Le général Joseph Dunford, chef d'État-major des armées américaines, l'annonçait clairement dès 2017, la zone de guerre tend à se déplacer du Proche-Orient vers l'Afrique.
Si l'on ne se place que du point de vue de Washington, du Département d'État et du Pentagone, cette prédiction peut sembler quelque peu contredite par la nouvelle distribution des cartes, des alliances et des hostilités régionales, entre Méditerranée et Iran.
Si au contraire, on observe, depuis Paris, les engagements militaires très concrets dans lesquels on demande, de plus en plus, à une armée de Terre limitée à 114 000 hommes, à une Marine dont le budget est rogné depuis 60 ans, etc... alors, oui, c'est bien en Afrique que se pose à l'évidence le problème.
Et, sur ce continent les forces françaises se trouvent, non moins franchement, engagées aux côtés des États-Unis.
La ligne définie par le département d'État ne cultive pas l'ambiguïté. Appliquant sa doctrine, au Sahel, les États-Unis "aident les partenaires en Afrique de l'Ouest et du Nord à accroître leurs capacités immédiates et à long terme pour faire face aux menaces terroristes et empêcher la propagation de l'extrémisme violent".
En juin[1], Florence Parly, ministre des Armées, le confirmait. Elle rendait hommage aux alliés, partenaires de nos soldats et de nos officiers sur le terrain. On comprend même que, sans eux, nos troupes ne seraient pas transportées.
Or, sans que les médias français en avertissent l'opinion publique, le temps presse, et la menace territoriale s'aggrave, depuis maintenant au moins 4 ans.
On peut considérer comme un événement décisif à cet égard le ralliement, apparemment insignifiant, en mai 2015, d'un Abu Walid al-Sahraoui ancien dirigeant du Mujao passé avec armes et bagages, de ce Mouvement pour l’Unicité [de Dieu[2]] et le Jihad en Afrique de l’Ouest. Ceci équivaut à une montée en puissance du Califat.
Depuis septembre 2001, on avait pris conscience d'un combat antiterroriste international. Une partie des responsables de nos pays avaient dès lors compris qu'ils se trouvent dans une lutte à mort commune contre la nébuleuse salafiste. Ceci requiert donc une volonté de coopération transfrontalière entre services de polices et de renseignement, y compris, à terme, en collaboration avec ceux de pays, imprévus jusque-là, comme l'Algérie, l'Inde etc.
Avec l'apparition de Daech et la proclamation de son califat à Mossoul en juin 2014 on a affaire à une stratégie territoriale. Depuis la chute de Rakka en octobre 2017, cette pieuvre criminelle et fanatique a déplacé ses pions vers d'autres horizons d'un monde islamique qui s'étend jusqu'en Extrême Orient.
Et sa marche vers l'Afrique impacte dès lors la nécessité accrue de la projection des Français dans un espace continental dont on aurait pu croire que nos gouvernants le considèrent comme secondaire depuis 1962.
Ainsi, de graves affrontements viennent de se produire au Niger. À l'origine, en 2012[3], quelques jeunes Nigériens avaient été embrigadés par le Mujao. Au lendemain de l’opération Serval menée par l'armée française dans le Nord du Mali, et notamment après la libération de Tombouctou en janvier 2013 par les parachutistes et les légionnaires, ces jeunes djihadistes se sont retrouvés démobilisés puis ils ont formé Al-Mourabitoun[4]. Opérant sous la direction du sinistre borgne Mokhtar Belmokhtar, ils se situaient dans l'orbite d'al-Qaïda. Le groupe s'est rendu responsable notamment de l’attaque de l'hôtel Radisson Blue à Bamako, capitale du Mali, en novembre 2015. Au cours de cette agression sanglante 20 personnes ont été tuées. Leur nouveau chef Saharaoui les fit quitter Mokhtar Belmokhtar pour Daech.
Les mêmes hommes dirigés désormais par Al-Sahraoui se sont encore illustrés par une opération militaire en février 2017 à Tiwa, au Niger, qui avait tué une douzaine au moins de soldats nigériens.
C'est donc bien une ramification locale de l'organisation État islamique qui, le 1er juillet, a attaqué le camp d'Inates, à la frontière avec le Mali, qui a coûté la vie à 18 soldats nigériens.
"Les soldats du Califat ont attaqué la base militaire d'Inates il y a deux jours", se félicite leur communiqué qui parle de dizaines de morts et de blessés au sein des troupes nigériennes. Il cite le groupe ISWAP, État islamique en Afrique de l'Ouest, ayant fusionné avec l'État islamique dans le grand Sahara (EIGS).
Le ministère nigérien de la Défense évoque de son côté une riposte avec l'appui aérien des partenaires, c'est-à-dire des Français et des Américains, qui ont donc permis de mettre l'ennemi islamo-terroriste en déroute hors des frontières de ce pays.
De tels événements ne font que continuer ceux apparus crescendo les années précédentes. Au-delà du Niger, ils frappent toute la zone. Pays très pauvre, le Niger, également confronté aux raids de Boko haram au sud-est de son territoire, fait face dans l'Ouest, comme ses voisins sahéliens, le Mali et le Burkina, à des attaques récurrentes des groupes djihadistes.
Aucun de ces États ne dispose des moyens de lutter sans l'appui de la France. Or, celle-ci doit se savoir tributaire, non seulement d'une sanctuarisation, et même à l'avenir d'une augmentation de son effort budgétaire dans les domaines régaliens[5], mais aussi de la solidarité, qu'on espère sans failles, de ses alliés.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. le 13 juin Figaro avec AFP.
[2] Au sens islamique de ce concept, en opposition explicite, et guerrière, au Dieu trinitaire des chrétiens. Lire à ce sujet "L'islam, croyances et institutions" par Henri Lammens.
[3] cf. à ce sujet sur le site Est-et-Ouest. [4] Ce groupe reprenait à son compte l'appellation arabe des Almoravides du XIe siècle.
[5] Lire à ce sujet mon petit livre bleu "Pour une Libération fiscale".
Vu l'état de délabrement avancé des états africains, ils sont une cible idéale et facile pour les groupes terroriste islamistes.
Rédigé par : Laurent Worms | samedi 06 juil 2019 à 09:29
Egalement ne point laisser les loups barbus entrer dans notre bergerie nationale. Nous avons d'autres canidés à fouetter.
Rédigé par : minvielle | samedi 06 juil 2019 à 11:32
Je ne crois pas que les États-Unis soient des alliés très fiables. Avec un Paul à sa tête (Rand, son père Ron étant désormais trop âgé) sans doute, mais pas avec un Donald Trump.
D'ailleurs à quoi riment ces expéditions néo-coloniales alors que certaines cités en France sont hors contrôles des autorités et viviers de fait de terrorisme.
Rédigé par : RR | samedi 06 juil 2019 à 14:16
Le réseau de satellites américains permet de surveiller le monde entier. Le moindre campement de militaires, leurs déplacements, leurs attaques comme leurs retraits. Tout est sous surveillance, outre les espions sur place.
Qu'on ne nous fasse donc pas croire que les USA luttent contre les islamistes alors qu'ils les suivent à la trace 24x24 et les utilisent au gré des besoins de l'empire américain, jusqu’à les armer.
Car il y a depuis longtemps 2 Amériques. Celle des Pères fondateurs, armant chaque citoyen pour résister à une éventuelle tyrannie fédérale. Et une Amérique devenue impérialiste, donc expansionniste, qui détruit ce qui lui résiste et toute nation qui s'élève - ce fut le cas du Japon poussée à la guerre contre les USA par un plan américain ad'hoc. Et pour mémoire le Moyen-Orient.
L'Afrique n'y échappe pas. Ces choses se préparent de longue date ; comme l'effacement du Franc-CFA. Il faut aussi manipuler les peuples - d'où le rôle mortifère que fait jouer l'empire aux islamistes.
Le continent africain regorge de richesses, longtemps exploitées par des sociétés européennes.
Des peuples africains voudront de plus en plus assurer leur sécurité et sortir du sous développement. La Chine feint de les encourager avec son Road and Silk Belt... D'où peut être l'intérêt américain pour l'Afrique révélé aujourd'hui ?
D'où ces guerres de faible intensité en Afrique où des soldats français laissent leur peau une fois de plus. Récemment deux soldats héroïques firent dons de leurs vies pour délivrer une espionne américaine, (et deux touristes français).
La sagesse conseillerait que notre armée se garde de fournir de nouveaux supplétifs aux USA, comme au Moyen Orient depuis plusieurs décades.
C'est la contradiction et la conséquence de notre désintérêt économique de l'Afrique depuis la décolonisation brutale et ratée, et de l'affaiblissement de notre armée. On ne protégera pas des pays souvent immenses avec des troupes certes d'élites mais peu nombreuses (Légion, Paras) et dotées de matériels essentiellement terrestres insuffisants et usagés. Et on ne les émancipera pas seulement avec quelques soldats.
Il eût fallu garder les départements algériens, avoir une politique d'association - décolonisation, époque où une course motocycliste ralliait Constantine à Johannesburg en toute sécurité. Et soutenir la Rhodésie et l'Afrique du Sud aux forces armées remarquables. On ne refait pas l'histoire.
Rédigé par : Dominique | samedi 06 juil 2019 à 22:42
@ Dominique
Assez d'accord sur l'ensemble sauf sur la protection que nous devrions accorder aux Africains. Ce ne sont qu'opérations néocolonialistes peu appréciées à juste titre par les intéressés, de même que la main mise par les gouvernants français sur la politique du continent noir via des "personnalités" locales formatées et imposées au détriment d'un processus authentiquement démocratique.
Pour l'Algérie, la France n'avait rien à y faire. C'est un crime d'avoir sacrifié tant de vies de soldats français pour cette guerre qui n'était en aucun cas la notre.
Rédigé par : RR | dimanche 07 juil 2019 à 18:05
L'imposante ceinture militaire américaine autour de la Russie et les sanctions US (et européennes) existent car l'empire à besoin de faire tourner ses usines d'armements et maintenir opérationnel son appareil militaire nucléaire.
Mais cet empire et sa militarisation détruisent les USA de l'intérieur : la société a basculé en quelques jours après le 9-11 avec des lois d'exception et de surveillance du Patriot Act ( qui était prêt ! ). Eisenhower puis Kennedy avaient dénoncé ce danger.
Le président Trump arrêta à H-10 mn l'attaque contre l'Iran mais tout reste prêt : Arabie, Qatar, et Abu Dhabi forment la zône la plus armée du monde. Ils arment les djihadistes au M-O, en Afrique, et ailleurs depuis longtemps.
Pour le moment les forces de l'ombre ont à mon avis gagné. Ces forces manoeuvrent les USA réels, et se fichent du peuple américain comme des peuples africains. Le 4 juillet 2019 journée de la Fête nationale américaine, Trump était protégé - première fois - par des vitres de sécurité…
Dans ces conditions que pèse la France, sans concours d'autres armées européennes, à côté des forces mondialistes obscures qui ont fait des USA leur bras armé ? 30 milliards de budget militaire français rogné d’année en année, contre 750 milliards pour les USA en constante augmentation ! Sans compter que nos dirigeants jouent le jeu des mondialistes.
Juste pour occuper nos soldats à courir en Afrique après des bandes armées - labellisées jihad - sans réelle possibilité de les détruire, et s'y épuisent ? Pendant que les forces mondialistes font migrer à loisir des millions de musulmans vers l'Europe à travers leurs vannes turques et libyennes !
Rédigé par : Dominique | lundi 08 juil 2019 à 14:40
Rectificatif :
J'ai mentionné que le budget militaire des USA est de, à peu près 750 milliards de dollars. Ce qui est exact.
Mais un gradé de l'US Air Force mentionne que le coût total de la Sécurité des USA ( Homeland ) s'élève à 1.250 milliards ! Qui peut résister tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ?
Dans une étude republiée par Antiwar ( site anti-guerre américain ) il analyse ce qu'est devenu, depuis la 2ème Guerre mondiale, le complexe militaro industriel américain et ses méfaits pour les Américains : il parle de " noyade par militarisation " et de " Pentagone way-of-life".
Un article qui vaut d'être lu à mon avis pour mieux comprendre la politique impérialiste des USA, et leurs guerres depuis 70 années jusqu'à aujourd'hui.
Il cite notamment le rôle de conseil du CFR auprès des présidents américains dès 1940.
https://original.antiwar.com/William_Astore/2019/07/09/drowning-in-militarism/
Rédigé par : Dominique | mercredi 10 juil 2019 à 19:05