Dernière invention du laïcisme scolaire : la lutte pour la quasi-gratuité des cantines scolaires. De longue date il est acquis que l'État ne dispense plus seulement l'instruction publique : il administre l'Éducation nationale. Cette machine à formater le peuple fonctionne avec un succès que l'on ne mesure pas assez souvent.
Or, éduquer suppose évidemment nourrir.
Sur son blog hébergé par Mediapart, Jean-Paul Delahaye[1] relaye à cet égard la nouvelle posture adoptée par le Comité national d'action laïque. On l'avait oubliée cette bonne vieille nuisance, filiale du grand-orient de France. L'obédience toujours largement marxiste, s'est toujours acharnée à maintenir les liens entre socialistes et communistes. Coupée de la maçonnerie anglo-saxonne et des loges déistes dites régulières, depuis qu'en 1877 elle s'est proclamée athée, elle représente aujourd'hui encore, en gros, la moitié des francs-maçons français, 50 000 sur 100 000. Son grand œuvre permanent, son projet, à toujours consisté à construire une forme de socialisme maçonnique[2].
Le Comité national d'action laïque est apparu officiellement en 1953 pour lutter contre la meilleure loi favorisant la liberté des familles éducatrices, la loi Barrangé votée en 1951 sous la Quatrième république.
Au commencement de la Cinquième république, le gouvernement de Michel Debré avait imaginé, et mis au point en 1960, un système considéré comme analogue mais sous contrôle étatique. On institua ainsi le secteur privé sous contrat, sous-traitant du public.
L'ancienne école libre devint de la sorte prisonnière des subventions de l'État. Mais, quand même ceci entraîna, de la part du CNAL, une vague de mobilisations. Se retrouvèrent dans la rue, sans succès à l'époque, tous les marcheurs professionnels, du PCF aux radicaux-socialistes.
En 1983, sous Mitterrand, la gauche étant revenue au pouvoir tenta la réforme Savary. Celle-ci était soutenue par nos chers laïcistes. Mais elle fut alors enrayée par l'énorme mobilisation de centaines de milliers de familles françaises attachées à un enseignement de qualité et, osons écrire ici un gros mot : largement catholique.
Une fois de plus, d'ailleurs, au lieu d'aller plus loin en position de force, au lieu d'exiger le retour au libre choix des familles, la hiérarchie se précipita à l'époque sur un compromis sauvegardant sa part de marché.
Enfin en 1994, grâce des manifestations pourtant bien moins nombreuses et moins familiales, les laïcistes, c'est-à-dire les partis de gauche, le grand-orient et le CNAL, obtinrent leur revanche en empêchant la mise en place de la timide loi Bourg-Broc, imaginée par le gouvernement Balladur pour mettre à jour la loi Falloux de 1850.
Aujourd'hui, on s'apprête à fonder une nouvelle croisade du politiquement correct laïc et obligatoire.
Les prémisses de cette campagne laissent rêveur. Delahaye, cité plus haut résume ainsi l'argumentation : "Quand la puissance publique ne remplit pas son obligation de gratuité, écrit-il, elle aggrave les problèmes des élèves pauvres."
En avant par conséquent vers plus de gratuité, autrement dit plus de subvention, plus de redistribution, c'est-à-dire plus de misérabilisme dans le discours public et médiatique. On nous parlera au nom des plus démunis, auxquels d'ailleurs on ne donne jamais, ou le moins possible, la parole.
En matière scolaire et éducative comme pour le reste, pourtant, il paraît dommage qu'en France on ne connaisse pas ce proverbe français : ce qui n'est pas cher ne vaut pas cher.
Ceux qui connaissent le bon cœur du peuple italien savent, ou croient savoir, qu'on obtient à peu près tout de ses responsables de tout niveau quand on invoque les enfants. En Angleterre, les choses marchent un peu différemment : on peut administrer une bonne fessée aux petits garnements mais malheur à celui qui mettrait en cause la place affective des animaux de compagnie.
Depuis Victor Hugo, en France, ce sont plutôt les Misérables que l'on suppose détenir par essence les voies de la vérité et de la justice. Cette dérive post-quarante-huitarde des lubies romantiques n'en finit pas d'empoisonner toute réflexion.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Certes depuis Ambroise de Milan (340-397) beaucoup de commentateurs, notamment chez les auteurs catholiques, se sont employés à confondre les pauvres et les justes. Mais, au contraire, dans les écoles de pensées, et notamment dans les religions marquées par l'idée de prédestination[3], sans nécessairement croire que l'argent fait le bonheur, on a pu avoir tendance à identifier la prospérité à l'élection divine, et la misère au châtiment des réprouvés.
Disons le d'emblée l'excès des deux idées a conduit dans l'histoire à des aveuglements également liberticides. La justice et la liberté suivent d'étroits sentiers de montagne où il convient de ne tomber dans aucun des deux ravins.
Cependant, dans la patrie de Robespierre, de Bourdieu et du modèle social que le monde nous envie, règne de nos jours sans partage la revendication égalitaire. Étranglant sans retenue ses deux compagnes officielles, liberté qu'elle liquide et la fraternité qu'elle feint, son principe s'impose en absolu. La remettre en cause expose aux excommunications majeures. On se trouve en face d'un vrai tabou. Mais si l'égalitarisme ne marche jamais et nulle part dans la pratique, la volonté égalitaire relève de l'Utopie ordinaire. Et celle-ci ne peut conduire qu'à toujours plus d'intervention systématique de l'administration et toujours plus de répression. Nos diaboliques forcenés de l'égalitarisme n'y renonceront jamais. Tout économiste peut le remarquer : "on sait depuis longtemps que la gratuité est toujours, d’une façon ou d’une autre, une façon de mieux vendre"[4] Qu'importe, promesse de services sans contrepartie, le mot gratuit sonne de façon magique. Interdit de le contester.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. "Ce que l’insuffisance de gratuité à l’école fait à la scolarité des élèves pauvres"
[2] cf. "Socialisme maçonnique", par AG Michel.
[3] À tort ou à raison les bons esprits et les faux lettrés en chargent les calvinistes, qui s'en défendent, et les musulmans supposés adeptes du fatalisme.
[4] cf. article "Le mythe de la gratuité", par Olivier Babeau, in L'Opinion 28 mars 2018.
On ne peut mieux analyser la situation.
Plus de pseudo égalité c'est le nivèlement par le bas de l'enseignement diffusé. On sort du lycée de moins en moins bien formé et peu d'étudiants pourront faire un parcours universitaire complet. La grande masse est éjectée au cours des deux premières années.
Conclusion 1: le monopole des "élites" actuelles est assuré de pérennité. Conclusion2: le pseudo égalitarisme égal démagogie et mensonge.
Rédigé par : Laurent Worms | jeudi 27 juin 2019 à 14:51
Très bel article, aussi bien sur le plan philosophique que sur le plan historique.
On se demande d'ailleurs pourquoi nous n'avons pas un "Grand service public de l'alimentation", avec la nourriture gratuite pour tout le monde. Pourquoi simplement pour les écoliers ?
D'ailleurs un Gilet jaune l'a récemment réclamé : il veut une "Sécurité sociale alimentaire" :
https://twitter.com/rgxhgrg/status/1142397018582802432
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 27 juin 2019 à 16:53
@ Robert Marchenoir
"D'ailleurs un Gilet jaune l'a récemment réclamé : il veut une "Sécurité sociale alimentaire""
Ça n'engage que cette personne et non "le" (j'aurai tendance à dire les) mouvement des Gilets jaunes qui est très divers (même si je ne le nie pas, une bonne partie a des revendications de type communiste, ce que je déplore).
Rédigé par : RR | jeudi 27 juin 2019 à 18:32
Gratuité de la restauration scolaire ...
D'ailleurs facilement traitée par la charité individuelle au cas par cas. Et s'il s'agit de petits enfants de familles surnuméraires qui ne seraient pas nourris à la maison non plus, l’économat de l'école pourra préempter les Allocations familiales.
A mon avis, un faux prétexte pour attaquer l'enseignement libre vainqueur. La Liberté est leur cible, avant même la religion !
Rédigé par : Dominique | jeudi 27 juin 2019 à 20:53
@ RR
Ben voyons. Pour les gilet-jaunistes, rien de ce que disent, ou font, les Gilets jaunes n'engage les Gilets jaunes. Sauf ce qui, dans leurs fantasmes, représente l'essence authentique du Gilet jaune étalon.
Laquelle n'est jamais explicitée par les jaunistes, sauf pour nous dire : Gilet jaune double plus bon. Gilet jaune, saint laïc, héros incontestable.
Il se trouve que le socialisme incrusté de cet étudiant jauniste réflète exactement celui du mouvement dans son ensemble.
Lequel est effectivement assez divers, mais possède tout de même des traits communs, sinon ce ne serait pas un mouvement.
Et la façon la plus simple de les résumer, c'est que ce sont des gens qui se plaignent des conséquences du socialisme tout en réclamant davantage de socialisme.
Soit exactement ce que disent, allez ! 85 % des Français depuis 50 ans, pour mettre les choses à la louche.
Même le mode de protestation choisi n'est pas original : mettre le bololo, c'est ce que font 98 % des protestataires hexagonaux depuis la nuit des temps.
La seule originalité réside dans le port du gilet jaune, le blocage des ronds-points, le complotisme exacerbé, le caractère ouvertement factieux du mouvement, et sa violence systématique et prolongée.
Pour le reste, c'est business as usual.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 27 juin 2019 à 22:00
@ Robert Marchenoir
Le fait que ce "Gilet jaune" soit étudiant prouve déjà qu'il n'est guère représentatif du mouvement.
Complotisme exacerbé ? Je ne sais pas ce que vous entendez par là, mais en tout état de cause je ne crois pas que les Gilets jaunes (y compris leurs "cadres") aient une formation politique suffisante pour être au fait des actions malfaisantes des mondialistes (CFR, Bilderberg, Trilatérale, Le Siècle,...).
Factieux ? C'est ce qu'on dit les futurs acteurs du sinistre Front "populaire" à l'égard des patriotes souvent Anciens combattants, eux, qui sont descendus le 6 février 1934 pour dénoncer la malhonnêteté du Régime.
La violence évidemment condamnable a été des deux cotés, manifestants (pas seulement "Gilets jaunes") et "forces de l'ordre" (en général Police, la Gendarmerie s'étant - ce n'est pas nouveau - beaucoup mieux comportée de même que les CRS rattachés à la PN) qui ont eu un comportement pour beaucoup d'entre elles scandaleux. Des instructions sont en cours et des procès en Assises sont même désormais probables, ce dont on ne peut que se féliciter en souhaitant des verdicts lourds. Nous somme le pays des Droits de l'Homme. On ne peut pas tout se permettre y compris quand on porte un uniforme.
Rédigé par : RR | jeudi 27 juin 2019 à 23:23
Le sujet est la liberté scolaire attaquée par le biai de la gratuité de la cantine. Il y a beaucoup à dire plutôt que de détourner le sujet avec n'importe quel tweet d'un soi disant GJ.
Par exemple l'excellence de l'enseignement scolaire privé. Alors que l'enseignement nationalisé edt en déroute.
Rédigé par : Dominique | jeudi 27 juin 2019 à 23:35
La cause de cette attaque contre l'enseignement libre, par le biai de la gratuité des cantines, à mon avis :
Les lycées privés, essentiellement catholiques pour des raisons historiques - mais pas que catholiques - tiennent le haut de pavé dans les classements départementaux de réussite scolaire. Ces classements sont surprenants et mal connus.
Le classement tient compte des notes aux examens, et de la capacité à faire progresser chaque élève depuis ses niveaux à l'entrée.
En outre l'idéologie marxiste et le pédagogisme sont contenues. Par exemple dans le choix des livres de lettres, philo, sciences de la vie, histoire, lorsque les éditeurs offrent un choix, les professeurs peuvent résister.
Cela exaspère l'Administration de l'Education nationale, d'où sa guerre contre le privé, avec leurs idiots utiles habituels.
La différence entre les deux systèmes n'est selon moi pas la religion, souvent reléguée à la plus simple expression, mais l'amour chrétien (j'ose le dire pour l'avoir constaté ) et surtout l'AUTO-GESTION. C'est à dire la Liberté de traiter des questions de l'école et du lycée, et non au niveau du rectorat :
-Investissements, amélioration des locaux, matériels (enseignement technique), entretien, organisation, recrutement, sanction disciplinaire, gestion financière … sont traités localement. On trouve souvent une comptabilité analytique pour gérer les actions, et des budgets pluriannuels.
-Les questions d'indiscipline réglées sur place : le professeur est soutenu par la hiérarchie, l’élève peut être “ collé “, voire exclu ; et l'action préventive protège de l’entrée de délinquants, voire de trafiquants.
-Les questions du soutien aussi : l’élève étant au centre, tout élève en difficultés - de tous ordres - est épaulé et soutenu par son sous-directeur, ses prof. et ses camarades.
-Les sous-directeurs souvent issus du rang - ils peuvent conserver un poste d'enseignant dans leur matière, avec une seule classe, afin de garder le contact avec l'enseignement - peuvent être remarquables de compétence, d'autorité douce, et d'accessibilité, proches des élèves et des parents.
Quelle économie d'énergie que l'application - de fait - du principe de subsidiarité !
Quant au fameux argument de coût, il reste réduit et les familles nécessiteuses sont soutenues par l'association des parents d’élèves. Idem pour la restauration. Et au final les élèves dont les parents deviennent de mauvais payeurs ne sont généralement pas exclus, même si leurs parents paraissent malhonnêtes (c'est si facile de ne pas payer).
Mais l'enseignement catholique n’est pas à l'abri de critique, car il subit l’évolution “moderniste” de l’église catholique. Pas assez au gré des laïcards.
Rédigé par : Dominique | vendredi 28 juin 2019 à 15:46
Il faut revenir aux programmes qui étaient encore en cours jusque dans les années 80. C'était encore une époque où les épreuves du baccalauréat général toutes séries confondues étaient d'un bon niveau (et même d'un très bon niveau). Ainsi entre autres c'est par souci idéologique égalitariste que le bac C fut supprimé à la fin de ces années au profit d'un bac S d'un moindre niveau en mathématiques et en physique par rapport au notre.
Lorsqu'on voit désormais que des sujets infiniment plus faciles que ceux de l'époque entrainent des protestations d'élèves, on mesure la baisse de niveau de l'enseignement et ce dans toutes les matières (il y a certes toujours eu des sujets qui posaient problème et qui entrainaient quelques fois une notation sur 24 et non plus sur 20 - telle l'épreuve de Sciences physiques proposée en 1978 aux élèves de série C de l'académie de Paris - mais c'était assez rare, et justifié comme on peut s'en rendre compte en consultant par exemple l'épreuve que j'ai évoqué).
Par ailleurs, il est évident qu'il faut encourager ceux qui ne se sentent pas motivés pour les études à se diriger vers des filières professionnelles courtes (métiers de l'artisanat notamment), l'école ne devant être obligatoire que jusqu'à 14 ans. Le bac pour tous est une des pires utopies imposée par les socialo-communistes, qui pour s'en rapprocher a fait que cet examen ne vaut plus rien du tout.
L'école privée assurément d'une manière générale de bien meilleure qualité que l'école publique doit être défendue et l'instauration du chèque scolaire (cf. "Pour une libération fiscale") est une revendication légitime (celui qui place ses enfants dans le privé coûte moins cher à l'État).
N'oublions pas que l'attachement viscéral des socialo-communistes et des loges pour l'école publique est que celle-ci leur permet de formater les enfants aux couleurs des "valeurs" soi disant républicaines, en réalité cosmopolites et laïcardo-maçonniques (république = res publica = bien commun, donc tout le contraire des "valeurs" en question).
Rédigé par : RR | mardi 02 juil 2019 à 03:24
"Mais l'enseignement catholique n’est pas à l'abri de critique, car il subit l’évolution “moderniste” de l’église catholique. Pas assez au gré des laïcards."
Le pape étant lui-même un hérétique, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement dans l'enseignement "catholique".
La pénétration du Mal à l'intérieur même de l'Église est décrit dans l'Apocalypse de Saint Jean; l'abbé de Nantes l'a parfaitement commenté.
Rédigé par : RR | mardi 02 juil 2019 à 03:36