L'expression de scandale d'État me paraît tant soit peu galvaudée. Elle s'applique dans les cas, hélas trop courants dans notre prétendue démocratie, d'un discours officiel trop mensonger. Cela vise en général les protecteurs institutionnels des responsables de telle ou telle carence publique. Pas besoin de vous faire de dessins, je pense, pour savoir qui était ministre de la Santé en 2013 ou en janvier 2020, ou pour dresser le portrait de son directeur général nommé en 2018 : vous pouvez le découvrir, tous les soirs avant le journal de 20 heures. Ces gens parlent d'ailleurs, eux-mêmes sans masques, et s'ils s'apprêtent à vous en imposer le port, on ignore encore si, ou comment, ils en fourniront.
Depuis quelques jours, en revanche, les gros moyens de la désinformation ont évoqué les ennuis de santé qui ont ramené à Brest le plus emblématique porte-étendard de ce qui fut la Marine Royale. Brièvement jusqu'ici. Car on a vite glissé. En ce temps de pandémie, le nombre des morts Afro-américains dans l'État de New York chipe la vedette aux petits malheurs de nos Cols Bleus.
Je me demande si, litote pour dire qu'en fait j'affirme : qu'on a peut-être trop vite classé cette affaire. S'il existait à Paris un vrai courant d'opinion méritant le nom de patriote, ses porte-parole s'en empareraient pour demander des comptes.
Si Le Figaro semble, ce 21 avril, à peu près indifférent à cette dimension, ne semblant se préoccuper que de la propagation du virus chinois, même la rédactrice du site de France Inter avait pu observer le 20 avril que l'incontournable Mme Sibeth Ndiaiye se gardait de communiquer sur l'épidémie à bord de notre unique et emblématique porte-avions.[1]
Il semble au contraire, aux yeux de votre chroniqueur, indispensable de consacrer quelques lignes à la question que pose la contamination que l'on a découverte à bord du Charles De Gaulle. Elle a frappé 1 046 marins testés positifs au nouveau coronavirus sur un équipage total de 1 760 hommes. Aux dernières nouvelles, elle immobilisera au moins jusqu'en juin, cet outil stratégique et politique, le seul de son espèce dans l'Union européenne. Les quelques germanophobes qui liraient encore ma prose me pardonneront, je l'espère, de citer Bismarck : "la diplomatie sans les armes c'est la musique sans les instruments."
D'abord, pour les lecteurs et les rédacteurs du Monde, qui ne se trompent jamais, qu'on se le dise, c'est la faute des militaires : "Des critiques reprochent aux amiraux de ne pas avoir interrompu plus tôt la mission du navire et de ses bateaux d’escorte, à bord desquels 1 081 cas positifs au coronavirus ont été identifiés" imprime en sous-titre, c'est-à-dire en résumé, le journal de l'intelligentsia parisienne.[2]
Or, Florence Parly a créé deux commissions d'enquête, une de commandement et une épidémiologique, qui rendront leurs conclusions dans plusieurs semaines. Elle a promis qu'elles seront rendues publiques. Pour l'instant, notre intelligente ministre paraît bredouille, ce qui ne lui ressemble pas, et les états-majors vasouillent dans des propos diplomatiques et hiérarchiques, se dégageant clairement de la décision.
L'ensemble de celles qui ont été prises, aussi bien le débarquement à Brest, que l'autorisation donnée à l'équipage de se rendre à terre sans prendre la moindre précaution, l'ont naturellement été, via son cabinet militaire, par le chef constitutionnel des armées, siégeant à l'Élysée.
Régulièrement, il se met en scène comme chef de guerre et en imite le ton, de façon plutôt médiocre d'ailleurs.
Souvenons-nous de la remontée théâtrale des Champs Élysées dès sa prise de fonction en 2017.
L'escale s'est déroulée entre le 13 et le 16 mars. Entre deux discours présidentiels, une fin de campagne électorale : on votait le 15, mais le lendemain il fut considéré comme immoral par les donneurs de leçons, d'avoir profité de la verdure le dimanche.
L'amiral Coldefy, ancien commandant de porte-avions, était interrogé le 18 avril par France Info : "Brest, a-t-il remarqué, c'est un endroit où il y a de nombreuses familles. Les élections municipales avaient lieu, il y avait certainement des gens qui votaient à Brest."
Rappelons que ce porte-avions représente un outil essentiel de la Défense française et du prestige extérieur du pays. La moitié de son équipage a été contaminée à Brest. Il ne pourra donc reprendre la mer que dans plusieurs mois. Le chef constitutionnel des armées n'a même pas, à notre connaissance, publié le moinde communiqué sur cette affaire.
À suivre ? Ou bien : affaire classée, sans suite et sans sanction ?
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. le billet de Charline Vanhoenacker.
[2] cf. article "C’était faites au mieux les gars: le récit de la contamination du Charles-de-Gaulle"
Je suis moins sévère avec l'épisode médical sur le Charles (çà peut arriver et personne n'est mort) qu'avec la très large publicité qui a accompagné cet événement.
Tout ce qui concerne notre plus grand navire de guerre est sur la place publique.
Il en va de même, en d'autres occasions avec nos services secrets.
À nos ennemis d'en profiter !
Rédigé par : François Martin | mardi 21 avr 2020 à 11:51
"Le Charles De Gaulle"
Son nom est déjà un scandale; guère surprenant dans un pays qui honore le tyran - autre grand fossoyeur de Français et qui lui aussi nous a légué une organisation néfaste en tout point - Napoléon Bonaparte.
Rédigé par : RR | mardi 21 avr 2020 à 11:58
PS à mon commentaire précédent. Voici ce que le site du ministère des armées dit du secret :
La protection du secret de la défense nationale a pour objectif d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation dans les domaines de la Défense, de la sécurité intérieure et de la protection des activités financières, économiques ou industrielles, de la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France.
On croit rêver !
Rédigé par : François Martin | mardi 21 avr 2020 à 12:01
il faut savoir aussi que le Charles de Gaulle ne peut pas naviguer par gros temps. Le culte du gigantisme donne rarement de bons résultats militaires (voir le Bismarck). plv
Rédigé par : [email protected] | mardi 21 avr 2020 à 12:22
Très cher Jean-Gilles, comme d'habitude, je partage vos analyses. Mais - de grâce - relisez votre texte avant sa mise en ligne. Il est dommage que sa forme nuise au fond.
Rédigé par : Alain Charoy | mardi 21 avr 2020 à 12:43
Mon cher Jean-Gilles, jusqu'au 16 mars, le coronavirus ne menaçait pas la France et n'était qu'une "gripette" que nos marins en excellent forme physique ne pouvaient craindre.
Thèse défendue par les plus hautes autorités militaires : Emmanuel Macron, chef des Armées.
Un simple amiral ne pouvait prendre des décisions au dessus de son chef suprême.*Tout comme les Maires ne peuvent pas prendre un arrêté durcissant l'état d'urgence sanitaire et par exemple : rendre obligatoire les masques sur le territoire de sa commun :exemple Sanary sur mer et Sceaux
Rédigé par : Jean Dionnot-Enkiri | mardi 21 avr 2020 à 15:42
Ce bâtiment a été un fiasco depuis son lancement, il a même révélé un scandale à la direction de l'armement. Quoi d'étonnant donc que cette impréparation sanitaire à bord ?
Il reste que le coupable est le chef des armées : le p. de r. qui encouragea les Français à aller au théâtre et maintint les élections.
Heureusement pour eux, les marins ne subissent pas le sort des plus 70 ans. Ils sont soignés et non piqués au Rivotril.
Rédigé par : Dominique | mardi 21 avr 2020 à 16:44
Juste deux questions : la G5 était-elle installée sur le navire ? Les officiers ont-ils été contaminés en même proportion que les simples membres d'équipage ?
Rédigé par : Martin Kairos | mercredi 22 avr 2020 à 00:59