La décision autoritaire d'Erdogan, d'abolir le décret de 1934, par lequel les kémalistes avaient transformé en musée mondialiste, l'ancienne basilique de Sainte-Sophie, profanée depuis le XVe siècle, n'a guère ému, concrètement, nos sociétés de consommation. Juste ce qu’il faut pour se prévaloir d'une bonne conscience factice. Elle ne change pas les projets de vacances du tourisme de masse.
Elle aura interrogé, en revanche, dès le 10 juillet, avant même la réouverture de la prière musulmane prévue pour le 24, les chancelleries et les rédactions des pays civilisés.
Dès le mois de juin, en effet, le patriarche œcuménique Bartholomée, probablement la personne la plus compétente pour parler du sujet, avait averti quant aux réactions à long terme : la transformation de Sainte-Sophie en mosquée pourrait "monter des millions de chrétiens dans le monde contre l’islam[1]".
Ajoutons à ce stade que, coordinateur des droites européennes, de culture chrétienne, Manfred Weber, qui représente le principal groupe du parlement de Strasbourg, a clairement mis les choses au point. "Les provocations d’Erdogan appellent une réponse forte" souligne-t-il[2].
Dans son discours révélateur du 10 juillet, Erdogan prétend triomphalement que cette démarche "rallume le feu de l’espoir des musulmans et de tous les opprimés, ceux qui ont fait l’objet d’injustice, qui ont été piétinés et exploités". Car en toutes circonstances le double langage islamo-révolutionnaire néo-ottoman mélange toujours, systématiquement, la rhétorique victimaire et vengeresse (de quoi ?) au pire cynisme revendiquant le droit de conquête.
En écoutant la vidéo, on se sent assez dépaysé par rapport au turc du Bourgeois Gentilhomme...[3]
Les déclarations officielles diffèrent d'ailleurs légèrement en anglais ou en arabe. Elles sont en effet formulées dans le but de répondre aux attentes de leurs destinataires.
La version anglaise rassure la consommatique des opérateurs de voyages : "les portes de Hagia Sophia seront, comme c’est le cas de toutes nos mosquées, grandes ouvertes à tous, qu’il s’agisse d’étrangers ou de locaux, de musulmans ou de non-musulmans".
La version arabe n'hésite pas, quant à elle, à instrumentaliser la question palestinienne. Elle affirme que la "renaissance (sic) de Hagia Sophia est un signe du retour de la liberté à la mosquée d’al-Aqsa". Les islamistes ferment en général, curieusement, les yeux sur les relations formelles, d'ailleurs de plus en plus difficiles depuis 2009, entre Ankara et Israël. Ils se gargarisent en revanche de la promesse néo-ottomane d’une nouvelle conquête de Jérusalem. L'invasion des Turcs seldjoukides, qui en chassèrent et massacrèrent les habitants au XIe siècle, fut la cause directe des Croisades, rappelons-le, lorsqu'ils interdirent les pèlerinages chrétiens.
Et la Turquie se flatte ainsi d'un rôle, complètement imaginaire en fait, de "médiateur", à son seul profit, de ce conflit dans le sens du mirage d’un État palestinien, mais aussi dans les autres zones sensibles d'un proche-orient, toujours tourmenté, où sunnites et chiites se déchirent depuis bientôt 14 siècles et où le gouvernement AKP agit contre tous les autres comme bras séculier des Frères Musulmans.
Ce n'est pas seulement au rôle de sultan moderne, d'un nouvel empire turc, auquel aspire le mégalomane Erdogan[4]depuis son palais d'Ankara plus grand que Versailles ; c'est bien la fonction de calife cédée aux Ottomans en 1517, comme chef mondial des Croyants mahométans, à laquelle il croit avoir droit.
Jusqu'où ira-t-il ? se demande-t-on encore. Votre chroniqueur le répète ici librement quant à lui : il ira jusqu'au point où on l'arrêtera.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. article "Sainte-Sophie : le nouveau camouflet d’Erdogan aux Occidentaux"in l'Orient-Le Jour.
[2] cf. la chronique de Manfred Weber in l'Opinion du 12 juillet.
[3] cf. "Turkish President Erdogan announces first prayers at Hagia Sophia after mosque ruling"
[4] cf. "Sainte-Sophie ou le sacre du leadership turc au sein de l’islam politique."
J'ai bien peur qu'il n'aille très loin car qui l'arrêtera et comment ? Faudra t-il donc attendre qu'il aille trop loin ?
Rédigé par : Saint Surge | lundi 13 juil 2020 à 19:15
La mosquée sera ouverte au public et gardera ainsi sa fonction de musée disent les autorités turques .
Mais dans les mosquées l'iconographie n'est pas tolérée. Que vont devenir les
magnifiques décors en mosaiques ? Badigeonnées sans doute ou pire : décollées au burin .
Rédigé par : Collin | lundi 13 juil 2020 à 19:58
Pour le moment l'Europe réagit de façon bien timorée face à Erdogan que ce soit face à la Syrie, aux Kurdes et maintenant avec Ste. Sophie.
Pourquoi y laissons nous une base de l'OTAN où nos forces armée risquent d'être prise en otage, pourquoi lui laissons nous cette bombe à retardement des millions de migrants qu'il manie comme une arme de chantage. On se laisse lier nos poings en fermant nos yeux.Quand on les ouvrira, c sera trop tard, comme en 1939.
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 13 juil 2020 à 20:36
Cette affectation de la basilique sainte Sophie à la pratique islamique rappelle les torrents de sangs et de larmes versées depuis tant de siècles du fait des invasions ottomanes en Europe et sur le pourtour de la Méditerranée. Elle rappelle les milliers d’églises chrétiennes détruites en Turquie, et au 20ème siècle les massacres par millions de peuples vivant en Anatolie : Grecs, Arméniens …
Les Français furent longtemps relativement protégés par l'espacement géographique, sauf en Méditerranée. Aujourd'hui cette protection ne joue plus avec l'invasion islamique actuelle. Et, c'est un comble, l'Allemagne, le pays d'Europe qui compte le plus d'immigrés turcs, soutient Erdogan. L'empire turc se constitue sous nos yeux en Europe de l'ouest, et les religions sont au coeur de tout.
J'avance une hypothèse : la séparation de l'Eglise chrétienne en deux branches, l'une catholique dite romaine avec un pape à Rome, l'autre orthodoxe dite orientale où chaque Église est nationale et indépendante. ( autocéphale ) aurait empêché les nations catholiques et orthodoxes de prendre en tenaille l'empire ottoman pour le vaincre. A l'ouest, les nations catholiques, Autriche, Hongrie, Pologne, etc. purent au mieux résister aux Ottomans. Au nord, la Russie fut toujours empêchée par des nations européennes catholiques dans ses attaques contre les Ottomans.
Ce malheureux schisme permet encore aux pays protestants, anglicans, et autres religions en inimitié avec les Eglises catholique et orthodoxe, de protéger de fait la Turquie, notamment en Méditerranée : l'Angleterre, l'Allemagne, et aujourd'hui l'OTAN ( dont les maîtres ne sont pas catholiques ) qui donne à la Turquie un poids militaire international énorme. Toujours pour barrer à la Russie une voie vers le sud et la Méditerranée, et aux nations catholiques, France, Italie, Espagne vers l'est méditerranéen.
Il m'apparaît donc que tant que l'unité des deux Églises ne sera pas rétablie, les nations catholiques et orthodoxes ne pourront toujours pas intervenir ensemble, car désunies religieusement : l'empire turc que Erdogan vise à constituer, pourrait rester difficile à contenir et encore moins à combattre. Le terrible affrontement continuera alors et nous serons aux premières loges.
*
D'où l'urgence de réaliser ce projet d'unité qui tenait tant au pape Benoît XVI ( cf. sa volonté de calculer une date commune pour Pâques ) et qui a pu être un des motifs de son éviction. Une note d'espérance : selon la prédiction de saint Malachie, Benoît XVI est le dernier de la lignée des papes, et donc c'est un obstacle majeur qui saute pour permettre la réunification des deux Églises… Évidemment les choses ne sont pas si simples.
Mais à observer la vitesse à laquelle la Curie romaine se transforme en une organisation mondialiste de moins en moins catholique, des catholiques de par le monde voudront se séparer de Rome ( cf. les graves crises actuelles de l'Eglise romaine). En France il pourrait se constituer l' “ Eglise catholique autocéphale française ", un pas vers l'union des catholiques et des orthodoxes 😊. De nos jours tout va tellement vite et donc tous les espoirs sont permis.
Notre chroniqueur préféré connaît parfaitement tous ces sujets, et il nous dira peut être si je divague un peu, beaucoup, ou pas du tout.
Rédigé par : Dominique | mardi 14 juil 2020 à 00:07
@ Dominique
"Mais à observer la vitesse à laquelle la Curie romaine se transforme en une organisation mondialiste de moins en moins catholique, des catholiques de par le monde voudront se séparer de Rome ( cf. les graves crises actuelles de l'Eglise romaine)."
La seule position raisonnable en la matière est celle qu'a définit l'abbé de Nantes: on s'oppose au Pape (en l'occurrence hérétique) dans ses dérives antéchristiques tout en ne faisant pas de schisme. En clair à notre niveau: si on va à la messe, on dit ce que l'on pense au curé, arguments à l'appui évidemment, on ne laisse rien passer. Précision importante : on va à la messe de notre paroisse (et non à Saint-Nicolas - sauf si on en dépend).
Rédigé par : RR | mardi 14 juil 2020 à 13:42
Elle dit quoi Charlotte d'Ornellas ? Pas grand chose non plus ! C'est fini !
Rédigé par : françoise | mercredi 15 juil 2020 à 13:33
@ françoise
Charlotte d'Ornellas (sorte de Marion Maréchal-Le Pen brune - ta ta ta, je parle de la chevelure!) est une personne qui a une vision totalement erronée de la question migratoire. Rien à attendre de ça.
Rédigé par : RR | mercredi 15 juil 2020 à 17:44
@ Saint-Surge écrit "faudra-t-il donc attendre qu'il aille *trop* loin ?". La nuance qui sépare 'très' de 'trop' dépend de notre seuil de tolérance. On le laisse envahir et coloniser l'ouest de la Syrie, puis s'installer en Libye. Vous ne trouvez pas que le seuil est dépassé depuis un bon moment ? Attendrons-nous qu'il envahisse la Pologne ?
Rédigé par : Dominique Pérignon | jeudi 16 juil 2020 à 13:44
@ Dominique Pérignon
"@ Saint-Surge écrit "faudra-t-il donc attendre qu'il aille *trop* loin ?". La nuance qui sépare 'très' de 'trop' dépend de notre seuil de tolérance. On le laisse envahir et coloniser l'ouest de la Syrie, puis s'installer en Libye. Vous ne trouvez pas que le seuil est dépassé depuis un bon moment ? Attendrons-nous qu'il envahisse la Pologne ?"
Pas de danger, la famille Le Pen l'arrêtera 😋
Rédigé par : RR | jeudi 16 juil 2020 à 17:36
@ Dominique Pérignon
Concernant du seuil de tolérance, et à propos de ce " point " où il faudrait arrêter les Turcs, ceux ci sont dépassés depuis un siécle ( Smyrne, Arméniens).
J'ai construit une modeste opinion, depuis la lecture de " Une main cachée dirige " et ensuite au fur et à mesure d'informations et recherches sur le CFR, le mondialisme, etc.
La Turquie islamiste est l'ennemi de l'ensemble monde chrétien, donc de l'Europe chrétienne Russie y comprise, elle a aussi des prétentions à diriger le monde musulman. Ce projet n'est pas rien !
A mon avis, elle est a toujours été un ALLIÉ important du (très secret et très puissant) CFR - Council of foreign relations, fondé par les grands banquiers américains lors de la Grande guerre européenne. Lequel CFR a créé et pilote l'OTAN.
Les banquiers mondialistes qui dirigent le CFR ne renoncent pas à leur projet de démanteler la Russie pour se saisir de ses immenses richesses, et la Turquie islamiste serait leur allié au sud de la Russie pour démanteler la Russie. C'est une hypothèse qu'on ne peut pas écarter sinon l'OTAN ne déploirait pas tant d'armes autour de la Russie.
Le CFR continue aussi d'affaiblir les nations de l'Europe, pour dissoudre les peuples européens dans son projet mondialiste de l'UE, grâce à la Turquie. La Turquie est bien le principal vecteur du grand remplacement en Europe par des populations islamistes, qui est en cours, et sa présence en Libye aggraverait les flux de populations islamistes vers l'Europe. Et cela ce sont des faits.
La Turquie occupe donc une place exceptionnelle sur des sujets de grande importance : grands banquiers américains (CFR) contre Russie, islamistes contre catholiques-orthodoxes, UE mondialiste contre nations européennes chrétiennes. Poutine marque certes Erdogan ( en lui fournissant des armes défensives, en le limitant en Syrie, etc.) mais personne d'autre ne lui tient tête - au contraire hélas - à part le courageux peuple Grec, ce qu'il fait depuis des siècles !
C'est bien sûr une partie qui se joue sur le temps très long. Elle n'a pas l'accord de l'actuel président des États-Unis, mais celui ci n'a pas mis la main sur le CFR, et donc l'OTAN lui échappe dans les faits !
Le seuil de dépassement est donc plus entre les mains de la Russie, qu'entre celui de la France, et ce qu'on regarde n'est pas réjouissant pour les peuples européens.
Ce qui est certain c'est que cette situation ne s'est pas construite en un jour : dès la fin de la Grande guerre, les Turcs repartirent à l'offensive et commirent des massacres, et l'Occident ne bougea pas !
Mais l'histoire peut apporter de bonnes surprises, grâce à des peuples courageux, même petits comme les Grecs. Et une poignée d'hommes réussirent à faire reconnaitre le génocide du peuple arménien par les Turcs.
Rédigé par : Dominique | jeudi 16 juil 2020 à 23:19
@D Pérignon
Mais bien sûr que je trouve qu'il a dépassé les bornes depuis longtemps, mais pas ceux qui pourraient l'arrêter. J'en suis donc réduit à attendre qu'il aille vraiment trop loin.
Rédigé par : Saint Surge | samedi 18 juil 2020 à 18:45