Dans le désordre du monde, la réunion du G7 du 11 au 13 juin, n'a guère été analysée par les commentateurs agréés parisiens, comme d'habitude, qu'en fonction du nombrilisme jacobin de caricature de nos médias. On ne doit pas perdre de vue que les États-Unis et la Grande-Bretagne entendaient y reprendre la main et redonner un nouveau souffle à la charte atlantique remontant à plus de 70 ans.
Le lendemain 14 juin à Bruxelles, le sommet de l'Otan a concrétisé cette intention par un communiqué de 32 pages en 78 points.
Or, il s'agit désormais, pour tous les pays occidentaux, mais aussi pour de nombreux pays asiatiques, de faire face à ce que depuis plusieurs années, ils ont identifié comme les deux défis majeurs : le communisme chinois et le terrorisme djihadiste.
Au sein de l'Union européenne, la France pourrait paraître le pays le mieux placé pour prendre une place de choix dans cette nouvelle configuration. Aussi bien par son domaine maritime considérable, qui l'associe aux pays de l'Indopacifique, que par sa présence en Méditerranée orientale, elle représente une force très importante.
Ministre des affaires étrangères, Le Drian l'a rappelé, de plus, lors d'un déplacement en Côte d'Ivoire : "le Sahel est la frontière sud de l'Europe". Et, depuis 2013, ce sont plus de 5 000 soldats français qui y défendent la civilisation contre la sauvagerie des djihadistes.
Le 5 juin, nos soldats ont obtenu un nouveau succès en liquidant un des principaux chefs terroristes d'Al Qaïda au Maghreb islamique.
L'annonce de Macron, le 10 juin, d'une réduction de moitié, pour commencer, d’ici à 2023, de l'engagement militaire français au Mali, a donc surpris une partie des observateurs. Divers indices suggèrent que cette nouvelle orientation présidentielle remonte à février. Aujourd'hui, si j'en crois Le Canard enchaîné du 9 juin, la décision était prise sans même en conférer avec le chef d'État-major des armées. Très logiquement le général Lecointre a donc annoncé le 13 juin la fin de ses fonctions.
Il semble, cependant, quelque peu naïf de croire qu'en abandonnant ainsi le combat contre les djihadistes basés dans les pays du Sahel, le président de la république dévaloriserait ainsi seulement la mission de chef des armées que lui confèrent nos institutions.
En réalité, l'élu de 2017 assume et renouvelle, à son tour et à sa façon, plus maladroite que jamais, une fort ancienne volonté de dégagement de la France hors d'Afrique.
La perversité d'un tel tropisme doit être perçue et dénoncée pour telle. En 1962 l'équipe de L'Esprit Public annonçait avec beaucoup de lucidité le lien entre le dégagement algérien et l'avènement d'une société de consommation, responsable quelques années plus tard de la chienlit de 1968, dont les conséquences durent encore.
Certains croient qu'elle correspondrait à une logique simpliste du chacun chez soi, et elle leur semble légitime.
Grave erreur ; car en fait, depuis qu'elle a été mise en œuvre, à partir de 1960, ses conséquences inéluctables et constantes se sont traduites par la migration massive vers l'Hexagone des populations africaines et orientales livrées au sous-développement économique, à l'obscurantisme islamiste et à la corruption politique, dans un contexte de forte croissance démographique.
On pourrait même faire remonter cette lamentable logique du repli hexagonal, et du renoncement aux responsabilités civilisatrices d'une très ancienne puissance impériale et chrétienne, au discours de Brazzaville de 1944. Elle a très rapidement entaché, au point de le caractériser bientôt, le régime de la cinquième république.
Si l'on ne devait conseiller qu'un seul ouvrage sur cet aspect de l'Histoire, il semble au rédacteur de la présente chronique, que celui de Jacques Soustelle "Vingt huit ans de gaullisme" s'impose. Publié en 1968 par La Table Ronde il a été augmenté d'une postface inédite en 1971 dans l'édition J'ai lu, que l'on se doit donc de recommander.
Certes, l'auteur avait d'abord vécu longtemps dans l'admiration et la fidélité à l'égard de l'homme du 18 juin, au moins jusqu'en 1959. Venu de la gauche, secrétaire général du parti gaulliste de 1947 à 1951, il fut nommé en 1955, par le gouvernement de Pierre Mendès-France, gouverneur général de l'Algérie. C'est alors que cet ethnologue humaniste découvrit l'horreur et la terreur programmées et mises en œuvre par le FLN et qu'il définit le concept de l'intégration.
Il contribue en juin 1958, aux côtés du général Salan, à l'appel à De Gaulle, espérant sauvegarder ainsi l'Algérie française, après les moments magnifiques de cette fraternisation réalisée le 16 mai sur le forum. Mais, dès le 4 juin, lors du trompeur "je vous ai compris", Soustelle comme Salan prendront conscience, qu'en fait, celui qui allait prendre le pouvoir sur une ambiguïté, allait trahir les espérances des patriotes, pour mettre en place la logique d'abandon.
C'est contre cette dérive, qui tournera au drame que les jeunes générations ignorent trop souvent, que Soustelle va tenter de lutter, dans la fidélité d'abord aux principes de la constitution adoptée en octobre 1958, puis progressivement dans la révolte, lorsqu'il mesurera que ses dispositions essentielles étaient violées par le nouveau pouvoir, aussi bien par l'autoritarisme du président que par la veulerie de Michel Debré. L'année 1959, entre la "tournée des popotes", qui encourageait l'engagement de nos soldats et le discours du 16 septembre, celui-ci rendra éclatante la volonté sournoise de réaliser, ce que De Gaulle lui-même avait prétendu rejeter sous le nom "d'abandon vulgaire".
Abandon vulgaire. En novembre 1960 c'est la formule qu'utilise le fondateur de la cinquième république pour prétendre l'écarter. L'année suivante il entreprendra, pourtant, très officiellement de le mettre en œuvre ; il l'imposera, dans le sang du peuple européen d'Alger le 26 mars 1962, ouvrant la route au massacre des Français musulmans par les assassins du FLN.
Ce ne fut pas un abandon vulgaire mais un abandon sanglant.
À son tour, Macron reprend ce lamentable, cet affreux héritage.
JG Malliarakis
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Jacques Soustelle demeure un esprit lumineux qui su prévoir beaucoup d'évolutions de notre société.Il est occulté de nos jours comme tous ceux qui ont eu tord d'avoir raison
Rédigé par : Laurent Worms | jeudi 17 juin 2021 à 09:49
J'avoue ne pas comprendre. Comment peut-on soutenir qu'il aurait été possible de maintenir l'empire français ?
Qu'on discute des modalités de la décolonisation, je veux bien. Mais soutenir que la France aurait pu être la seule des puissances impériales à maintenir ses possessions, dans un monde qui a rejeté l'idée elle-même, comment est-ce possible ?
Au demeurant, nous n'avions pas les moyens de le faire. L'Algérie nous coûtait plus qu'elle ne nous rapportait, sauf erreur.
Quant à l'argument de l'immigration, il est fallacieux. Si l'Algérie était restée composée de départements français, cela n'aurait pas été une incitation, au contraire, pour les Algériens à s'établir en métropole ? Allons donc !
D'innombrables nations occidentales sont aujourd'hui affligées d'une immigration de masse, en provenance de pays qu'elles n'ont jamais colonisés. C'est le cas de la Suède, de l'Allemagne, et même des Etats-Unis, si l'on veut bien considérer qu'ils accueillent des immigrés venus de partout, et pas seulement du Mexique, avec lequel on peut admettre un contentieux territorial.
L'immigration massive des Grecs en Allemagne fut-elle due à la colonisation d'un pays par l'autre ? L'Allemagne a-t-elle jamais colonisé la Syrie, l'Afghanistan et ainsi de suite ? La France a-t-elle jamais colonisé l'Ethiopie et la Somalie, dont elle accueille tant de citoyens bien malgré elle ?
Quant au lien établi entre la décolonisation de l'Algérie et la société de consommation, il me laisse perplexe. D'abord, la société de consommation, c'est bien. C'est synonyme de prospérité.
Comment peut-on, à la fois, regretter les Trente Glorieuses comme tout le monde le fait, et fustiger la société de consommation ? C'est sûr que lorsqu'il y avait encore des tickets de rationnement au lendemain de la guerre, il n'y avait pas de société de consommation.
Lorsque, dans les années 60 encore, sauf erreur, il y avait un seul WC public au Louvre, et les feuilles de papier hygiénique y étaient vendues à l'unité, on n'était certes pas dans la société de consommation.
Je doute que beaucoup de gens aient envie de revenir à cette société-là. Le leitmotiv, aujourd'hui, c'est plutôt la pauvreté, la précarité, l'inégalité et ainsi de suite. Il faudrait savoir ce que l'on veut...
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 17 juin 2021 à 11:14
Il n'y a plus de Président de la République en France depuis 1995 (et surtout depuis 2007) comme le révèle la disparition de la marque présidentielle (présidential standard flag en anglais) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marques_des_pr%C3%A9sidents_de_la_R%C3%A9publique_fran%C3%A7aise
https://www.wikiwand.com/en/List_of_French_flags
Sarkozy reconnu d'ailleurs implicitement la suppression de la fonction en voulant supprimer celle de 1er Ministre ; aveu qu'en fait il n'était plus que ça et que c'était celle de Fillon, vice-1er ministre qu'il voulait supprimer en fait !
Rédigé par : Françoise de Savigny | jeudi 17 juin 2021 à 19:11
Helas, l'abandon des valeurs morales, politiques et intellectuelles françaises sont à l'abandon et ce, depuis de nombreuses années, et ce n'est pas monsieur MACRON ni ses amis centro-gauchistes et mondialistes qui feront quoi que ce soit pour que la France se ressaisisse et retrouve son honneur et son aura.
Honneur et fidélité.
Amitiés. JLP
Rédigé par : PEIGUES | vendredi 18 juin 2021 à 11:36
@Robert Marchenoir j'essaierai un jour ou l'autre de vous répondre et peut-être de vous convaincre, sur la décolonisation comme sur le concept de "société de consommation". Mais, en gros, je crois que les empires forment la trame de l'Histoire. L'occident reflue-tel ? Les orientaux affluent... Les empires européens renoncent-ils ? D'autres empires les remplacent.
Rédigé par : JG Malliarakis | vendredi 18 juin 2021 à 14:06
Sur la décolonisation râtée - ou sabotée plutôt - de l'Algérie, il fut un temps l'idée de concerver une partie de l'Oranie et d'y regrouper les Pieds Noirs, celà aurait été une sorte d'Ulster à la française. Dommage ! Quand au Sahara, donné scandaleusement au FLN, il est partagé aussi avec le Mali et le Niger. Or, on en paye aujourd'hui les conséquences, ce territoire n'est ni algérien ni malien ni nigérien, il est touareg et arabes du nord et "noirs" du sud y sont en nouveaux colonialistes - et racistes - soutenus par l'ancien colonialiste dans une guerre absurde. Si on doit y intervenir, c'est pour soutenir et reconnaître l'AZAWAD et leur donner l'indépendance au lieu de les obliger à s'allier aux djihadiste.
Pour aller plus loin encore, l'Algérie elle-même n'est pas arabe, ces derniers y étant aussi des coloniaux racistes ; l'Algérie appartient aux Berbères et aux Kabyles !
Rédigé par : Françoise de Savigny | vendredi 18 juin 2021 à 17:29
@ JG Malliarakis
"Mais, en gros, je crois que les empires forment la trame de l'Histoire."
Cela peut être vrai lorsqu'ils rassemblent des peuples disons "proches". Dans le cas contraire comme l'empire colonial français, ce n'est que source à problèmes (identitaires, économiques,...). De Gaulle l'avait parfaitement compris, hostile à l'Algérie française, favorable à une Europe indépendante et unie contre les superpuissances de l'époque (Union Soviétique - empire bien plus cohérent que le "notre" - et États Unis d'Amérique).
Petite réponse
Nous sommes entièrement en désaccord et cela ne m'étonne pas. Vous dites : que "De Gaulle l'avait entièrement compris, etc." Il aurait dû le dire plus tôt. Beaucoup de Français sont morts en raison de ses mensonges.
Quant à l'empire soviétique il faut vraiment que vous ne connaissiez rien à l'Asie centrale et au communisme pour croire à l'homogénéité "ethnique" de la défunte URSS.
Rideau.
Rédigé par : RR | vendredi 18 juin 2021 à 17:32