Tout bon feuilleton commence toujours une nouvelle saison par le rappel des épisodes précédents : indispensable pour comprendre le monde d'après.
Trop souvent confondus avec les adversaires véritables de la révolution jacobine, les idéologues Girondins de la Convention estimaient, non sans raison, nécessaire de limiter le poids de Paris au 1/83e de la nation. Les retouches administratives du XIXe siècle et les adjonctions ultérieures, de la case de l'oncle Dom-Tom au cours du XXe siècle, n'avaient pas encore porté à 100, avec l'île improbable de Mayotte, le nombre des départements de la république.
Ce fut hélas la version centraliste du jacobinisme qui l'emporta. Elle fut organisée par la Terreur montagnarde et la dictature de Robespierre d'abord, confirmée avec Bonaparte ensuite et, enfin, avec le compromis imposée au bon roi Louis XVIII en 1815 par Fouché et Talleyrand, agissant au nom des dynasties bourgeoises naissantes.
D'autres réformes, non moins funestes, sont intervenues depuis lors. Giscard, roi du contre sens, avait imaginé en 1975 de doter Paris d'un maire dont la ville s'était avantageusement passée depuis plus d'un siècle. La loi PLM de Gaston Defferre de 1982 l'a flanqué par surcroît d'un affligeant petit parlement de 163 conseillers, élus par arrondissements. Chirac s'empara du titre en 1977 et transforma sa municipalité en fief. Et après avoir été plutôt bien gérée depuis 1901 par l'union des droites, la ville de Paris tomba sous la coupe des gauches en 2001.
D'abord vint le Delanoë, qui régna de 2001 à 2014 avant de céder la place à sa catastrophique adjointe, actuelle candidate à sa propre réélection. Sur elle se concentrent désormais les nuisances écolo-socialistes qu'elle rassemble en vue de leur survie à l'horizon 2022.
Car, tel Chavez à Caracas, la succession de ce socialiste courtois mais pervers tomba entre les mains de la camarilla qu'il avait nourrie. Et ce fut donc Hidalgo qui décrocha la timbale pour le malheur des Parisiens, et bien entendu, aussi, des Parisiennes, mais également, quoiqu'ils n'y votent pas, ainsi que pour tous ceux qui travaillent à des titres divers dans la Capitale, pour ceux qui y séjournent ou sont contraints de s'y rendre, y compris en automobile, sans parler tout simplement du chagrin de tous ceux qui ont aimé autrefois les vieux quartiers de cette ville.
Et, comme sous Maduro roi des Caraïbes, le gaspillage à tous les étages a développé ses ravages. Ce n'est pas l'industrie du pétrole du bassin de l'Orénoque qu'on détruit, c'est le flux de l'économie productive et créative. La Ville de Paris encaissait les plus importantes recettes fiscales, immobilières et professionnelles, du pays, et elle évitait jusque-là de les brader. Depuis 20 ans, et singulièrement depuis 2014, alors que les sièges sociaux d'entreprises commençaient à se déplacer, les nouveaux messieurs et les nouvelles dames ont choisi de dépenser à tour de bras. Champagne pour tout le monde aux frais de la princesse. Victimes collatérales, laïcité oblige, les lieux de culte, sous entretenus, à commencer, bien sûr, par la reine de nos cathédrales Notre-Dame de Paris...
L'état des lieux du désastre s'arrêtera-t-il le 28 juin ? Cette cité millénaire qu'on appelait jadis la Ville Lumière sombrera-t-elle définitivement dans la crasse et la gabegie ?
Le quotidien La Monde en annonçait la triste perspective le 6 juin[1]qui s'explique par le simple maintien des listes Buzyn. Dernier miracle sans doute de la si brillante ancienne ministre de la Santé, l'insupportable Hidalgo se trouverait donc réélue au second tour avec seulement 44 % des intentions de votes. Un score de défaite se transformerait en victoire, le carrosse en citrouille et la ville Lumière en ville Poubelle.
Nous n'en pouvons plus des miracles du nouveau monde. Promis en 2017, imposé au bonneteau, il faut vraiment qu'il s'achève le plus vite possible.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. article "Municipales 2020 : un premier sondage promet une large victoire d’Anne Hidalgo à Paris"
"Et après avoir été plutôt bien gérée depuis 1901 par l'union des droites, la ville de Paris tomba sous la coupe des gauches en 2001."
Comme souvent, la Gauche est passée par défaut; c'est la désastreuse gestion de Jacques Chirac sur fond d'escroqueries qui a fait qu'elle a gagné, et il faut bien reconnaitre que Bertrand Delanoë était tout de même un peu plus honnête que son prédécesseur en ne piochant pas dans les caisses pour son compte personnel.
Quant au deuxième tour des élections présentes, Mme Hidalgo va de même remporter la victoire par défaut.
En ce qui me concerne, hors de question de voter pour Rachida Dati, et je ne suis pas le seul, je l'ai constaté.
Rédigé par : RR | lundi 08 juin 2020 à 21:49
Hidalgo et les autres.
Je vous propose un texte publié en 2013 qui offre encore une description assez pertinente des turpitudes municipales en France :
Toutes les communautés territoriales ne présentent pas les mêmes perspectives de profit pour les politiciens. Immeubles en copropriété, hameaux et villages sont trop petits, les sommes en jeu y sont trop modestes. Tout le monde y connaît tout le monde, tout le monde y est à peu près au courant de ce que fait tout le monde. Le législateur en a pris acte. Il est même allé jusqu’à concéder à la copropriété immobilière française un statut qui est un modèle de démocratie directe.
Dans les communes plus peuplées par contre, les budgets deviennent substantiels, l’anonymat et l’impunité sont mieux garantis. Dès qu’une ville française atteint ou dépasse, disons, dix mille d’habitants, les partis politiques, alléchés par la manne financière, s’emparent de sa gestion. La loi électorale y est d’ailleurs différente.
Si une commune est dotée d’un conseil municipal de 33 membres, ce sont des listes comportant chacune 33 candidats qui doivent s’affronter aux élections. L’électeur n’a le droit d’en modifier ni la composition, ni l’ordre. Elles sont, presque toujours, présentées par des partis politiques. Élus pour six ans, les conseillers municipaux se réunissent et nomment l’un d’entre eux au poste de responsable de la gestion municipale. La loi attribuant à la liste qui arrive en tête, une confortable majorité, c’est le chef politique de la liste gagnante qui est élu maire.
Par la suite, c’est le conseil municipal et non pas la population, qui approuve ou désapprouve, souverainement et en dernier ressort, les mesures proposées par le maire y compris le budget municipal et les constructions. En pratique, le maire est presque toujours suivi par sa majorité au conseil municipal, il a pratiquement carte blanche pour administrer « sa » commune.
Des contrôles de la gestion des municipalités sont théoriquement prévus, il existe même des organismes publics dont ce serait la mission, mais tout cela n’a pas l’air bien méchant. Les habitants n’ont pratiquement aucun recours dans le cas où les décisions et les actions de leur maire ne leur conviennent pas. Un projet de loi a bien été présenté par le gouvernement français en 2003, instituant un référendum municipal d’initiative populaire. Les députés et sénateurs, qui sont aussi très souvent des élus municipaux, en ont limité la faisabilité et la portée.
Corruption et dommages collatéraux
Les pleins pouvoirs pendant six ans, quelle tentation ! Il y a aussi les consignes du parti, à la recherche de financements et la modicité des risques. Le résultat est une délinquance en col blanc généralisée. Les maires les plus corrompus prélèvent leur pourcentage sur tout ce qui bouge. Dynamiques et interventionnistes, ils touchent à tout : culture, social, distractions, sport, etc. Ils mettent la pression sur leurs divers interlocuteurs et fournisseurs, compagnies des eaux, sociétés de nettoiement, promoteurs immobiliers, pour percevoir des pots-de-vin, occuper des emplois fictifs, etc.
La corruption n’a pas pour seule conséquence de renchérir le prix du service rendu, elle occasionne d’énormes dommages collatéraux. Parce qu’elle exerce une influence perverse sur les choix municipaux. À budget égal, en effet, un maire corrompu choisira de bâtir une médiathèque, si cela doit lui rapporter plus que de créer dix jardins publics ; cela explique la prolifération de réalisations municipales démesurées, inutiles ou inadaptées.
Sur-urbanisation
Les dessous-de-table de la construction immobilière – promotion privée et logement social – sont à l’origine de ce qui est probablement le dommage collatéral le plus catastrophique de la corruption municipale, la sur-urbanisation.
Quand les premiers inconvénients de la densification apparaissent, les édiles ne tentent pas de la contrôler, mais, au contraire, de la faciliter. Ils s’empressent de faire construire de coûteux équipements, lignes de tramway, métros, autoroutes périphériques, souterraines, etc. C’est la raison pour laquelle, au-delà d’une certaine taille et d’une certaine densité, les frais de fonctionnement par habitant des villes s’envolent.
Si le coût des villes devait être supporté par leurs seuls habitants, on ne pourrait pas continuer à densifier sans provoquer leur colère. C’est pourquoi les communes françaises, ont d’autres sources de financement :
– les entreprises sont taxées localement et leurs versements constituent un apport considérable pour certaines communes. Les grandes entreprises disposées à « apporter leurs taxes » pour profiter du réservoir de main-d’œuvre des grandes villes et les équipes municipales des villes en question s’entendent comme larrons en foire ;
– les communes reçoivent des subventions des départements, des régions et de l’État ;
– il existe aussi toutes sortes de subventions indirectes ; par exemple, la Société Nationale des Chemins de Fer français, qui exerce plus de la moitié de son activité en région parisienne (trains de banlieue), reçoit de l’État une subvention à peu près égale à son chiffre d’affaires.
Ainsi, quand les frais de fonctionnement d’une grande ville s’emballent, les impôts payés par les habitants n’augmentent-ils pas forcément. La ville de Paris a longtemps été renommée pour la modicité de ses taxes, c’était le pays tout entier qui payait. Plus de onze millions de personnes, soit près de 20 % de la population française, sont maintenant entassées dans l’agglomération parisienne.
« Seule exception notable à la faible envie de bouger des Français : les habitants de l’Ile-de-France qui sont 47 % à souhaiter déménager. Paris apparaît comme un choix contraint, c’est un enseignement assez terrible » estime le sociologue Guillaume Erner (Le Figaro Magazine, 26 juin 2010). Bien que moins peuplées que Paris, une dizaine d’autres villes françaises ont aussi une taille excessive. Quant au reste du territoire national, il a été, assez justement, surnommé "désert français".
La sur-urbanisation n’est pas une spécialité française : plus de la moitié de la population mondiale est maintenant parquée, sans la moindre justification rationnelle, dans des agglomérations parfois bien pires que Paris. Les inconvénients des mégalopoles sont parfaitement connus : criminalité qui augmente inexorablement avec la taille et la densité des villes, pollution, nuisances, difficultés de transport, gaspillages, envolée des prix du foncier, etc. Les habitants les plus pauvres y vivent dans des conditions navrantes. Pourquoi y restent-ils ? Pourquoi de nouveaux venus viennent-ils indéfiniment s’y installer ? Il suffit d’ajouter un taux de chômage significatif au tableau pour voir les sans-emploi des campagnes affluer dans les grandes villes.
Rédigé par : Jean-Michel Thureau | mardi 09 juin 2020 à 08:22
Effectivement, elle n'en a rien à faire des banlieusards qui vivent pourtant plus longtemps à Paris où ils y travaillent et sortent que dans leurs banlieues dortoir. Pourquoi ne pas donner un 2ème droit de vote basé celui-là sur le lieu de travail, elle rigolerait moins !
Rédigé par : françoise | mercredi 10 juin 2020 à 13:54