Le 3 septembre, à la sortie du conseil des ministres, Jean Castex annonçait la nomination d'un nouveau haut-commissaire au Plan, certains sceptiques se frottèrent les yeux.
Étions-nous embarqués dans la machine à remonter le temps, pour y retrouver l'ombre de Jean Monnet ?
Dans un premier temps les spécialistes de la vie politique française se raccrochaient plutôt à une simple hypothèse manœuvrière, un jeu de chaises musicales : après avoir écarté l'intéressé du gouvernement dès 2017, il fallait bien donner un statut au chef du Modem, principal allié d'un pouvoir exécutif en perte de sa majorité parlementaire. Sur 577 députés élus en 2017, le groupe LREM en comptait au départ 314, lui assurant une confortable suprématie sur tous les opposants, les gens du monde d'avant.
Car bien entendu ces nouveaux entrants étaient réputés au-dessus de tout soupçon. Une commission d'investiture présidée par l'insoupçonnable Jean-Paul Delevoye avait ainsi sélectionné les candidats dans chacune des 577 circonscriptions sur des critères de probité.
Au fil des démissions, cependant, le groupe n'en compte plus que 268 : 46 de chute en 3 ans, l'hémorragie inquiète. De plus, dans de nombreux votes, une partie des membres du groupe s'abstenaient ou faisaient défection. Le gouvernement se trouvait donc dans la nécessité de compter avec les groupes centristes parmi lesquels 42 élus du Modem.
Et pour retrouver un nouveau souffle, quoi de plus novateur que le retour à la planification française, et la résurrection de Jean Monnet qui l'avait mise en place, à partir de 1946, sous la quatrième république. À une époque où il s'agissait surtout de réparer les destructions de la seconde guerre mondiale et notamment de moderniser les infrastructures.
On attendit donc sagement quelque chose de nouveau car les difficultés jalonnent cette route nouvelle.
L'homme en charge du dossier, agrégé d'histoire, amateur de chevaux de course, auteur d'une excellente biographie du roi béarnais Henri IV était-il "the wright man in the right place" ? Pas sûr. Les lecteurs de son "État d'urgence" publié en 2011, où il semblait confondre allègrement déficit du commerce extérieur et déficit de l'État, peinent encore à s'en persuader : encore un effort pour découvrir les charmes de l'économie politique.
Les semaines passaient, quatre longs mois de silence et de réflexion du nouveau stratège donné à l'économie nationale. Et le 20 décembre, l'oracle se prononça. Il nous révélait ce jour-là, sans beaucoup nous surprendre, que l'industrie française se porte mal : elle ne représente plus que 13 % du PIB contre 19 % en Italie et 25 % en Allemagne.
On s'apprête donc, en haut lieu, à lé-gi-fé-rer car il suffit d'un peu de volontarisme, c'est bien connu, pour relancer la machine.
Avec les technocrates cependant il faut toujours se méfier.
En 1995-1997 Juppé, un grand homme pour sûr, puisqu'il siège au Conseil constitutionnel, l'homme du fameux "plan" qui porte son nom, avait ainsi "planifié" une médecine sans médecins, pour satisfaire Bercy. Le numerus clausus représentait l'instrument imparable : les déserts médicaux actuels témoignent de sa réussite.
Aujourd'hui on nous parle d'une industrialisation... sans industriels. L'industrie Messieurs les planificateurs c'est vague. Il est devenu stratégique en effet, nous dit-on, de fabriquer en Europe, – en Europe ou dans l'Hexagone ?,– les médicaments que nous consommons, etc.
Et il est sans doute devenu urgent de bien redéfinir certains impératifs. Tout le monde en a pris conscience. Pas besoin d'un quelconque commissariat au plan pour cela : il s'agit bien de revenir sur la tendance aux délocalisations, d'empêcher les vols de technologie, d'assumer la contradiction entre l'intérêt des Européens et celui de certains financiers ou distributeurs qui se comportent comme des traîtres dans le far west et vendent des winchesters aux Indiens, et achètent leur camelote aux Chinois.
Seulement la principale question demeure : celle du développement de l'entrepreneuriat français.
À fiscalité et charges sociales constantes, et donc à dépenses publiques constantes, pas la peine de rêver.
Le gouvernement de M. Castex l'a-t-il compris ?
JG Malliarakis
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Pas certain que c'est dans ce vieux pot que l'on trouve la recette de la meilleure confiture pour l'économie française, d'autant que l'Angleterre, hors de l' Europe,devrait s'efforcer de devenir un paradis fiscal et un "attrape capital". Alors avec notre fiscalités, nos grèves, nos manifestations,etc...
Rédigé par : Laurent Worms | mardi 22 déc 2020 à 19:49
Il faut créer un espace économique européen. C'était ce que préconisait l'Eurodroite en 1984, c'est on ne peut plus d'actualité puisque ça n'a jamais été fait et que nous en subissons les épouvantables conséquences.
Rédigé par : RR | mardi 22 déc 2020 à 22:00
Si l'industrie française ne représente plus que 13 % du PIB contre 19 % en Italie et 25 % en Allemagne, par contre 1/3 environ de son PIB est consacré aux dépenses sociales! Là on est n°1 mondial. Et il y encore des grincheux!
Amitiés.
Rédigé par : Laurent Worms | mercredi 23 déc 2020 à 12:17