n'y a pas de vraie droite en France présente dans le "jeu électoral".
Rédigé par : RR | mardi 23 nov 2021 à 01:17
@JGM
Explication intéressante et plausible en effet sur Morano (son soutien à Barnier est repris sur sa fiche Wiki), et tout cas j’espère pour elle car j’en avais une en tête bien pire !
Le mouvement gaulliste est historiquement connu depuis ses débuts pour ses coups tordus : assassinat de Darlan, alliance avec les communistes pour éliminer le principal réseau de résistance : Combat, l’Algérie – sujet bien connu ici, j’y reviendrais pas si ce n’est pour citer les barbouzes qui faisaient des braquages pour en accuser l’OAS et remplir les caisses noires du parti gaulliste puis le SAC, des ex-barbouzes créant des faux partis nationalistes pour empêcher le FN d’accéder au 2nd tour entre autres saloperies. Aujourd’hui, ces anciens du SAC sont soit morts, soit bien âgés ! Je suis tenté de croire que Morano (voir peut-être aussi Ciotti), cette fille surdouée et hyper-intelligente n’est en fait rien d’autre qu’une SAC soft en quelque sorte, chargée d’attirer les voix du FN vers les LR dont on sait qu’ils feront tout le contraire une fois élus ! Morano a voté la ratification du traité de Lisbonne en 2007 et vient aujourd’hui critiquer les conséquences de son vote !
Il faut voir sa réaction, son sourire lorsque Pascal Praud évoquait devant elle la proposition de Marine Le Pen de faire d’elle une de ses ministres ! Plus que révélateur sur la fourberie de Morano ! Y’a effectivement de quoi rire s’il s’avère que sa mission à Morano est de faire en sorte que jamais le FN/RN n’accède au pouvoir ! Mais je fais peut-être là de la paranoïa… quoique avec ces politicards-là, gaullistes notamment, la perfidie à souvent dépassé l’entendement !
Rédigé par : Françoise | mardi 23 nov 2021 à 11:17
@ Françoise
"(...) des ex-barbouzes créant des faux partis nationalistes pour empêcher le FN d’accéder au 2nd tour entre autres saloperies."
Je connais cette version concernant le PFN (Parti des Forces Nouvelles). Sans doute y a t-il eu infiltrations mais de là à en faire une pure création du Régime, c'est aller un peu loin.
Il est incontestable c'est vrai que cette "concurrence" a gêné le Front national, mais il ne faut pas oublier non plus que ce dernier (dont à l'époque j'étais partisan) refusait systématiquement toute entente électorale condition sine qua non pour gagner. Tous unis dans le seul Front national ? Admettons.
Le problème est que lorsque l'on voit le bilan du Front national et des Le Pen (père et fille), je pense que c'est bel et bien ce parti et cette famille qui sont responsables de la disparition de l'Opposition nationale.
"Il faut voir sa réaction [de Nadine Morano], son sourire lorsque Pascal Praud évoquait devant elle la proposition de Marine Le Pen de faire d’elle une de ses ministres !"
On ne se met pas au service de quelqu'un qui est au-dessous de soi. Marine Le Pen qui est une avocate ratée, une femme médiocre ne doit sa place qu'à son père et surtout au Système qui a besoin d'elle pour contrer toute opposition sérieuse. Réduite à elle-même, elle n'aurait jamais quitté le caniveau d'où elle vient.
Rédigé par : RR | mardi 23 nov 2021 à 22:57
J'ajoute que le Système peut "débrancher" Marine Le Pen du jour au lendemain en raison des multiples malversations qui relèvent du droit commun dont elle et une partie de son entourage se sont rendus coupables. Comme je l'ai écris ici même et comme je l'ai dis lors d'un "Mercredi de la NAR", Marine Le Pen est protégée car le Système a besoin d'elle. J'ajoutais devant une salle comble que le "R""N" a des dettes considérables envers des banques (et Marine Le Pen ose s'étonner du fait qu'on ne veuille plus lui prêter de l'argent !) et que n'importe qui d'autre, la NAR par exemple, se serait vu dans ces conditions fermer boutique. Ce à quoi Bertrand Renouvin m'avait répondu en souriant que la NAR n'avait aucune dette envers quiconque (ce qui ne m'a pas surpris, on peut ne pas être d'accord avec tout ce que dit la NAR, on ne peut en revanche contester son honnêteté).
Rédigé par : RR | mercredi 24 nov 2021 à 11:45