On apprenait ce 26 juillet que le chef de l'État a invité Boris Johnson à une visite en France "dans les toutes prochaines semaines". Il s'est entretenu avec lui, en effet, pour la première fois au téléphone, depuis le fort de Brégançon, dans la soirée du 25 juillet.
Il a, nous assure-t-on, "félicité Monsieur Johnson pour sa nomination" et il "s'est réjoui de leur coopération sur les sujets bilatéraux, européens et internationaux."
On doit espérer que leurs entretiens à propos du Brexit demeureront, selon la formule utilisée par les services de la présidence de la république "dans le respect des exigences de l'Union européenne".
Les deux hommes se rencontreront en France, de toute manière, dans le cadre du sommet du G7, qui se tiendra du 24 au 26 août à Biarritz. Or, on nous apprend aussi que les deux dirigeants sont convenus de s'entretenir à propos de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne.
À cet égard, Amélie de Monchalin, secrétaire d'État aux Affaires européennes, a apporté une précision indispensable : "Nous avons envie de travailler avec Boris Johnson sur le Brexit", a-t-elle déclaré sur France 2[1]. En revanche, "nous ne renégocierons pas l'accord sur le Brexit", a-t-elle confirmé.
Et cela me semble le point essentiel. Ni le gouvernement de Paris, ni aucun des 27 autres États-Membres, ne doivent insulter l'avenir des relations avec l'Angleterre. Or, revenir sur le résultat des 17 mois de travail sur l'accord, et plus encore négocier en ordre dispersé, risquerait de rouvrir une plaie redoutable : il ne faut surtout pas laisser penser à de possibles négociations bilatérales, cherchant à sauver, séparément, les exportations de vins de Bordeaux ou celles des voitures allemandes.
L'erreur serait de prendre Boris Johnson pour un clown[2], ce qui fait partie de son jeu. Toute sa carrière a démontré un talent certain, notamment comme maire de Londres, et une redoutable habileté démagogique. Issu de l'oligarchie britannique conservatrice la plus représentative et la plus mondiale[3], sorti de Eton et d'Oxford, il exprime le monde de Coningsby et celui de Downton Abbey.
Jeune collaborateur du Daily Telegraph il a travaillé comme correspondant à Bruxelles entre 1989 et 1994. Il n'y a probablement pas acquis la certitude d'une trop grande solidité des dirigeants européens… Quoi qu'il en soit, bluff ou pas, il a rapidement constitué un gouvernement de Brexiteurs durs.
Avec ou sans un accord immédiat Bojo-UE, il faudra bien définir s'il quitte l'Union le 31 octobre, des relations futures en empêchant une vraie dérive.
Et sa marche quasi triomphale de nouveau chef tory sur le 10 Downing Street, cette semaine, ne doit pas nous faire oublier les vrais dossiers auxquels l'Europe institutionnelle va se trouver confrontée, probablement sans lui à partir du 31 octobre.
À terme nécessairement, l'Angleterre, comme l'ont fait d'autres pays européens extra-communautaires tels que la Norvège, la Suisse ou l'Islande, établir une relation, la plus étroite possible avec le Vieux Continent.
On doit donc apprécier, dans cette optique, que la présidence de la république annonce une rencontre avec son Premier ministre.
Mais on ne doit pas perdre de vue que depuis 3 ans, la majorité des Anglais ayant décidé de bâtir de nouvelles relations, il est temps d'aboutir.
Les confins de l'Europe doivent aujourd'hui nous préoccuper autant que son indispensable axe central franco-allemand et ils appellent une protection : celle de l’Estonie face à la cybermenace des réseaux criminels de l'est ; l'Italie et toute l'Europe du sud face à la pression migratoire ; Chypre et la Grèce face aux pressions turques en mer Égée et en Méditerranée orientale ; la république d'Irlande aussi ; la Hongrie face aux routes balkaniques de l'immigration, etc.
Et lorsqu'un navire britannique est en danger dans le détroit d'Ormuz, ce seront aussi tous les Européens qui devront toujours faire front.
JG Malliarakis
Pour recevoir en temps réel les liens du jour de L'Insolent,
il suffit de le demander en adressant un message à
[email protected]
Apostilles
[1] cf. son intervention à 9 h 08 le 26.7 dans l'émission Télématin.
[2] cf. dans ce registre trompeur l'article publié dans Libération du le 22 juillet : "Boris Johnson, futur bouffon de la reine" par Sonia Delesalle-Stolper.
[3] il compte même parmis ses ancêtres un des derniers représentants du libéralisme ottoman, liquidé par le kémalisme.
Il ne faut pas perdre de vue que les pays du continent européen qui se situent hors de la zone "euro" ne se portent pas si mal. Par exemple, en Norvège ou en Suisse, on ne vit pas plus mal qu'en France. peut-être mieux. L'Angleterre retrouvant son autonomie saura se réinventer librement.
les imbrications économiques internationales vont plus loin que le cadre juridique de Bruxelles.
Rédigé par : Laurent Worms | samedi 27 juil 2019 à 09:44
La réaction des Britanniques face à l'UE est une manière brutale d'exprimer des doutes sur le fonctionnement et les objectifs de l'UE.Ce que nombre d'Européens éprouvent.
Mais Bruxelles ne semble pas vouloir se remettre en cause, espérant tenir jusqu'à la rupture.
Rédigé par : meisch | samedi 27 juil 2019 à 09:49
L'arrivée de Boris Johnson au pouvoir est une très bonne nouvelle. C'est le dirigeant occidental le plus politiquement incorrect -- beaucoup plus que Donald Trump, car il fait ses déclarations avec classe. Il sait exactement jusqu'où aller trop loin, contrairement à l'autre bourrin qui est un arriviste inculte.
C'est le seul chef de gouvernement capable de s'interrompre au beau milieu d'une conférence pour réciter l'Iliade par coeur pendant de longues minutes -- en grec ancien, naturellement. Je doute qu'aucun premier ministre grec contemporain puisse en faire autant.
Ce fut le seul ministre des Affaires étrangères occidental capable de se faire photographier couché au sol en costume-cravate, en train de tirer à l'AK-47 avec des peshmergas au Kurdistan.
Deux mois avant d'être nommé à ce poste, il fut le seul député conservateur occidental à remporter un concours de poèmes insultants sur Erdogan. Sa contribution (d'une virtuosité éblouissante) parlait de chèvres, et comportait un jeu de mots obscène sur le Wanderer de Schubert.
Peu après, il serrait la main d'Erdogan au cours d'une visite officielle en tant que ministre des Affaires étrangères. Interrogé sur son poème, il refusa de s'excuser.
C'est également le seul dirigeant occidental capable, à la fois, d'écrire que la reine d'Angleterre aime le Commonwealth parce qu'il l'accueille avec des foules de négrillons enthousiastes agitant l'Union Jack (déclenchant les hululements indignés de tout ce que la gauche compte "d'anti-racistes"), et de nommer le gouvernement le plus diversitaire de l'histoire du Royaume-Uni, avec un nombre jamais atteint de femmes et de ministres d'origine indienne, pakistanaise, sierra-leonaise, juive -- et même d'une femme d'origine indo-ougandaise et défenseur (jadis) du rétablissement de la peine de mort : ce n'est jamais que son ministre de l'Intérieur.
La presse française, toujours aussi partisane et stupide, croit se gausser de ses incessantes "gaffes", alors que tout, au contraire, montre qu'elles sont soigneusement calculées.
L'homme qu'il vient de nommer à la tête de la Chambre des communes, Jacob Rees-Mogg, vient également de se distinguer en adressant une note de service à son cabinet, interdisant d'utiliser l'adverbe "très" dans la correspondance officielle, obligeant à mettre deux espaces après un point et rétablissant l'usage, complètement passé de mode, d'honorer du titre d'Esquire les hommes dépourvus de titre de noblesse.
On avance, on avance. Un autre monde est possible...
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 27 juil 2019 à 17:15