Ce 12 septembre, soutenant la manif en partie interdite des Gilets Jaunes, le député d'extrême gauche Quatennens citait, sans hésiter, Saint-Just : "Les malheureux sont les puissances de la terre. Ils ont le droit de parler en maître aux gouvernements qui les négligent." Au même moment son chef appelait, sans rire lui non plus, les militants de son parti qu'on dit insoumis à ne surtout pas commettre de violence.
N'enterrons pas trop vite ce mouvement. En deux ans, il a totalement perdu sa dimension initiale. En 2018, il pouvait sembler plus ou moins anti fisc, ce que certains voulaient confondre avec une résurgence du poujadisme, y compris dans sa dimension de sauvegarde de la France rurale. Or, ce qui s'est relancé en ce début de septembre ne paraît plus guère constituer qu'un rassemblement de gauchistes, agrémenté de quelques malcontents divers, protestataires anti masques et gérants de discothèques, le tout étant limité à quelques grandes villes. En tout, si l'on se base sur les chiffrages officiels les piétons additionnés de Paris, Marseille, Lyon, cela ferait, tout mouillé, 7 000 personnes dont à peine 2 000 dans la Capitale. D'après le communiqué du ministère de l'Intérieur, 256 d'entre eux auraient fait l'objet d'interpellations. Par conséquent cela a permis de mettre à jour les fichiers de la Sécurité territoriale. Sans se focaliser sur les armes par destination et autres objets contondants saisis, retenons la réapparition des black blocs sur les Champs Élysées. Soulignons aussi la division, évidente dans la pratique, entre les défilés ainsi que l'incident autour du citoyen Bigard. Ce comique, certes discutable et trop souvent vulgaire, que l'on qualifie abusivement comme « humoriste », s’est trouvé agressé par une partie de ceux-là mêmes qu'il entendait rejoindre. N'est pas Coluche qui veut. Et ce genre de manifs ne représente ainsi, définitivement, pas la révolution dans la révolution, mais l'anarchie dans l'anarchie.
Attention cependant à ne pas croire que les braises soient définitivement éteintes. Nicolas Beytout me semble donc un peu trop péremptoire qui croit pouvoir trancher : "Ce mouvement ne représente plus rien, il ne défend plus rien, ne réclame plus rien et ne reconnaît plus rien. Difficile de faire plus raté."[1]
Dans notre précédente chronique, nous évoquions la mobilisation cégétiste, autour d'une grève SNCF lancée pour le 17 septembre.[2]
On peut et on doit espérer l'échec de ce mouvement pseudo-syndical anti-corporatif. Les appareils destructeurs de fait de l'entreprise ferroviaire, CGT et Sud-Rail, osent en effet se prévaloir et se gargariser d'une activité dont ils constituent en réalité la principale entrave.
Mais on doit également mesurer l'efficacité de la théorie et de la pratique de l'idée, marxiste-révolutionnaire par excellence, de la convergence des luttes.
Une première tentative de mobilisation, même factice, peut toujours échouer. Celle du 12 septembre entre dans cette hypothèse. Vient une seconde, tout aussi factice. Et celle du 17 septembre, lancée sans aucun objectif concret précis, correspond exactement à la qualification. Puis, éventuellement une troisième. Et ainsi de suite. Et puis enfin se rassemblent tous ceux qui veulent, pour n'importe quelle raison, que "ça casse", chantant avec L'Internationale : "le monde va changer de base, nous ne sommes rien, soyons tout".
C'est alors que les prétendus savants entrent en scène. Tel Marx rédigeant en 1864 l'Adresse inaugurale de la Première Internationale réunie à Londres, ce seront par exemple de prétendus économistes atterrés qui apparaissent avec leurs équations fausses et leurs statistiques manipulées.
Place dès lors aux slogans néomarxistes des Piketty, Porcher et consorts.
Le monde entier avait été asséné de l'illisible pavé de Piketty, Le Capital au XXIe siècle, 1 000 pages publiées en 2013. Tous les intellectuels de gauche et autres prétentieux l'ont acheté, l'extrême gauche américaine s'en régale, personne ne l'a vraiment lu.
Plus facile à avaler, plus commode à déglutir, le dernier pensum de Thomas Pocher, théorise à son tour ladite Convergence des luttes. Et le site du Monde lui donnait complaisamment la parole pour annoncer : "Les délaissés doivent comprendre qu’il faut écrire un avenir en commun"[3]
Saint-Just en 1793 parlait des malheureux, Marx et Engels à partir de 1847 en appelaient aux prolétaires, voici maintenant les délaissés. Ne dites plus, n'accusez plus le capitalisme, parlez du néolibéralisme mondialisé. On change certes d'étiquettes, le poison, lui, n'a guère évolué.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. sa chronique datée de ce 14 septembre "Gilets jaunes: pourquoi est-ce la fin du mouvement ?"
[2] cf. L'Insolent du 2 septembre "La rentrée de la gréviculture"
[3] cf. Propos de Thomas Porcher pieusement recueillis par Abel Mestre et Sylvia Zappi en ligne le 12 mars 2020.
Les Piketty et Cie devraient se renseigner sur le comment la Chine s'est dotée au pas de course d'une économie de marchée suite à la mort du Grand Timonier en 1976. Cette mutation s'est faite après la constatation de Den Xiaoping que "la pauvreté n'est pas le but du socialisme". De quoi leur donner des chauchemards.
Rédigé par : Laurent Worms | mardi 15 sep 2020 à 13:25
Première victime d'une théorie dans le réel : la théorie elle-même!
Rédigé par : minvielle | mardi 15 sep 2020 à 13:27
Le mouvement (est-ce un mouvement ?) des Gilets jaunes est voué à l'échec faute 1)d'objectifs clairs autour d'un programme, 2)d'une organisation de type léniniste, 3) d'un Lénine justement.
Il faut lire le fameux "Que faire?" du chef révolutionnaire bolchevique pour le comprendre. Tous les révolutionnaires du XXème siècle qui ont triomphé y compris les anticommunistes s'en sont inspirés.
A noter pour l'anecdote que j'en avais fait une synthèse résumée tout comme je l'avais fait pour CpB, et j'avais envoyé le tout à Le Pen, avec tous les avertissements bien entendu comme quoi je n'adhérais pas aux idées décrites mais retenais uniquement la stratégie. Cela m'a valu une carte de vœux personnalisée et signée pour le nouvel an. J'avais à l'époque espéré naïvement une autre réponse et surtout des actes.
____
Pierre Sidos
En phase ou non avec ses idées (et de ce point de vue, de la Nouvelle Droite, dans la lignée de Guillaume Faye, j'étais plutôt en déphasage sauf notamment sur la question migratoire), on gardera en mémoire un homme honnête, désintéressé, très courtois pour tous ceux qui ont à un moment ou à un autre échangé avec lui, et n'ayant qu'une seule passion: la défense de la France dans son authenticité. Il m'avait de fait très aimablement dédicacé son entretien sur dvd résumant sa vie militante et ses idées.
Rédigé par : RR | mardi 15 sep 2020 à 18:30
@Laurent Worms,
Ne peut-on pas supposer que la Chine soit depuis la mort du grand timonier entrée dans la phase dialectique capitaliste de son accession au communisme, pour autant que ces espèces d'universaux économiques, catégories bien peu confucéennes en vérité, soient compatibles avec la Chine?
Quant aux Gilets jaunes, on peut évidemment regretter leur agressivité de manière générale: quiconque s'oppose à leur noyau dur subit immédiatement des représailles, Jacqueline Moureau comprise, qui a viré sa cuti pour s'agréger à l'écurie ultra-minoritaire de Florian Philippot et de sa phalange de frexiteurs. On peut analyser ce mouvement comme "de l'anarchie dans l'anarchie" et avoir redouté ce qui ne s'est pas produit, qu'au nom de la convergence des luttes, la France insoumise et pourquoi pas le NPA aient su fédérer un mouvement qui trouvait plutôt son origine dans la droite déclassée d'une France périphérique, comme il est convenu de l'appeler pour ne pas l'opposer à la France des banlieues. Ce mouvement sans boussole était promis à l'impasse. Et pourtant comment ne pas déplorer cette occasion manquée de mettre fin à la sociale démocratie, cet accord objectif indéfiniment renouvelé entre les soi-disants partenaires sociaux et corps intermédiaires qui n'ont jamais représenté leur base?
Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | jeudi 17 sep 2020 à 11:28
Incohérence absolue des Gilets jaunes: Ils exigent une fiscalité moins contraignante; très bien, sauf qu'en même temps les mêmes demandent une assistance accrue de l'Etat. En ce qui me concerne, je suis comme notre chroniqueur préféré en lutte pour une libération fiscale mais en revanche je n'attend rien de l'Etat (allant d'ailleurs dans ce sens encore plus loin que J-G) qui pour moi et comme le disait le grand Bakounine est liberticide.
Rédigé par : RR | vendredi 18 sep 2020 à 12:05
"(…) s'agréger à l'écurie ultra-minoritaire de Florian Philippot et de sa phalange de frexiteurs"
C'est faire trop d'honneur à ces gens-là de qualifier leur structure de phalange.
"On peut analyser ce mouvement comme "de l'anarchie dans l'anarchie""
Anarchie dans le mauvais sens du terme. Aucun rapport avec Proudhon, Malatesta, le grand Bakounine !
L'Anarchie, c'est l'ordre moins la hiérarchie (Jacques Lesage de La Haye)
Rédigé par : RR | vendredi 18 sep 2020 à 18:43
Les GJ aujourd'hui noyautés par soraliens et black blocs ne séduisent plus. Qui voudrait perdre un oeil pour l'islamiste Dieudonné ?
Quand à Bigard, jamais un vrai prolo ne dirait que les flics sont ses potes et certainement pas Coluche ! A peine sorti des starting-block, il tombe par terre, fini pour lui ! Il n'est finalement qu'un bourgeois déguisé en prolo comme Renaud, Balavoine et s'est démasqué tout seul ! Il est désormais aussi mort politiquement qu'Ingrid Levavasseur et on ne s'en plaindra pas !
Rédigé par : françoise | samedi 19 sep 2020 à 09:09
Puisque l'on reparle de "Monsieur Piketty", voici un petit texte que j'avais pondu lorsque son "ouvrage" était sorti :
Autocritique de Mr Picoti, "économiste socialiste".
Ayant envie de devenir jeune, beau, riche et célèbre, j'entrepris la rédaction d'un pavé de 1000 pages sur le "capitalisme" et les "inégalités". L'un étant coupable des autres, naturellement.
J'avais décidé de travailler scientifiquement : quels sont, me dis-je, les phénomènes économiques assez importants pour avoir un impact mesurable sur les revenus et les patrimoines ?
J'examinai rêveusement la courbe de l’indice des prix à la consommation : une pente vertigineuse, entrecoupée, çà et là, de quelques accidents mineurs (guerres mondiales, krachs, chocs pétroliers etc).
Les prix, exprimés en francs courants 1914, semblaient avoir été multipliés par 1.000 de 1914 à 1982 !
Comment était-ce possible ?
J'avais pourtant entendu dire que, pendant cette période, des progrès de productivité de 2,4% par an avaient divisé les prix réels des produits par 5.
Le prix d'un produit vendu 100 francs en 1914 aurait dû baisser à 20 francs en 1982. Il était finalement affiché à 1.000 nouveaux francs, soit 100.000 francs de 1914 ! Cinq mille fois plus ! Une inflation monétaire de 13,34% par an, en moyenne !
Effaré, je me plongeai immédiatement dans la lecture des best-sellers de deux auteurs socialistes respectés : "L'économie pour les ploucs" et "Un plouc enseigne l'économie au vulgum pecus".
Peu après, je perdis mon innocence : J'appris que, lorsque les états ne peuvent plus financer leurs déficits par des emprunts, ils recourent à l'inflation. Cela consiste à demander à la Banque Centrale des crédits non financés par de l'épargne. Après cela, une partie de la monnaie en circulation est sans valeur, sa cote moyenne baisse donc en proportion. Les dettes de l'État sont ainsi réduites ou effacées. Dans l’ombre de l’État, les emprunteurs non étatiques bénéficient des mêmes avantages.
Le principe de base du crédit à terme étant de fabriquer de gros emprunts avec de la petite épargne, les épargnants modestes sont des victimes toutes désignées : l'État et les riches pompent l’épargne des pauvres. C'est une sorte d'Impôt Sur la Pauvreté (ISP) qui vient créer/aggraver les inégalités.
On parle moins de cet "ISP" que de l’ISF, pourtant il rapporte beaucoup plus à l’État. Quant aux riches emprunteurs il leur rembourse très largement leur ISF.
LE VRAI COUPABLE EST INCONTESTABLEMENT L'ETAT.
Épouvanté par ces découvertes, je courus chez un ami, ancien élève de l'ENA, promotion Voltarène, proche relation du Président.
Cool, on va le relire ton brouillon et rectifier tes erreurs ! (il n’a pas dit erreurs, mais c.......s)
Quelque temps après, miraculeusement, la responsabilité des capitalistes était pleinement rétablie. L'État disculpé. Ouf ! Marx n'aurait pas à se retourner dans sa tombe.
Tout de même j'exprimai un doute sur la pertinence de la formule simplette "x > y" sur laquelle reposait désormais toute notre argumentation. Ma réputation était en jeu, non ?
T'inquiètes, on signera Picoti ou Picota
C'est ainsi que je suis devenu jeune, beau, riche et célèbre, sous un nom d’emprunt.
Rédigé par : François Martin | mardi 22 sep 2020 à 19:35
@ françoise
On ne saurait mieux dire.
Rédigé par : RR | mercredi 23 sep 2020 à 11:01
GILETS JAUNES
Ils sont apparus dans un uniforme conçu par l'État Français. Leur terrain de manoeuvre était les ronds points conçus et réalisés par l'État Français.
Le déclencheur était une énième taxe (il y en a des centaines, des milliers?) Celle-là était comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Parce qu'elle les touchait de près.
Qui étaient-ils ?
Après avoir lu toutes sortes de qualificatifs, je suis tenté de vous en proposer un : c'étaient des sans pouvoir de base, des victimes du "système", un peu comme les "Jacques" du Moyen Âge.
Le miracle est qu'ils aient réclamé le seul système susceptible de mettre fin à la gabegie actuelle, la démocratie directe, système logiquement vilipendé par les détenteurs du pouvoir politique et les minorités à fort pouvoir de nuisance, profiteurs du régime actuel, accrochés à leurs privilèges.
Le pouvoir politique n'avait pas d'autre choix que de contracter une alliance objective avec les black blocs et autres casseurs pour briser leurs manifs et les discréditer.
Un franc succès. Les gilets jaunes éliminés, il ne restait qu'à parler à tout le monde (sauf aux gilets jaunes, bien entendu) pour enterrer définitivement (?) le sujet.
Tant pis pour les sans pouvoir de base et tant pis pour les autres sans pouvoir.
Et aussi tant pis pour la police, prise entre deux feux dans ces subtiles maneuvres.
Rédigé par : Jean Michel Thureau | mercredi 23 sep 2020 à 14:55