À l’époque du stalinisme à balles réelles, on appelait progressistes les gens qui, sans adhérer officiellement au PCF, sans s'inscrire dans la lutte des classes marxistes, cheminaient avec lui en compagnons de route. Leur cheminement, désormais, se veut résolument culturel. Métapolitique, on le dit aujourd'hui "sociétal". On emploie ce charmant néologisme pour recouvrir toutes les subversions et toutes les inversions qui ne coûtent pas un centime d'impôts aux couches les plus riches de la société, attachées à une prospérité purement économique et matérialiste.
On peut dès lors dater de ce 26 juin, une nouvelle forme de basculement ouvertement progressiste du parti macronien, marqué par l'exclusion d'Agnès Thill, députée de l’Oise. Les 9/10e des cadres du mouvement dit de La République en Marche sont issus, en effet, du parti socialiste. Ils ne l'ont abandonné, sans changer d'idéologie en profondeur, qu'en raison de la nullité des dirigeants de la rue de Solférino. Peut-être même bientôt, poseront-ils un problème au président qui les a fait élire. Un certain Emmanuel Macron, dans un livre manifeste publié en 2016[1], leur a d'avance donné raison, théorisant ainsi : "Le clivage aujourd’hui est entre les conservateurs passéistes qui proposent aux Français de revenir à un ordre ancien, et les progressistes réformateurs qui croient que le destin français est d’embrasser la modernité. Non pour faire table rase, ou pour s’adapter servilement au monde, mais pour le conquérir en le regardant bien en face."
Ces gens se veulent donc "progressistes".
Quelle est la marche de leur prétendu progrès ? quel est le but de cette intimidation idéologique ?
Ce sont quand même des assemblées, élues par des majorités de citoyens croyant voter pour la droite, qui ont adopté, en 1967, la loi Neuwirth autorisant la contraception chimique et la loi Veil de 1975 autorisant l'avortement chirurgical, renommé plus techniquement interruption volontaire de grossesse.
La loi de 1999 organisant le PACS, signée de Jospin, Aubry et Guigou fut adoptée après de chaudes contradictions pendant l'automne de l'année précédente. "Le Pacs sera le Vietnam de Lionel Jospin", pronostiquait, le 6 octobre 1998, le député RPR de Paris Pierre Lellouche qui s'est si souvent trompé." Petite victoire des opposants quelques jours plus tard. Mais, en dépit d'une mobilisation attisée par Christine Boutin, le texte fut voté.
Chantal Delsol peut écrire ainsi : "du PACS à la PMA et demain la GPA, le supposé progrès est comme une roue crantée qui jamais ne retourne en arrière. On a l’impression d’un énorme rouleau compresseur.[2]" Car, à chaque étape, nous avons entendu cette affirmation des politiciens : “il n'est pas question de" passer à la suivante. Garde des Sceaux, Jacques Toubon, déclare par exemple, fièrement : "il n'est pas question de créer le contrat d'union civile, il est au contraire question de favoriser dans le pays les mariages et les naissances".
Et puis, la république adopte un nouveau texte aggravant la destruction de l'ordre naturel et traditionnel.
En 2013, la garde des Sceaux du gouvernement de Lionel Jospin, avait déclaré : "un couple, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, n'a pas de droit à avoir un enfant, en dehors de la procréation naturelle, bien entendu, qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme".
En 2019 nous en sommes à un projet de PMA sans père, en attendant pire bien entendu. Présidente de la Manif pour Tous, Ludovine de La Rochère considère à cet égard que cette notion, en elle-même, "ouvre une boîte de Pandore". Et elle décrit son audition au Palais-Bourbon : "la majorité des députés nous écoutaient avec de nombreux a priori. Lorsque nous parlions, certains râlaient, d’autres contestaient. C’était très désagréable. Ceux qui nous ont posé des questions nous étaient tous opposés. Certains avaient préparé un petit discours, nous faisant quasiment la leçon. Ce que nous allions dire, ils le savaient d’avance, pensaient-ils. Jean-Louis Touraine[3], par exemple, a cru bon de nous dire quelle était selon lui, notre image du père : celle d’un père fouettard, autoritaire, patriarcal. C’était stupéfiant de sottises.[4]"
La philosophe Juliette Abécassis, ancienne militante socialiste, s’interroge : "Que nous arrive-t-il ? Symptôme d’une époque ou racine d’un malaise profond ? Celui d’une perte de sens, d’une errance morale et spirituelle, d’une société qui se désagrège, qui ne sait plus distinguer le bien du mal, qui joue avec tout. Indéniablement les valeurs sont bousculées et nous aussi. La discussion autour de la GPA en est le témoin. Faut-il vraiment lancer un débat sur la transaction des bébés et la location des utérus ? On en est arrivés à un tel point de déchéance morale que l’on se pose la question suivante : peut-on vendre des êtres humains ? J’ai moi-même été une cible privilégiée des partisans de la GPA, abasourdie par la nature du débat, et j’en viens à me demander si penser autrement est possible.[5]"
Le fonctionnement du progressisme a été étudié par Pierre-André Taguieff. C'est selon lui "aujourd’hui un terme attrape-tout qui fonctionne encore comme un terme d’éloge : présupposant un attachement à l’héritage des Lumières, son emploi comme mode d’autoqualification inscrit son énonciateur dans le bon camp[6]".
Sous la coupe des bobos, comme il l'avait été autrefois sous la Terreur des sans-culottes, Paris ne réagit guère. La meilleure réponse que j'aie lue jusqu'ici vient de notre chère, blonde et conservatrice, dans le journal catholique "L'Ami Hebdo", à la date anticipée du 15 septembre, sous la plume de Charles Haegen dont j'ai honteusement pillé la documentation et la conclusion.
Son article cite in fine Edmund Burke (1729-1797) : "Les Français se sont fait connaître comme les plus habiles architectes de destruction qui aient jusqu’à présent existé dans le monde. Dans un court espace de temps, ils ont complètement détruit jusqu’aux fondements de leur Monarchie, leur Église, leur noblesse, leurs lois, leurs revenus publics, leur armée, leur marine, leur commerce, leurs arts et leurs manufactures."[7]
JG Malliarakis
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JG Malliarakis donnera une conférence suivie d'un débat sur le thème
"Le Moment conservateur"
de 18 h à 20 h
Brasserie du Pont Neuf 14 quai du Louvre Paris 1er
M° Louvre/Pont Neuf/Châtelet Parking : St Germain l'Auxerrois
[consommation de la brasserie : 6 euros, participation libre aux frais]
Apostilles
[1] Révolution, XO Editions, Paris, 2016.
[2] In "Le progrès comme une fatalité" L'Enfant oublié, Cerf 2016.
[3] Député du Rhône, partisan de l’euthanasie et de la PMA pour toutes.
[4] in Famille chrétienne 30 août 2019
[5] in "L’Envie d’y croire. Journal d’une époque sans foi", 2019, ed. Albin Michel.
[6] in Macron : miracle ou mirage, 2017, ed. de l’Observatoire.
[7] Discours prononcé devant la Chambre des communes.
La citation de Burke... époustouflant ! Tout est dit...
Rédigé par : [email protected] | vendredi 13 sep 2019 à 20:00
Lorsqu'elle revient aux affaires "l'opposition" (est-ce une opposition ?) ne revient JAMAIS sur les lois décidées et votées par les "socialo-communistes". C'est l'effet dit du cliquet.
Bref, toujours cette peur de passer pour des fascistes (?). Comme disait Jean Madiran (cf. son ouvrage La droite et la gauche), c'est la gauche qui fait la loi, la droite fait dans son froc (ça c'est moi qui l'ajoute) et obéit au diktat imposé par ceux qui se sont autoproclamés dépositaires de toutes les vertus.
Je suis de plus en plus persuadé que plutôt que de créer des partis de "droite nationale" (PFN, Front national), il aurait mieux valu que les cadres (Gauchon, Robert, Girard, Jacquard, Peyrat, Bompard,...) et les sympathisants adhérents ou non s'invitent au RPR alors encore de droite à l'époque malgré Chirac pour s'emparer des postes et ne pas les laisser à des lâches ou à des sans convictions. Il aurait alors été possible d'avoir un Orbán français.
Hélas, on ne refait pas l'histoire.
Rédigé par : RR | vendredi 13 sep 2019 à 20:33
Pour compléter Edmund Burke, j'ajouterai que les français détruisent tout pour reconstruire la même chose:
On guillotine et brûle églises et palais pour se doter d'un empereur, roitelet roturier, et après Mittérand, on élit Chirac, plus socialiste que libéral.
Une question d'actualité: qu'est ce que ces électeurs sans culottes vont mettre à la place d' Hidalgo?
Rédigé par : Laurent Worms | samedi 14 sep 2019 à 09:35
Mon commentaire est court, ce sont les Réflexions de Burke qui sont longues. :-)
Je regette de ne pas avoir lu Burke, qui n'était hélas pas au programne de mes études Modernes.
Quelques une de ses Réflexions, que j'avoue avoir trouvé sur le net, sont étonnament actuelles, et pourraient répondre bien à l'interrogation et au désarroi (de Juliette Abécassis) que vous citez :
Sur les élections, le pouvoir, la démocratie :
" en réalité, le pouvoir arbitraire a tellement le goût dépravé du vulgaire qu'à peu près toutes les discussions relatives à la société ne concernent pas la manière dont le pouvoir doit être exercé, mais dans quelles mains il doit être placé."
C'est tout à faut cela en France aujourd'hui hélas !
...
Sur la fin de la chevalerie et ses funestes conséquences sur la loyauté, l'obéissance, la générosité, le coeur etc. :
" Mais l'âge de la chevalerie est passé. Celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé ; et la gloire de l'Europe est éteinte à jamais [car] c'est ce principe qui a donné son caractère à l'Europe moderne. C'est par lui que l'Europe, sous toutes les formes de gouvernement qu'elle a connues, se distingue à son avantage des États asiatiques et peut-être même de tous ceux qui florissaient dans les périodes les plus brillantes de l'Antiquité.
...
C'est l'esprit de chevalerie qui est parvenu, sans recourir à la force et sans rencontrer de résistance, à dompter la frénésie de l'orgueil et du pouvoir, à contraindre les souverains à se courber sous le joug bienfaisant de l'estime sociale, à plier l'autorité rigide aux règles de l'élégance et à imposer au despotisme, vainqueur de toute loi, l'empire des bonnes manières.
Jamais, jamais plus nous ne reverrons cette généreuse loyauté envers le rang et envers le sexe, cette soumission fière, cette digne obéissance, et cette subordination du coeur qui, jusque dans la servitude, conservait vivant l'esprit d'une liberté haute et grave.
On ne connaîtra plus cette grâce spontanée de l'existence, cette générosité du cœur qui assurait librement la défense des peuples, tout ce qui nourrissait les sentiments virils et l'amour des entreprises héroïques. – Elle est perdue à jamais, cette délicatesse des principes, cette chasteté de l'honneur où la moindre tache brûlait comme une blessure, qui inspirait le courage tout en atténuant la cruauté, et qui ennoblissait tout ce qu'elle touchait, au point d'ôter au vice la moitié de son odieux en lui faisant perdre toute sa grossièreté.
Mais à présent, on va nous changer tout cela. Toutes les plaisantes fictions qui allégeaient l'autorité et assouplissaient l'obéissance, qui assuraient l'harmonie des différents aspects de la vie, et qui faisaient régner dans la vie politique, par une assimilation insensible, les mêmes sentiments qui embellissent et adoucissent la vie privée, toutes ces douces illusions vont se dissiper sous l'assaut irrésistible des lumières et de la raison. Tous les voiles de la décence vont être brutalement arrachés.
Toutes les idées surajoutées par notre imagination morale, qui nous viennent du coeur mais que l'entendement ratifie parce qu'elles sont nécessaires pour voiler les défauts et la nudité de notre tremblante nature et pour l'élever à nos propres yeux à la dignité – toutes ces vieilles idées vont être mises au rebut comme on se défait d'une mode ridicule, absurde et désuète."
(Réflexions)
*
Il me semble que cet esprit de chevalerie, qui manque tellement à notre époque, c'est l'esprit du christianisme auquel se sont attaqués tous les révolutionnaires et aujourd'hui les progressistes tels que vous les définissez. En Europe, aux Amériques, lesdits progressistes s'attaquent toujours et encore à la religion chrétienne pour s'attaquer aux forces de Vie et promouvoir les forces de Mort. La révolution française ne fut pas régicide pour rien, puisque le Roi assurait le lien avec Dieu chrétien.
De nos jours les pays où la la culture de mort se porte mal sont bien ceux qui sont restés très christianisés.
Ceci est mon opinion, et je ne sais pas si Burke écrivit sur ce sujet.
Merci pour cette chronique et à votre citation de Burke, qui pour ma parti font beaucoup réfléchir et amènent à l'essentiel
Rédigé par : Dominique | samedi 14 sep 2019 à 22:19