Si l'on en croit les déclarations du Premier ministre publiées par le Journal du Dimanche de ce 8 décembre, son gouvernement ne se montre pas encore disposé à faire évoluer son projet toujours flou et contradictoire. Ainsi, dans la nuit où ces lignes sont écrites, et alors qu'on n'a rien su de la réunion interministérielle précipitée par l'Élysée, le pouvoir semble s'accrocher à son concept hyperétatiste de régime universel de retraites. Que celui-ci soit conçu comme plus monopoliste encore que les 42 systèmes cloisonnés qu'il se propose d'abolir, ne devrait échapper à personne.
Dans le même temps, du fait de la grève et des mobilisations protestataires, le débat s'est totalement déplacé. Bien entendu, la question demeure actuellement dominée par la gêne résultant de la paralysie des transports ; mais on ne devrait pas oublier le fond du projet.
La mise en place de cette réforme dite systémique n'est, en effet, guère critiquée que pour des raisons subsidiaires. Le système des points fait peur, d'une façon aussi irrationnelle que quand il s'agit d'installer les compteurs Linky.
Il devrait, en théorie cependant, être considéré seulement comme une technique de calcul. Or, s'il est présenté par ses promoteurs comme objectif et neutre, il est ressenti par la masse des cotisants avec beaucoup de méfiance. Cela tient aussi à une réticence grandissante devant les décisions de Big Brother.
Alors que la répartition est en passe de faire faillite, la lâcheté de nos dirigeants, et disons le mot : leur incompétence, se traduisent par une fuite en avant. Leur volonté d'évincer totalement le contrôle des caisses par des administrateurs syndicaux, conduira ainsi à une mainmise étatiste totale, sous la houlette de la haute administration. La décision de reculer l'âge de la retraite, seule variable d'ajustement cohérente, – qu'un Xavier Bertrand a le courage de proposer à 64 ans, un Éric Woerth à 65, – devrait pourtant revenir aux représentants élus des cotisants, plutôt qu'aux technocrates anonymes et irresponsables de Bercy.
L'adoption d'un régime universel d'assurance vieillesse entraînerait à terme d'aussi catastrophiques conséquences que celles du plan Juppé pour l'assurance maladie. Consécutives à la réforme constitutionnelle de 1996, assorties des ordonnances signées en 1997 par l'ectoplasme Barrot, les lois de financement de la sécurité sociale ont, par exemple, programmé le numerus clausus et la pénurie de médecins de ville et les conséquences qui en résultent dans les hôpitaux. Une absurdité absolue...
Nul ne saurait, certes, prévoir sérieusement jusqu'où ira le mouvement apparu si massivement ce 5 décembre. Ceci vaudra tant que le gouvernement se montrera incapable : • 1° d'abord de s'accorder ; • 2° et de définir son programme relativement à l'assurance vieillesse ; • 3° puis d'en négocier l'application,
Toute comparaison historique se révélerait ici trompeuse. Le livre manifeste signé de Macron en 2016 avait reçu pompeusement le titre risible de "Révolution". Mais, chef de l'État, il ne ressemble en rien lui-même ni à Louis XVI, ni à Bonaparte, ni à Charles Ier, ni à Cromwell, ni à Nicolas II, ni à Lénine.
Tout en renvoyant intellectuellement dos à dos le pouvoir actuel et les bureaucraties syndicales, observons matériellement les forces en présence, à l'issue des quatre derniers jours et à l'aube de cette seconde semaine de mobilisations.
Le 6 septembre, apparaissait sur la page d'accueil du Mondeun petit surtitre étrange daté de 1 h 35 : "RATP : la crainte d'une baisse de la mobilisation". Autrement dit la rédaction du journal, c'est-à-dire la petite gauche revancharde, s'inquiétait déjà de la baisse de tonus de ce qui fait peser la balance des désordres, des destructions et donc des nouvelles opportunités : les transports en Ile-de-France, centre névralgique du pays.
Le 5 décembre c'est bien la CGT qui tenait le haut du pavé, limitant même la casse récurrente des anarchistes, auxquels le public commençait à s'habituer comme à une fatalité, aux ouragans dans les Caraïbes ou aux épisodes pluvieux dans certains départements.
Le 7 décembre, acte 56 des gilets jaunes, la conjonction de ce mouvement, qui, quoi qu’on en dise persiste, s'établissait avec les syndicats jusqu'ici méprisés.
Le 9 décembre le gouvernement ne sait envoyer dans cette fosse aux lions que deux ministres secondaires, sans mandat précis l'un, le Delevoye, bonasse négociateur, désavoué après deux années de travail inutile, relativement grotesque, l'autre, Mme Buzyn, médecin sans doute estimable, strictement hors sujet.
Si j'étais un investisseur international je douterais un peu plus en ce moment de la France macronienne.
JG Malliarakis
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Si le gouvernement agi avec intelligence, il devrait éclater le front syndical et isoler la CGT jusqu'au boutiste
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 09 déc 2019 à 11:11
Dommage que vous ne soyez jamais invité sur les plateaux de télévision pour exposer vos positions (même s'il faut le comprendre et même l'accepter comme disait Guillaume Faye).
"Mais, chef de l'État [M. Macron], il ne ressemble en rien lui-même ni à Louis XVI, ni à Bonaparte, ni à Charles Ier, ni à Cromwell, ni à Nicolas II, ni à Lénine."
Qu'il ne ressemble en rien à Napoléon Bonaparte serait plutôt en sa faveur.
(encore que l'immonde répression des Gilets jaunes lui tisse une petite parenté avec le général Vendémiaire)
Rédigé par : RR | lundi 09 déc 2019 à 15:05
Tous ces mauvais gouvernants auront eu des décades pour sortir de la répartition au profit de la capitalisation, et laisser les salariés adapter librement leur durée au travail ; et s'inspirer des évolutions qui ont réussi dans les pays occidentaux qui sont légion. Rien, ils n'ont rien fait.
Et ils ne feront rien. Là comme ailleurs ils n'ont su que matraquer : toujours plus de cotisations, de taxes et d'impôts, de lois et rêglements contraignants, de compromis et renoncements honteux, et maintenant plus de répressions policières et judiciaires. Quand ce n'est pas de passe-droits et d'avantages à leurs profits.
Bizaremment les présidents, d'où tout part et revient, ont toujours tenu jusqu'au bout, mis à part celui qui créa ces institutions de la Vème. Preuve que tout ce système politique de fausse démocratie et de sur-administration irresponsable est aussi inefficace que corrompu.
Rédigé par : Dominique | lundi 09 déc 2019 à 17:49
Et pourtant, Macron va gagner ! Faute de violence dans la rue, la CGT a déjà perdue ! Elle a même perdu dès l'année passée en trahissant les GJ !
Rédigé par : Françoise | samedi 11 jan 2020 à 15:15