Le 3 juin, notre Jupiter national se trouvait dans la charmante cité quercinoise de Saint-Cirq-Lapopie. Il n'accomplissait que la première étape d'un tour de France clairement électoral aux frais de l'État. En quête de voix pour ses candidats régionaux, et de popularité pour la future bataille de sa réélection, le président sortant a donc cru nécessaire d'aborder la question de la reprise des réformes promises hier. Outre le problème juridico-comptable que posera un jour ou l'autre cette tournée au conseil constitutionnel, cette relance politique ne manque de poser la question de son opportunité.
On peut certes toujours classer tous ces projets : réformes mythiques, réformes inutiles, réformes nécessaires parfois, réformes factices souvent, mais aussi réformes redoutablement dangereuses.
Or, parmi les promesses électorales pendant la campagne Macron de 2016-2017, revient sur l'eau le dossier d'un régime universel, ce qui, dans la novlangue des jacobins et des technocrates veut dire "hexagonal", de retraites par point.
La raison d'être de cette priorité ne doit échapper à personne. Le ministre des Finances Bruno le Maire en affirme l'urgence dans le contexte du délabrement des comptes publics, aggravé par les décisions ubuesques de la crise du Covid, le taux d'endettement de l'État atteignant 118 % du produit intérieur brut, soit pratiquement le double du pourcentage maximum sur lequel Paris s'était engagé lors de la création de l'euro. Il sera alourdi cette année, par un déficit à hauteur de 9,4 %, soit 220 milliards d'euros qu'il faudra emprunter.
Or, les deux postes principaux de dépenses publiques en France concernent le versement de pensions de retraite, avec 15 % du PIB, et celles des caisses d'assurance maladie à hauteur de 11 %. Que ces deux budgets soient incorporés aux missions de l'État central devrait paraître extravagant aux personnes de bon sens.
Mais cette situation résulte de la réforme constitutionnelle inventée en 1996 par Chirac et son compère Juppé inventant le concept de loi de financement de la sécurité sociale qui dépasse désormais la loi de finances votée chaque année.
Jamais bien sûr la Macronie n'a songé à revenir sur cette folie de type soviétique : au contraire, la loi que vota le parti, alors majoritaire au sein de l'Assemblée nationale, de la soi-disant "République en marche" allait dans le sens de son aggravation. Le seul hic provenait de la CFDT. Le patron de la centrale, Laurent Berger, pourtant le plus macronien des chefs syndicalistes, s'est montré hostile au projet gouvernemental de réforme des retraites.
Rappelons, en effet, qu'à l'uniformisation supposée des régimes, une idée que cette centrale jugeait pertinente et même "juste", les pressions de l'administration-citadelle de Bercy ajoutaient un contingent de mesures dites paramétriques, sur l'âge de la retraite légale notamment, ce dont elle ne voulait pas. Vexation de Laurent Berger. Blocage. Grèves. Agitation, etc. Puis vint la crise des gilets jaunes. Rappelons que le déclencheur s'était d'abord focalisé en 2018 sur la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes de campagnes et sur le prix de l'essence. Avant de dériver sur tout autre chose, il s'agissait — au départ — d'une opposition des classes moyennes exaspérées par l'accumulation de petites "réformes".
Pour l'opinion populaire, et contrairement à ce que pensent peut-être les commentateurs agréés, ce qui dominera en fait l'évolution des votes futurs aux élections prochaines de 2021, en attendant celles de 2022, n'ira pas dans le sens dont rêvent encore les macroniens. Le rédacteur de cette chronique redit ici, avant tout, sa propre conviction : ce ne seront pas les déterminants économiques et sociaux qui entraîneront les déplacements de vote, mais ce que nous devons considérer comme l'inquiétude massive des Français devant les trois "i" : l'immigration, l'islamisme et l'insécurité.
Le poids de l'identité l'emportera, demeurons-en persuadés, sur les théories marxistes...
Le concept de réformes, de toute manière, doit ici être manié avec prudence. Le mot est utilisé dans des sens très différents selon que l'on parle la langue des Français et celle de la finance internationale. Pour l'oligarchie du Gros Argent, en effet, ne comptent que les lois dont elle ressent le besoin, telle que par exemple la suppression nécessaire de l'ISF, ou l'encadrement du coût des licenciements.
Les lecteurs de notre chronique du 22 février pouvaient légitimement soupçonner la filiation du pouvoir actuel avec les radicaux-socialistes de la troisième république.
Aujourd'hui dans sa rhétorique réformiste on lui retrouve un air de déjà-vu. Et les plus âgés se souviennent en effet d'un président effacé, non moins décalé par rapport au sentiment du peuple français, en la personne de Giscard d'Estaing.
En ce temps-là, du reste, le pouvoir parlait moins de "réformes" que de changement. Le regretté Coluche, s'était montré sur ce sujet un analyste fort pertinent, qui remarquait "je voudrais bien savoir, à part la poêle Tefal, et là encore Giscard n'y est pas pour grand-chose, ce que c'est que le changement".
L'usage actuel du mot réforme appelle la même critique.
On pourra bien ajouter d'autres éléments de langages, parler de désormais de "modernisation", c'est un semblable rejet qui risque fort de se mesurer dans les urnes.
JG Malliarakis
Pour recevoir en temps réel les liens du jour de L'Insolent,
il suffit de le demander en adressant un message à
[email protected]
Commentaires