La France insouciante et officielle l'oublie trop souvent. Son domaine maritime immense, de près de 11 millions de km2, devrait imposer à ses dirigeants une vision politique mondiale. Les médias parisiens semblent l'ignorer, ne découvrant guère les océans qu'à la faveur de la course du Vendée Globe, c'est-à-dire tous les quatre ans. Or, cette situation ne se compare qu'à celle des États-Unis et nous associe indissolublement au sort de l'occident.
Rappelons simplement, à cet égard, que 90 % du commerce mondial est transporté sur l'eau. Et contre la piraterie, notre Marine nationale, malgré l'étroitesse des moyens que l'État lui octroie, de plus en plus chichement chaque année depuis 1960, s'en va sécuriser ces jours-ci le golfe de Guinée, avec le soutien du Portugal.
Mais notre technocratie financière et dirigeante, méprisante de l'artisanat des pêcheries, n'accorde pratiquement aucun intérêt aux entreprises maritimes. Ainsi, sur 47 compagnies fédérées des armateurs de France, il semble que les plus importantes aux yeux des pouvoirs publics, restent des transbordeurs subventionnaires et de culture monopoliste tels Brittany ferries ou Corsica ferries.
Il en va tout autrement des Américains.
Ce 12 mars, le président des États-Unis réunissait un rassemblement virtuel des dirigeants du Quad, ainsi nomme-t-on le quadrilatère allié dans l'espace Indo-Pacifique, formé avec le Japon, l'Inde et l'Australie, à propos desquels Pékin n'hésite pas à dénoncer l'esprit de guerre froide.
Washington annonce officiellement que leur discussion tourne autour du Covid-19, de la coopération économique et de la crise climatique. Plus franchement New Delhi concède que son Premier ministre, Narendra Modi, se propose d'évoquer, avec Joe Biden, Yoshihide Suga, Premier ministre japonais et Scott Morrison, Premier ministre australien, la promotion d'un "Indo-Pacifique libre et ouvert".
Certes, la Chine n'est aucunement mentionnée dans de telles déclarations. C'est pourtant la montée en puissance économique et militaire de l'Empire du Milieu qui a conduit, depuis 2017, sous l'impulsion de Mike Pompeo secrétaire d'État de Donald Trump, à la réactivation du Quad et qui préoccupe les quatre dirigeants.
Le Quadrilatère, ou Dialogue sur la sécurité quadrilatère, fonctionne sur la base d'un forum stratégique informel, pratiquant des sommets semi-réguliers, des échanges d'informations et des exercices militaires. Sans se présenter toutefois comme une alliance militaire formelle telle que l'OTAN, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, fondée en 1949 après le coup de Prague de 1948 comme riposte au bloc soviétique, il s'agit bien aujourd'hui de faire contrepoids à la menace de la Chine communiste en Asie-Pacifique.
Aussi le commandant en chef des forces militaires américaines dans la région indo-pacifique, l'amiral Philip Davidson, n'a-t-il pas hésité, ce 9 mars, à qualifier le groupe Quad de "diamant des démocraties". Il déclare même espérer que l'organisation pourrait "construire quelque chose de plus ambitieux"(...) "pas seulement en termes de sécurité, mais en approches... de l'économie mondiale, des technologies critiques comme les télécommunications et la 5G, et de la collaboration à l'ordre international. Et par conséquent beaucoup à faire diplomatiquement et économiquement".
Le 10 mars dans un article de Foreign Policy, auquel contribuait l'ancien secrétaire américain à la Défense James Mattis, on pouvait lire que le Quad est "la tâche essentielle de la présidence Biden en politique extérieure", car un tel Dialogue quadrilatéral de sécurité constituerait, aux yeux du CFR, le meilleur moyen pour faire face à la menace chinoise. Et de souligner que le Quad pourra contribuer à l'avenir dans quatre domaines clés : la sécurité maritime, la sécurité de la chaîne d'approvisionnement, la technologie et diplomatie.[1]
Notons ici qu'une telle stratégie tend à laisser de côté la lancinante question des partenariats économiques et des flux financiers;
Le gouvernement de Pékin semble fondé à percevoir, au-delà des aspects bénins de la relation, un potentiel d'encerclement militaire. Pour l'instant cependant, il ne s'agit que d'un rassemblement informel, avec très peu d'ossature institutionnelle – pas encore une OTAN asiatique. Soulignons cependant qu'après l'effondrement de l'Union soviétique le bloc atlantique a conservé sa structure, tout en semblant dépouillé de sa raison d'être.
Quant à la France, alliée des États-Unis, elle a modestement manifesté sa présence. Le 8 février la ministre des Armées Florence Parly pouvait annoncer que deux bâtiments de la Royale avaient effectué des manœuvres notables dans les eaux revendiquées par Pékin en mer de Chine méridionale : le sous-marin nucléaire d'attaque Émeraude et le bâtiment de soutien Seine. "Cette patrouille hors normes, souligne-t-elle, apporte "une preuve éclatante de la capacité de notre marine nationale à se déployer loin et longtemps en lien avec nos partenaires stratégiques australiens, américains ou japonais".
Il faudra fermement se préparer, dans un proche avenir, à faire face à la menace de la Chine communiste. Si nous ne la déjouons pas dans l'Océan Pacifique, c'est bientôt en Europe qu'elle déferlera.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. "Getting the Quad Right Is Biden’s Most Important Job"
Comment le 26 ème pays mondial (selon le revenu par tête) pourrait-il supporter les charges provoquées par les restes d'un empire colonial dispersés sur tout le globe ou presque.
Et puis, pourquoi ne pas accorder l'indépendance à tous ces braves gens ?
Rédigé par : François MARTIN | dimanche 14 mar 2021 à 12:47
L'Australie est en butte à une offensive extraordinairement agressive de l'impérialisme chinois.
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@ François Martin
"Pourquoi ne pas accorder l'indépendance à tous ces braves gens ?"
Parce qu'ils ne la réclament pas. Non seulement ça, mais ils se pressent à la porte pour entrer dans "l'empire français", comme le montre, hélas, le cas de Mayotte. Ils sont bien trop conscients des avantages que cela procure.
Rédigé par : Robert Marchenoir | dimanche 14 mar 2021 à 13:40
Le Japon, l'Inde, et l'Australie, et bien d'autres pays de cette région du monde, se font évidemment beaucoup de soucis au fur et à mesure que la Chine communiste devient de plus en plus puissante et les menace. Militairement ils ne font pas le poids. Nous non plus, ni l'Europe. Restent les EUA.
C'est à juste titre que vous relevez “ qu'une telle stratégie tend à laisser de côté la lancinante question des partenariats économiques et des flux financiers “.
En effet, sans la volonté des grands banquiers américains qui ont créé ( cf. la présidence Nixon) puis développé l’économie de la RPC, celle-ci serait restée un nain. Et face à un embargo international imposé par les Etats-Unis, la RPC se serait vraisemblablement effondrée comme l'URSS ; en tout cas le monstre maoïste aurait été contenu.
Il y a donc là un dilemme.
Le monde libre n'en sortira pas, à mon avis, aussi longtemps que la pieuvre qui tient les EUA dans ses tentacules restera vivante. Je veux parler du Council of Foreign Relations qui fut créé en 1920 à l'initiative drs grands banquiers anglo-américains. Ils tiennent l'Etat fédéral américain, et leur projet ( le mondialisme ) a créé un monstre capitalo-communiste en RPC. Pour affronter la RPC, dont le danger échappe à quasiment tous sauf à vous, il nous faut nous libérer des forces du mondialisme dirigées par les banquiers new-yorkais.
Parallèlement à leur alliance avec les dirigeants du parti communiste chinois, ils ont créé un projet de gouvernement mondial en Europe ; avec l'Union Européenne dont les Commissaires sont choisis par le Bilderberg, la banque Rothschild qui a pris Paris, et maintenant Goldman Sachs qui vient de prendre Rome, etc. … pourquoi se gêneraient ils ?
Nous sommes donc pris dans une tenaille formée par les forces du CFR américain et du PC chinois. Je suis, humblement, d'avis que la chute du CFR américain entraînerait celle de la RPC. Sinon, “ les flux économiques et financiers “ renforceront toujours plus la Chine de Pékin.
Pour le moment, les grands banquiers et leurs comparses oligarques ont retrouvé les coudées franches aux EUA, et le plus puissant pays du monde prend le chemin d'une dictature. Même si ce n'est pas visible, et dissimulé par les grands médias mondialistes, les EUA et la RPC sont sur deux trajectoires convergentes.
Oui, il faudrait s'armer et faire face à la RPC. Mais comment avec une armée française auxquelles les moyens sont diminués d'année en année, et des industries d'armement captées par l'Allemagne ? Et fermer aux sous-marins nucléaires chinois l'accès à la mer de Chine ne suffira pas pour nous protéger de la RPC, tant qu'elle inondera nos marchés et s’étendra avec son réseau des Routes de la soie.
Notre royal pays n'a donc, il me semble, d'autre possibilité que de se libérer priorité des griffes des mondialistes. C'est aussi une nécessité intérieure pour retrouver notre souveraineté.
Rédigé par : Dominique | dimanche 14 mar 2021 à 14:45
@ François MARTIN
"Et puis, pourquoi ne pas accorder l'indépendance à tous ces braves gens ?"
Je ne cesse de le dire, en accord avec la majorité des Français.
Qu'attendent les pouvoirs successifs pour consulter le Peuple à ce sujet, plutôt que de lancer des référendums locaux où seule une des deux parties est concertée; dans une union, il doit y avoir obligatoirement double consentement.
Il faut en finir définitivement avec tout colonialisme ou néocolonialisme.
Rédigé par : RR | dimanche 14 mar 2021 à 15:23
Abandonner la Mer comme le suggère M.F.Martin est une solution.Mais avons nous le droit de le faire en regard des générations futures?
Nous disposons de fait d'un vrai potentiel.
Et dans ce cas donnons nous une Marine.Mais nos hurluberlus ne pensent qu'à l’élection prochaine et se moquent du reste!
Rédigé par : werner | dimanche 14 mar 2021 à 16:09
C'est avec tristesse que je lis que nous devrions abandonner des territoires maritimes, découverts en son temps par de courageux marins du royal pays. " Avez vous des nouvelles de monsieur de la Pérouse ? ". Notre bon roi voyait loin, lui.
Ils ne nous coûtent pas cher - infiniment moins que les milliers de milliards consacrés aux immigrants - et devraient nous rapporter gros.
Beaucoup de ces îles sont inhabitées et difficilement habitables, mais contiennent des richesses énormes en poissons et en ressources du sous-sol, tant pour nous que pour l'humanité. Et elles constituent des bases pour ravitailler nos navires de guerre qui concourent à la sécurité des bâtiments de toutes sortes, et participent au maintien de la paix dans le monde.
Hélas beaucoup de nos mauvais dirigeants ne voient pas plus loin que le bord de leurs plages estivales, alors que la mer est source de la vie terrestre, de richesse formidable pour notre pays, et de supériorité stratégique.
Djibouti était français - j'y suis allé et la présence des Français était évidemment appréciée par la population indigène. L'apport de notre civilisation a toujours été exceptionnel Outre-mer, n'en déplaise à d'autres. Maintenant les communistes chinois y ont une base exclusivement militaire !
Notre chroniqueur préféré a justement évoqué les héros du Vendée Globe. Ce n'est pas une course ordinaire. Essentiellement français, mais il y a eu en 2020 des Anglais, un Allemand, un Italien, Finlandais un Japonais, ces hommes et ces femmes témoignent que l'homme libre chérira toujours la mer. Mais quels intelligence, expérience, mental et courage il faut pour affronter seul à bord les océans, durant 80 à 110 jours pour le Vendée 2020-21 ! Ce n'est pas une question de force physique : il y a parmi ces champions une petite femme - je reprend les mots de cette navigatrice formidable.
Le dernier arrivé fut un homme semblable à nombre d'entre nous. Le Finlandais Ari Huusela, pilote de ligne, eut pour seule ambition d'effectuer ce tour du monde dans les meilleures conditions de sécurité pour son voilier et lui-même. Projet réussi, après une longue et minutieuse préparation, avec sa famille et des amis.
Un Français, Jean le Cam, navigateur depuis son enfance, défend l'accès à cette course hauturière pour des plus jeunes qui, comme lui, ont peu de moyens. Il a terminé juste derrière des voiliers récents très, trop sophistiqués ! En carbone et avec deux foils latéraux et la quille mobiles mécaniques, ces machines de course coûtent infiniment plus que son voilier de conception très classique. Il raconta comment il sauva, dans une mer pas facile, un navigateur dont le voilier avait sombré. Son camarade fut ensuite récupéré par un bâtiment … de la Royale.
Le Vendée Globe nous montre que le génie français aurait toute sa place sur les mers du globe. Et qu'il pourrait entraîner l'occident avec lui. Il aide à garder l'espérance.
Allez, un tour sur ces Vendée Globe pour vous Jean-Gilles et pour tous vos lecteurs de l'Insolent :
https://www.vendeeglobe.org/fr
Le naufrage de Kevin Escoffier est raconté ici, juste après son sauvetage :
https://www.vendeeglobe.org/fr/web-tv/playlist/171
Rédigé par : Dominique | dimanche 14 mar 2021 à 20:48
Ceux qui prônent l'abandon des territoires ultra marins de la France, je pense n'imaginent pas la portée de leur souhait. ces territoires ultra marins (où vivent des Français ne l'oublions pas) participent à la diversité culturelle de la Métropole France, au rayonnement de la France dans le monde entier et empêchent l'extension de la Chine qui serait la première à coloniser ces îles si elles sont abandonnées par la Patrie.
Petite réponse
Entièrement d'accord avec vous j'ajoute que cette question n'était pas initialement abordée dans ma chronique. Il s'agit donc clairement d'un troll.
Rédigé par : Guy Oceans | lundi 15 mar 2021 à 08:02
Comme l'écrit une nouvelle fois notre chroniqueur préféré, la RPC est devenue un danger énorme, et aucun dirigeant français ne l'a encore compris.
Le blog patriotique LesObservateurs.ch de la vraie droite suisse a analysé la politique de domination mondiale de la RPC. L'article met en avant le capitalo-communisme mis en oeuvre par le PC chinois, et propose au peuple suisse une stratégie pour lui résister sans faire la guerre, pour le moment. La toute petite Suisse se prépare à résister au géant chinois !
Il ne manque à cet article, à mon avis, que de comprendre les liens qui existent entre les dirigeants communistes de Pékin et les mondialistes établis à New-York. Le monstre chinois a, en effet, été créé par les dirigeants du CFR dans les années 60/70 ; c'est un fait.
Et j'ose prétendre qu'un anéantissement de la pieuvre new-yorkaise CFR, et donc la fin de la collaboration de l'empire financier et industriel américain avec le PCC entraînerait, avec des mesures d'isolement nécessaires, la chute de la RPC. L'URSS, dont les ressources du sous-sol étaient gigantesques et qui aurait pu se suffire à elle-même, s'est effondrée de cette façon.
Plus le temps passera, plus la RPC deviendra capable de substituer à sa stratégie globale actuelle ( collaboration avec l'oligarchie occidentale, espionnage scientifique et industriel, conquête des marchés, captation des ressources minières mondiales, contamination idéologique, etc.), une stratégie qui pourrait alors être militaire. La RPC se prépare à faire la guerre.
https://lesobservateurs.ch/2021/03/16/faut-il-nous-mefier-du-pcc-et-de-sa-chine/
Rédigé par : Dominique | mercredi 17 mar 2021 à 14:20
Une intéressante étude comparative (en anglais) des menées de la Chine communiste en Afrique et dans l'Arctique : https://arcticreview.no/index.php/arctic/article/view/2440/5109
Rédigé par : Philippe Josselin | samedi 20 mar 2021 à 15:06