Depuis longtemps, on n'avait assisté au spectacle d'un pays aussi déchiré qu'en ce 14 juillet. Souvent accusé de complaisance avec le pouvoir, Le Figaro faisait ainsi état dès 13 h 34 d'un premier bilan de ce 14 juillet, se basant sur un chiffrage communiqué par l'AFP et la Préfecture de Police : 173 personnes interpellées, notait le journal, en marge du défilé.
Des heurts ont éclaté, dit le journal, entre les gilets jaunes et les forces de police, sur l'avenue des Champs-Élysées en début de ce dimanche après-midi, peu après la fin du défilé militaire du 14 juillet. 'Heurts entre gilets jaunes et CRS avenue des Champs-Élysées avec des jets de lacrymogènes et des interpellations', a témoigné, peut-on encore lire, notre journaliste sur place, Roman Geyer. D'après lui, un périmètre de sécurité a été établi autour du Fouquet's qui a rouvert ce dimanche, après avoir été saccagé lors d'une manifestation en mars dernier. Les "gilets jaunes" tentent de monter des barricades avec des barrières pour occuper l'avenue des Champs-Élysées, etc.
Technologiquement très brillant, nous assure-t-on cette année, avec l'apparition des drones et d'un homme volant, tout cela est encore gâché par l'incurie du ministère de l'Intérieur et par l'impopularité du pouvoir.
Malheureusement on doit donc, en effet, constater que ce qui devait représenter une fête "nationale", et qui est reconnu comme tel dans la Constitution, se traduit à Paris par un affrontement entre Français.
Quoi qu'on puisse penser de la dérive, et de la récupération, du mouvement des gilets jaunes, que l'on croyait terminé, on ne peut que déplorer le fait que plusieurs centaines de personnes aient été arrêtées après avoir simplement sifflé Emmanuel Macron.
Les concessions financières et administratives du pouvoir n'ont donc pas suffi à cicatriser entièrement cette plaie. A vrai dire pourtant plus personne ne peut en expliquer ni les raisons ni les objectifs, encore moins les convergences, entre black blocs, frontistes, anarchistes et cégétistes.
En théorie, lorsque fut votée, par une majorité versaillaise élue en 1871, la fixation de la fête "nationale" au 14 juillet, il s'agissait, prétendait-on alors, de commémorer l'illusoire fête de la Fédération, elle-même premier anniversaire de la prise de la Bastille. Et c'est, au bout du compte, cette dernière émeute que la mémoire retient, y compris aux États-Unis où on parle du Bastille-Day. On pourrait appeler ça aussi le jour où la tête du malheureux gouverneur de Launay fut brandie sur une pique. Le célèbre chef des Marseillais, Jourdan dit Coupe-Tête se vantait de l'exploit. C'est à lui et à ses bandes hideuses, dépenaillées et venimeuses montées à Paris, en fait depuis Avignon, que l'on doit l'adoption du nom de "Marseillaise" donné au chant composé par à Strasbourg par Rouget de l'Isle pour l’armée du Rhin, qu'ils beuglaient à l'été 1792 lors de l'affreuse journée du 10 août.
Cette année-ci, dans la soirée, au moment même où notre Luxembourgeois préféré Stéphane Bern, lui-même assez clairement orléaniste, faisait rechanter patriotiquement cette Marseillaise au populaire ténor Roberto Alagna, le communautarisme algérien commençait, à Paris ses interminables klaxons. On a pu les entendre dans mon quartier jusque très tard dans la nuit, malgré l'intervention des forces de police si mal dirigées par M. Castaner. À Lyon et à Marseille se sont produits des incidents encore plus graves : véhicules brûlés, feux de poubelles, barricades sur la voie publique, etc.
On peut légitimement s'interroger, et on devrait le faire sérieusement, avant qu'il soit [vraiment] trop tard, au-delà de l'idée un peu trop indulgente d'une gentille fête qui a mal tourné, sur la signification de cette violence, de ces flambées chaque année plus fréquentes et plus insupportables.
De bons esprits invoqueront peut-être l'article 23-7 du Code Civil. Qu'on en juge d'après sa rédaction. "Le Français qui se comporte en fait comme le national d'un pays étranger peut, s'il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d'État, avoir perdu la qualité de Français." Cette rédaction mièvre, d'application quasi impossible, remonte à juillet 1993. Combien des 282 personnes interpellées en cette occasion le dimanche, contre 74 trois jours auparavant, en entendront même la rumeur ?
Cette fête ne m'a jamais réjoui, je l'avoue. Elle se trouve assortie d'un défilé militaire. Cette invention consolante, supposée reconciliatrice, remonte au "brave" général Boulanger, ministre de la Guerre en 1886. La bravoure la plus significative de l'intéressé consista, quelques années plus tard, en 1891, à se suicider sur la tombe de sa maîtresse.
Ma réticence fondamentale pour la révolution française[1], et pour l'héritage boulangiste, n'en sort ainsi que renforcée.
JG Malliarakis
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[1] Sur le même sujet : cf. L'Insolent du 17 juillet 2008 "De la révolution, du 14 juillet, du jacobinisme et de l'horreur qu'ils doivent nous inspirer."
Votre point de vue n'est pas cohérent. D'une part, vous déplorez qu'on ait arrêté des gens qui ont sifflé le président, d'autre part pour accusez le ministre de l'Intérieur d'incurie. Il faudrait savoir.
La vérité est que ce que les gens reprochent aux autorités dans ces cas-là, c'est que le président en chef de la France n'appuie pas sur un bouton rouge marqué "éradication" à l'Elysée. Ce bouton existe, et il permet d'empêcher les troubles comme par magie : les Gilets jaunes ne manifestent plus, les Algériens ont horreur du foot, etc.
Malheureusement, nos dirigeants sont stupides, et ne trouvent jamais ce bouton. Alors que nous, on sait qu'il existe. D'ailleurs, c'est pour ça que Maxime Nicolle (ou Eric Drouet, j'ai oublié), voulaient rentrer à l'Elysée : pour appuyer sur ce fameux bouton, et s'éradiquer eux-mêmes.
La seule façon "d'empêcher" de tels troubles, c'est de tirer sur la foule comme dans les pays sympathiques. Et même là, ça ne suffit pas. Donc les jaunistes (ou les Algériens, ou les cégétistes) commencent par mettre le bololo, et puis après, et après seulement, la police arrête 170 personnes, ce qui est énorme en l'occurrence.
On ne peut pas, à la fois, être pour et contre. Soit on déplore le bololo, on appelle à la répression, et on se réjouit lorsqu'elle a lieu, soit c'est le contraire. Mais il ne faut pas inverser les responsabilités. Ce n'est pas le ministre de l'Intérieur qui a sifflé le président.
Et puis je n'ai pas de sympathie particulière envers des gens qui, dans un pays démocratique (oui, oui...), viennent spécialement sur les Champs le jour de la fête nationale pour siffler le président. La fête nationale n'est pas la fête du parti au pouvoir. C'est la fête de tous les Français.
Les gilétistes agitent des drapeaux tricolores à toutes leurs manifs, et ils sabotent le 14 juillet ? Quelle plus belle démonstration que le drapeau bleu-blanc-rouge des jaunistes n'est qu'un cache-sexe pour le drapeau rouge ? De même que le RN n'est que le parti communiste reconstitué ? Parti qui excipait d'autant plus d'un prétendu patriotisme qu'il pratiquait assidument la trahison ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | lundi 15 juil 2019 à 15:16
"Quoi qu'on puisse penser de la dérive, et de la récupération, du mouvement des gilets jaunes, que l'on croyait terminé, on ne peut que déplorer le fait que plusieurs centaines de personnes aient été arrêtées après avoir simplement sifflé Emmanuel Macron."
Inutile de dire mais ça va encore mieux en le disant que je partage cet avis.
"(…) l'illusoire fête de la Fédération"
Oui, mais tout n'y est pas négatif à mon avis. 14 juillet, fête nationale héritière de celle de la Fédération (et non évidemment de la prise de la Bastille), c'est plutôt unitaire et positif.
"(…) "Marseillaise" donné au chant composé par à Strasbourg par Rouget de l'Isle pour l’armée du Rhin"
La Marseillaise est un chant haineux qui ne devrait pas être notre hymne national ("qu'un sang impur abreuve nos sillons" = le sang des partisans de l'Ancien régime et plus généralement tout critique du nouveau - et non le sang "d'ennemis étrangers" comme le croient beaucoup de "nationaux" - voir la vigueur avec laquelle ces paroles étaient entonnées à la fin des meetings du Front national). Je n'ai à l'instar de certains des nôtres bien informés jamais reproché à Gainsbourg de l'avoir parodiée.
"(…) le communautarisme algérien commençait, à Paris ses interminables klaxons."
Voilà qui a dû ravir Le Pen (Jean-Marie), lui qui leur disait « Nous avons besoin de vous. Vous êtes la jeunesse de la Nation (…) Comment un pays qui a déploré longtemps de n’avoir pas assez de jeunes pourrait-il dévaluer le fait d’en avoir cinq ou six millions ? ». Le miracle s'accomplit donc conformément à la volonté du "grand visionnaire".
"(…) général Boulanger, ministre de la Guerre en 1886. (…)
Ma réticence fondamentale pour la révolution française[1], et pour l'héritage boulangiste, n'en sort ainsi que renforcée."
Sur la Révolution française en ce qui me concerne, je reste "Troisième Voie".
Sur le Boulangisme, c'est à voir; ça aurait pu devenir l'embryon d'un puissant mouvement nationaliste partisan d'une équité sociale, unissant les disciples de Déroulède et ceux de Proudhon, pour un socialisme national français en quelque sorte.
Rédigé par : RR | lundi 15 juil 2019 à 15:23
La France, du moins ce qu'il en reste, est devenue la poubelle du monde.
Rédigé par : Marc | lundi 15 juil 2019 à 15:34
Peut on encore parler de "fête nationale", avec ce que cela implique comme unanimisme pour la Nation dans un pays éclaté en archipel comme le démontre le livre de Fourquet.
Rédigé par : Laurent Worms | lundi 15 juil 2019 à 16:04
Je voulais faire un commentaire en votre sens tellement 1789 m'inspire horreur et dégoût.
Mais dans votre chronique du 17 juillet 2008 vous rétablissiez magistralement maintes vérités oubliées ou même inconnues (pour ma part) sur la tragique révolution qui entraîna le déclin de notre royal pays. Avec en conclusion une réponse de Charles Frépel (cf. Editions du Trident) :
Dans le petit volume publié à l'occasion du Centenaire de 1789, il répondait, admirablement, à tous les panégyristes de la Révolution, sur deux points essentiels : non la révolution n'a pas conduit à un progrès de la France, mais à un recul ; non, elle n'a pas entraîné un renforcement moral de ce pays au sein de l'Europe chrétienne, elle a abaissé son influence et son prestige. Un siècle plus tard, la critique apparaît prophétique. Elle met en pleine et totale lumière les origines et les nuisances communes du jacobinisme, du totalitarisme et du socialisme étatiste, autant de causes du déclin français.
230 années après 1789 la critique de Charles Frépel, et les vôtres, sont hélas on peut plus actuelles ! Toucherons nous le fond un jour pour enfin rebondir ?
Merci JGM pour la lumière que vous nous apportez avec l'Insolent et le Trident.
Rédigé par : Dominique | lundi 15 juil 2019 à 21:44
@ Robert Marchenoir
"Votre point de vue n'est pas cohérent." (celui de J-G M)
Le votre l'est, rassurez-vous:
La défense de M. Macron en toutes circonstances (et par extension de ceux qui sont derrière lui) et la volonté de museler toute opposition (en premier lieu les Gilets jaunes).
Rédigé par : RR | lundi 15 juil 2019 à 23:55
"(…) le drapeau rouge"
Rouge du sang de l'ouvrier.
Rédigé par : RR | mardi 16 juil 2019 à 00:14
"le communautarisme algérien commençait, à Paris ses interminables klaxons. (…) À Lyon et à Marseille se sont produits des incidents (…) : véhicules brûlés, feux de poubelles, barricades sur la voie publique, etc."
Hommage à l'hebdomadaire Minute (le vrai, celui de Devay, Boizeau, Goudeau) qui dès 1962 avait lui, été visionnaire.
Rédigé par : RR | mardi 16 juil 2019 à 13:46
Je lisais "minute" en 1962! merci RR de rappeler que nous avions choisi la bonne voie!
Rédigé par : Tonton Cristobal | mardi 16 juil 2019 à 23:10
Le laxisme et l'incompréhension de nos dirigeants actuels sont désespérants.
Il y va pourtant de la survie de notre république et de la patrie.
L'ennemi est parmi nous et nous feignons de ne pas le voir !
Combien de français aujourd'hui se considèrent avant tout comme étrangers bien que bénéficiant des avantages de la nationalité française ? Il faut qu'ils fassent un choix. Nous ne pouvons plus accepter les double et triple nationaux qui brulent le drapeau français et insultent la nation régulièrement. STOP !!!
Rédigé par : Claude CHAGNON | mercredi 17 juil 2019 à 11:05
Pour l'anecdote, c'est par Minute que j'ai appris l'existence de La Librairie française (celle de la rue de l'abbé Grégoire) où j'y ai rencontré pour la première fois J-G M puis le milieu NR.
C'est aussi par Minute que j'ai connu Le Livre Poste rue Henri Heine; Marie-France (Caunes) qui m'aimait bien - et aujourd'hui hélas disparue - qui tenait la librairie m'y avait toujours très chaleureusement reçue.
Rédigé par : RR | mercredi 17 juil 2019 à 14:51
@ RR | lundi 15 juil 2019 à 23:55
Vous mentez effrontément. Vous travestissez et mes propos, et ma pensée.
Contrairement à ce que vous prétendez, je ne "défends" nullement "Macron en toutes circonstances", et je n'ai aucune "volonté de museler toute opposition (en premier lieu les Gilets jaunes)".
Puisque j'en fais partie, de l'opposition. Et que je suis muselé, beaucoup plus, par exemple, que les représentants de l'opposition officielle réunis au Front national. Ou que les Gilets jaunes, qui ont été invités six mois durant sur toutes les antennes des "médias du système". Et se sont même vus offrir des postes d'éditorialistes...
Ni moi, ni aucun représentant du courant de pensée que j'incarne (le libéral-conservatisme), n'avons jamais été conviés à nous exprimer dans les grands médias.
Mais l'on constate une fois de plus que pour vous, comme pour les nombreux sectaires et fanatiques qui peuplent la France, quiconque ne manifeste pas une approbation bruyante et inconditionnelle de vos vues, dans le soutien (Gilets jaunes) comme dans la détestation (Macron), celui-là est accusé du sectarisme et du fanatisme dont vous faites preuve.
Vous êtes tellement incapable de comprendre la liberté de pensée et l'indépendance intellectuelle comme politique, que vous passez votre temps à attribuer à autrui les vices qui sont les vôtres.
Penchant qui confirme une fois de plus vos convictions communistes, que vous venez d'ailleurs de nous confirmer. Vous défendez un "socialisme national", avez-vous dit : c'est bien ce que j'affirme ici depuis le début...
On remarquera que pour vous (comme pour de nombreux autres facho-communistes), Macron est par définition un horrible personnage qui a une politique détestable, et les Gilets jaunes sont par définition des saints laïcs qu'il serait interdit de critiquer.
Mais vous ne vous donnez jamais la peine de dire pourquoi. C'est bien ce qui nous distingue, vous et moi.
Il ne faut pas attendre de vous que vous opposiez des arguments de fond à mes arguments précis et circonstanciés. Je serais "pour" Macron et "contre" les Gilets jaunes, et cela vous suffit à me diaboliser.
J'espère bien que vous et les vôtres resterez à jamais dans les poubelles de la politique. Dieu nous garde que de tels malfaiteurs intellectuels et moraux arrivent jamais au pouvoir.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mercredi 17 juil 2019 à 17:59
@RR rue de l'Abbé Grégoire j'ai rencontré Henri Coston assez souvent. Un homme d'une grande courtoisie, élégant comme on l'était dans les années 60/70. J'étais loin d'imaginer en ces temps que le pire était encore à venir, pourtant nous avions déjà prévu ce pire, sans imaginer qu'aucune résistance implacable ne viendrait entraver le processus de décomposition.
Rédigé par : Tonton Cristobal | mercredi 17 juil 2019 à 23:08