
En cet été hexagonal pluvieux, un bruit court, qui pourrait surprendre. Le train des projets de réformes, en panne depuis les crises des retraites et des gilets jaunes, prolongées par les effets de la pandémie, menace de reprendre. Le vaccin contre la réformite n'étant pas inventé, la maladie se propage.
L'actuel chef de l'État, en vérité, comme tous les élus auxquels est offerte une chance de réélection, ne pense plus, de toute évidence, qu'à cette hypothèse. Or, il se trouve désormais pris en sandwich par le calendrier. Il a subi, d'une part, et coup sur coup, le triple échec de son parti : aux municipales de 2020, aux départementales et aux régionales de 2021. Et d'autre part se rapproche la double échéance, présidentielle et législative de 2022. Pas besoin, par conséquent, d'une longue psychanalyse pour comprendre qu'il rêve de retrouver sa martingale gagnante de 2017.
Or, si l'on écarte les péripéties, les petites manœuvres déshonorantes, les financements mystérieux, la dérision de certains de ses adversaires et les ralliements miraculeux, la principale raison de son succès, d'ailleurs relatif, reposa cette année-là sur deux tropismes : la réformite et le dégagisme. Cette dernière aspiration se retourne aujourd'hui contre lui, en sa qualité de sortant, au comportement le plus souvent insupportable de surcroît.
Pour plaire au lobby LGBT, on vient de voter la redoutable loi bioéthique. Difficile d'y voir un élément de popularité, tant la suite des lois adoptées dans ce registre, sur la pression de tout petits cercles de bobos, ont provoqué de désarroi moral chez les Français ordinaires qui n'en ont jamais voulu.
C'est aux milieux financiers qu'a été dédiée la seule disposition heureuse, promise par le candidat et mise en place par l'élu : la suppression de l'ISF version socialiste, ramenée à une taxation non moins dommageable d'ailleurs, des seuls actifs immobiliers. Cette toute petite réforme économiquement nécessaire, la seule dont puisse se prévaloir la Macronie, l'incite sans doute, comme on va le voir, à prévoir une nouvelle invention pour sa campagne 2022.
Et c'est ainsi qu'il a cru efficace de recourir à l'expertise de deux éminences françaises de l'économie technocratique : Olivier Blanchard, qui fut économiste en chef du FMI, et Jean Tirole, prix Nobel d’économie. Or, on peut bien être réputé savant, on n'en est pas moins homme, et par conséquent sujet à l'erreur. Et, très aimablement, ces deux personnages nous en ont administré la preuve éclatante en proférant deux absurdités colossales. Le premier ose dire, dans un pays dont l'endettement risque de faire éclater l'union monétaire européenne : "Il n’y a ni danger immédiat, ni nécessité de réduire à court terme la dette"[Olivier Blanchard]. Le second risque un jugement non moins périlleux : "Si des investissements sont nécessaires pour préparer l’avenir, on peut s’endetter"[Jean Tirole]. Nous aurons hélas l'occasion de souligner à nouveau l'absurdité de ces deux apophtegmes. Ils sont appelés, en effet, à être repris par tous les Mélenchon de gauche, et hélas parfois "de droite". Et on doit les considérer comme d'autant plus dangereux que leur formulation reste élégamment approximative. Que veut dire "danger immédiat"pour une dette à long terme ? Qu'est-ce qu'un "investissement" ?
Nos deux savants ont donc remis au chef de l’État ce 23 juin leur rapport. Ils l'ont enrichi des contributions d'une vingtaine d’experts supposés de haut niveau, tant Français qu'Étrangers. Le lendemain 24 juin, ils étaient auditionnés par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Or que préconisent-ils, qu'encouragent-ils ?
Ni plus ni moins que l'alourdissement de la fiscalité française, dans un pays qui depuis 10 ans vit dans le ras-le-bol fiscal, battant tous les records de prélèvements obligatoires. Excellente idée, n'est-il pas vrai, et qui nécessitait le recours à 24 économistes. Et dans ce pays, le plus taxé du monde quel impôt nos experts désignent-ils pour le plus urgent à alourdir ? Les droits de succession bien sûr ! Ceux que Marx et Engels appelaient déjà de leurs vœux dans le Manifeste communiste de 1848. Et le rapport de Blanchard et Tirole d'y voir l'application du principe d'Égalité inscrit en lettres d'or dans la devise de la république.
Rappelons donc brièvement quelques faits.
Sur 37 pays de l’OCDE, 24 taxent la transmission du patrimoine. Or, dans 9 États, cette fiscalité a été abolie dans les 50 dernières années. Globalement, si elle représentait encore 1,1 % des recettes fiscales en 1965, elle ne pesait plus, en 2015, que 0,5 % - ceci pour l'ensemble de l'OCDE ; mais la France, quant à elle, a suivi un chemin inverse. Alors que la fiscalité des successions diminuait de moitié dans les autres pays, elle passait en France de 0,6 à 1,2 % Le déclin économique du pays, la délocalisation des industries, la fuite hors de l'enfer fiscal en ont largement résulté.
Quant à la transmission des entreprises familiales, si elle s'effectue à concurrence de 70 % en Italie, de 56 % en Allemagne, elle ne fonctionne que dans 17 % des cas en France.
Nos experts prévoient de faire pire encore au nom de l'idéologie égalitaire jacobine supposée de droit divin.
La France éprouve ainsi, manifestement, beaucoup de mal à sortir de l'emprise idéologique de tous les oripeaux de la gauche.

JG Malliarakis
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