Admirateur de la monarchie britannique, votre serviteur et chroniqueur avoue son relatif désarroi du moment. Nos éternels voisins, lointains cousins, alliés des temps heureux se sont donné un Premier ministre insolite. Un peu trop bonapartiste pour mon goût, il se débat surtout avec un parlement intraitable, s'imaginant pouvoir bousculer des institutions européennes qu'il juge avec peut-être un peu trop de dédain, du haut de la tour de Londres. Celles-ci ont sans doute évolué, lentement mais sûrement, depuis l'époque de sa jeunesse, où il les observait à Bruxelles.
Et voici que le speaker de Communes, un mot strictement anglais à ne pas confondre avec nos spiqueurs et radioteurs, le courageux Bercow annonce sa démission.
Il est vrai qu'une dangereuse réforme, celle du droit de dissolution est intervenue au Royaume-Uni en 2011, sans que l'on s'en alarme dans notre pays. Elle contredit l'indispensable prérogative royale, qui permettait depuis toujours de décider des élections anticipées, sans l'accord de la chambre. On remarquera qu'elle a été adoptée à l'époque du premier gouvernement Cameron, alors que celui-ci ne disposait pas de la majorité. Alors allié aux libéraux-démocrates, il a même failli adopter sous leur exigence un mode de scrutin proportionnel, une idée saugrenue totalement contraire aux traditions britanniques : pourquoi pas la république pendant qu'on y était.
Malgré tout cela, on n'est toujours pas parvenu à mettre fin à l'indépendance du pouvoir législatif face au pouvoir exécutif, de plus en plus technocratique.
Une actualité brûlante, entre Hong Kong, Rome et Londres, nous le rappelle donc : la démocratie représentative, chose fragile, à laquelle les Français ne sont qu'à moitié acclimatés, sait se défendre.
Grâce aux pages Youtube, chacun peut entendre John Simon Bercow actuellement "speaker", président depuis quelque 10 ans la Chambre des communes, nos concitoyens et autres observateurs agréées pourraient, et devraient, remarquer la vigilance et la force avec lesquelles il défend depuis des mois l'indépendance du pouvoir législatif. Les empiétements de l'exécutif constituent le ciment du pouvoir des technocrates. Ils semblent, à Paris, parfaitement naturels. On dit en effet les Gaulois réfractaires et sans doute le croient-ils eux-mêmes. Il faudrait peut-être, à la lumière de leurs interprétations actuelles, revisiter ce jugement.
N'écoutons pas trop les faux lettrés qui nous rappellent un peu trop le rôle d'un Français, Montesquieu, qui aurait théorisé la séparation des pouvoirs.
Invitons-les à (re?) lire la politique d'Aristote au chapitre X, où il dit à peu près la même chose.
Ce sont cependant les Américains qui en ont le plus méthodiquement appliqué les principes
C'est un autre Français, François-René de Chateaubriand qui, en 1818 a lancé le mot conservateur, dans le contexte précis du Règne heureux du bon roi Louis XVIII. Celui-ci fit école 15 ans plus tard en Angleterre par l'entremise de son ami John Wilson Crocker[1]. Parle-on aujourd'hui des mêmes conservateurs ? Parle-t-on, d’ailleurs, des mêmes Français ?
JG Malliarakis
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Une réunion des Amis de l'Insolent Mercredi 18 septembre JG Malliarakis donnera une conférence
suivie d'un débat sur le thème "Le Moment conservateur" de 18 h à 20 h
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[consommation de la brasserie : 6 euros + participation libre aux frais ]
Apostilles
[1] Dans son livre manifeste, le passionnant roman à clef "Coningsby ou la Jeune génération", Disraëli le dépeint ou plutôt le caricature, sous les traits d'un personnage guère sympathique. cf. L'Insolent du 19 septembre 2012 "Aux sources du parti conservateur".
Sur le papier, le Royaume Uni est une monarchie. Sur le papier.
Dans les faits, c’est autre chose. On enseigne que le souverain, c’est censément « the Queen in Parliament ». Vu ce qu’est le pouvoir du monarque, en réalité le souverain, c’est le Parlement.
D’où les problèmes actuels.
Car les Britanniques se sont mis à croire, notamment après le référendum sur la sortie de l’Union européenne, que c’étaient eux, le peuple, celui qui élit les membres de la Chambre des communes’ qui était le souverain (comme en France, au moins selon la constitution).
Quant à Bercow, il y aurait pas mal à dire.
Rédigé par : Curmudgeon | mardi 10 sep 2019 à 08:00
Je n'ai pas été convaincu par le Speaker travailliste Bercow. Notamment sa façon de mettre au vote une injonction faite aux membres du gouvernement de présenter toutes leurs correspondances, emails, conversations téléphoniques, etc. relatives à une décision récente du gouvernement.
Manoeuvre d'intimidatione qui dilapida du temps de la Chambre des Communes hier soir. Et il laissa aussi les membres du Labour huer et siffler les Conversateurs ! The Guardian qui suivait en direct la séance sur le net a été très sévère à son égard.
Enfin la tentative ultime de Corbyn d'arracher au gouvernement une promesse de demande de délai supplémentaire à l'UE, contre l'accord du Labour pour des élections fut un chantage indigne ; autant qu'un aveu de la nécessité de recourir aux élections. D'ailleurs un membre démissionnaire du Labour étrilla Corbyn, faits à l'appui.
Bojo a gardé un comportement démocratique et passant outre au chantage il présenta une deuxième fois sa demande d’élections, qui reçu 295 voix pour et 45 contre 45. Il aura laissé une chance au Parlement de rester dans des clous démocratiques.
Surtout bien dommageable est cette suppression de la possibilité pour la Couronne de convoquer des élections que nous apprend notre chroniqueur préféré, au fait des choses importantes !
Dans cette restriction de la démocratie - qui eût méritée un référendum - je vois une atteinte grave à la souveraineté de la Grande Bretagne.
Vraisemblablement un pas de plus, à mon avis, vers le nouvel ordre mondial technocratique, accompli par le CFR et le Bilderberg. Ils gouvernent secrètement la Grande Bretagne et l'EU et nous ne voyons que la partie emergée de l'iceberg des décisions.
Rédigé par : Dominique | mardi 10 sep 2019 à 16:15
"Un peu trop bonapartiste pour mon goût"
Le bonapartisme est une immondicité dont la France souffre depuis plus de 200 ans.
Je ne suis pour ma part en aucun cas royaliste; je n'aime pas les familles royales qui s'octroient un droit bafouant la démocratie (c'est le peuple qui doit être souverain).
Rédigé par : RR | jeudi 12 sep 2019 à 15:00