Dans sa chronique du Monde, en date du 12 avril, Philippe Escande éditorialiste économique du journal se trompe.[1]Ce n'est pas un "signal destructeur", comme il le qualifie, mais au contraire une alerte parfaitement nécessaire et, à de nombreux égards, éclairante, quoique désagréable, que Stellantis adresse, sans doute sans le vouloir, au public français et à l'opinion européenne.
Créé officiellement en janvier 2021, le groupe Stellantis est en effet une réalité multinationale de droit néerlandais. Son siège est à Amsterdam. Ceci résulte de la décision, annoncée dès 2019, de fusionner les groupes PSA et Fiat Chrysler.
De sorte que Stellantis commercialise désormais les 14 marques suivantes : Citroën, ainsi que son ancienne série DS, et Peugeot, certes, que nous considérons traditionnellement comme françaises ; mais aussi Opel, Vauxhall, Barth, Alfa Romeo, Chrysler, Doge, Fiat, Jeep, Lancia, Maserati et RAM.
Pourquoi M. Escande imagine-t-il qu'une telle structure doive poursuive particulièrement l'objectif rassurant de gagner ce que notre éditorialiste du Mondeappelle "la bataille de la réindustrialisation française" ?
Quel que soit l'actionnariat, passé, présent ou futur du groupe actuel et de ses composantes, tout investisseur industriel est confronté aussi bien à une règle de concurrence, en même temps qu'à une situation internationale de libre circulation des capitaux et à un marché européen caractérisé par l'absence de droits de douanes.
Dans de telles conditions, il est parfaitement clair que la France empêtrée dans son "modèle social", entre gréviculture, enfer fiscal et bureaucratie n'est pas un lieu concurrentiel du point de vue des industriels.
Sans doute, du point de vue européen, il vaudrait mieux que les investissements industriels restent dans notre Vieux Continent. Mais le manque d'imagination des décideurs au sein des grands groupes les a amenés, depuis quelque 30 ans, à choisir un pays comme la Chine plutôt que la Roumanie ou la Slovaquie.
La force des industriels et sous-traitants chinois résulte, évidemment aussi, de salaires particulièrement faibles et d'autres conditions sociales inacceptables. La concurrence est largement faussée avec ce pays : non seulement du fait de son "nouveau mode de production asiatique", – pour reprendre une expression de Karl Marx... mode de production supposant une situation de quasi-esclavage, que permet la dictature du Parti communiste ; mais aussi du fait d'un déséquilibre monétaire contraire aux règles initiales de l'OMC, la monnaie chinoise étant sous-évaluée et non convertible, etc.
Dans un tel contexte, il est devenu clair que la délocalisation ou la sous-traitance mises en place par de grands groupes industriels méritent d'être dénoncées ne serait-ce qu'en informant correctement le consommateur des conditions de production et en obligeant les distributeurs à indiquer la provenance réelle, etc.
Mais on doit aussi se persuader que le déséquilibre commercial et le décrochage de la France ne sont pas seulement imputables à la concurrence chinoise et à la délocalisation : c'est plutôt le déclin d'une France de plus en plus étatisée, de plus en plus anesthésiée par le politiquement correct, de plus en plus tiers-mondisée qui entraîne la fuite des investissements.
JG Malliarakis
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[1] cf. son article du Monde "En décidant de produire sa future berline Citroën en Chine, Stellantis envoie un signal destructeur"
"Dans de telles conditions, il est parfaitement clair que la France empêtrée dans son "modèle social", entre gréviculture, enfer fiscal et bureaucratie n'est pas un lieu concurrentiel du point de vue des industriels."
"Mais on doit aussi se persuader que le déséquilibre commercial et le décrochage de la France ne sont pas seulement imputables à la concurrence chinoise et à la délocalisation : c'est plutôt le déclin d'une France de plus en plus étatisée, de plus en plus anesthésiée par le politiquement correct, de plus en plus tiers-mondisée qui entraîne la fuite des investissements."
On ne répètera jamais assez ces vérités.
L'Europe peut-elle nous débarrasser ou plus exactement nous libérer de cet enfer ?
Rédigé par : RR | mercredi 21 avr 2021 à 22:53
Lisez " URSSAF, un cancer français " de François Taquet: 22 URSSAF ayant le statut juridique de sociétés en participation (donc, inexistantes juridiquement), 705 milliards de cotisations et 3,5 milliards d'€ de pénalités annuelles, un régime de base en concurrence avec les 27 pays européens.
Rédigé par : Eschyle 49 | mercredi 21 avr 2021 à 23:32
La France décourage la production industrielle sur son territoire. Et pourtant je crois savoir que Toyota fabrique sa Yaris en France ainsi que Daimler Benz sa Smart. Comment font-ils?
Petite réponse
L'historique de ces implantations est, lui aussi, un vrai sujet.
À suivre...
Rédigé par : Jacques Peter | jeudi 22 avr 2021 à 09:09
Si on prend en considération l' entité européenne, il se peut qu'on assistera dans les années à venir à une certaine réindustrialisation, mais peu en France.
J'ai entendu sur une station de radio que les écologistes on bloqué l'implantation d'une usine de produits pharmaceutiques qui a trouvé accueil en Suisse. Donc en plus de son "modèle social à la française", le pays est bloqué par des idéologies naïves.
Rédigé par : Laurent Worms | jeudi 22 avr 2021 à 09:33
La France manque de capital, puisque l'Etat le détourne à son profit. Il n'y a pas de mystère.
Et lorsqu'intervention étatique il y a, elle est réalisée à mauvais escient. Voir cet article du magazine américain Science :
https://www.sciencemag.org/news/2021/04/after-coronavirus-vaccine-failures-france-laments-state-its-biomedical-rd
En situation exceptionnelle, des investissement étatiques peuvent être justifiés. Ce fut le cas avec l'action des gouvernements britannique et américain en vue d'obtenir un vaccin contre le Covid.
La France n'est arrivée à rien, malgré ses atouts très forts dans ce domaine. L'incurie nationale est telle, qu'une startup française préparant un vaccin contre le Covid a été soutenue par le gouvernement... britannique, qui s'est, par conséquent, attribué le bénéfice des futures doses de vaccin.
Même dans l'étatisme (qui est pourtant notre spécialité), les autres font mieux que nous.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 22 avr 2021 à 11:01