Le conseil européen, c'est-à-dire la réunion des chefs d'États et de gouvernements, qui fait toujours office de direction de l'ensemble se réunissait ces 20 et 21 juin à Bruxelles.
Le contexte mérite d'être rappelé. Il se situe dans le cadre de menaces bien réelles. En principe, elles devraient mobiliser l'attention et la solidarité de toute l'Europe. À vrai dire, en effet, les dangers en cours ne pèsent pas seulement sur des politiques commerciales ébranlées, ou sur des doctrines de sécurité collective remontant au pacte atlantique de 1949. Ils s'exercent aussi de façon directe, aussi bien en Irlande qu'à Chypre, en Estonie qu'à Gibraltar, Malte, Lesbos ou Lampedusa, c'est-à-dire, par définition sur les confins et, en l'occurrence, ceux d'États trop souvent considérés comme secondaires.
Faut-il vraiment citer ici les périls globaux comme ceux de l'islamo-terrorisme ou de l'hégémonisme du régime capitalo-communiste de Pékin ? Faut-il détailler les questions frontalières s'exerçant sur nos territoires continentaux ou maritimes ? Faut-il énumérer les puissances hostiles ?
Doit-on rappeler la nature nouvelle des équilibres stratégiques à l'heure des conflits hybrides et de la cyberguerre, auxquels n'ont été préparés ni nos omniscients technocrates ni nos dirigeants issus des vieux appareils démocrates-chrétiens ou socialistes ?
Soulignons, certes, que le Conseil européen a quand même pris position ce 20 juin de façon assez nette sur les dossiers de l'Ukraine, des actions illégales de la Turquie en Méditerranée orientale, et même du Venezuela. On ne peut que se féliciter de ce regain de fermeté, sur les principes. Peut-on espérer qu'il sera suivi d'effets ? La question demeure entière en l'absence de décisions quant à l'identité des principaux responsables chargés d'exécuter la volonté supposée consensuelle des 27 États-Membres.
Car, pendant ce temps, les divisions de dirigeants qu'on présente comme les grandes personnes, risquent fort de tourner aux enfantillages et aux querelles d'ego.
Le résultat des tractations en cours non seulement n'est pas connu d'avance ; mais contrairement aux habitudes remontant à plusieurs décennies, il n'a pas été prédéterminé par un accord entre les deux principaux partenaires étatiques.
On peut d'autant plus le regretter que s'ouvre en Allemagne une époque nouvelle, Angela Merkel ayant fait plus que son temps et étant appelée à laisser la place à Mme Annagret Kramp-Karrenbauer, parfaite francophone, ancienne ministre-présidente du Land de Sarre[1].
Cet aspect de l'Europe institutionnelle qu'on appelle aussi, dans le jargon bruxellois, intergouvernementale, n'a pu en effet fonctionner depuis un demi-siècle que par une entente entre les autorités parisiennes et berlinoises.
Nous identifions, à tort ou à raison, ces deux administrations aux deux nations qui ont contribué par leurs conflits successifs entre 1871 et 1945, à l'effondrement du continent. Les deux adversaires d'avant-hier ont été supposés irréconciliables jusqu'à ce qu'une nouvelle politique extérieure ait inversé entièrement la donne. Ce paradoxe [apparent] a notamment été souligné de façon saisissante par notre cher vieux professeur Alfred Grosser[2] : la France est ainsi passée, en évoluant de la troisième et de la quatrième à la cinquième république, d'une doctrine de l'adversaire unique à celle d'un allié prioritaire sinon exclusif.
On reprochera sans doute au rédacteur de cette chronique, en son 75e printemps, de garder les yeux probablement englués par on ne sait quelles illusions des années 1960. Mais il ne lui semble pas absurde de considérer comme le principal acquis positif, sinon peut-être le seul que retiendra l'Histoire, du passage au pouvoir du général De Gaulle entre 1958 et 1969, la signature le 22 janvier 1963 avec le chancelier allemand Konrad Adenauer du traité bilatéral dit de l'Élysée.
Ce document diplomatique, bénéfique pour toutes les nations européennes, a pu être considéré comme fondateur.
Ce fut seulement un peu plus tard que commencèrent à s'élaborer des mécaniques communautaires d'inspiration plus fédéraliste, avant même que l'on décidât l'élection au suffrage direct, à partir de 1979, d'une assemblée strasbourgeoise appelée à devenir le Parlement européen.
On pourrait bien redouter, à l'inverse, l'effet durable de paroles excessives et arrogantes, servies non seulement par Mme Loiseau, mais aussi par notre jupitérien chef de l'État en personne.
L'un comme l'autre, ils ont prétendu, en théorie, faire campagne en vue d'une renaissance européenne, dont on ne voit guère les Léonard de Vinci contemporains.
Mais pour la première fois on a entendu de façon claire ce qui commençait à gronder sous le quinquennat perdu de Monsieur Patate alias Hollande, l'écho d'une rupture éventuelle entre Paris et Berlin, sur fond, sans doute de déclin industriel français.
Ils ont ainsi contribué à isoler gravement la patrie de Descartes, aujourd'hui livrée aux forces obscures du capitalisme de connivence de la communication la plus irrationnelle, de l'autodestruction la plus fiscaliste et de l'étatisme le plus arbitraire.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] Où elle a institué le bilinguisme français-allemand lire à ce sujet : "La Sarre veut devenir un Land bilingue. En 2043, tous les Sarrois devront parler le français."
[2] Dans ses cours sur l'Allemagne contemporaine et dans ses ouvrages sur la Politique extérieure de la quatrième puis de la cinquième république (1965).
Une chronique terrible que vous nous apportez. Je pense que personne ici ne vous reprochera d'avoir cru en l'Europe et d'y espérer encire !
Ma mère, née en Lorraine en 1915 (donc allemande, puis à nouveau allemande de 40 à 45) me disait : “mais mon chéri il nous faut une Europe pour ne plus avoir de guerres”. Rien à répondre. Des parents allemands en Sarre, pensaient de même. Comme plus tard des amis allemands en Franconie.
Le désir de paix est en entre les hommes. La guerre est le fait des puissances du mal.
La main tendue du pays vainqueur au pays vaincue fut un geste à mon avis facile, évidemment apprécié de part et d'autre du Rhin après les 3 guerres. Et dans la foulée l'espoir d'une Europe réconciliée avec elle même, et de ses pays réunis.
Mais ce geste ne fut hélas pas accompagnés d'actes concrets de notre part. Il eût fallu demander aux Allemand de nous expliquer leurs bonnes méthodes en matière économique et sociale !
Pour les concurrencer normalement à l'exportation, et asseoir le Franc Français sur une économie viable et puissante à égalité. Développer notre armée et ne pas la purger de ses gradés patriotes.
Tout était possible, au lieu de s'enfoncer dans un collectivisme destructeur et le reniement de la Patrie cette “famille des familles”.
Car le déclin français vient de loin. Il est global : économique, moral, et géo-politique. Longtemps les mirages de la Bombe, de Concorde, Kourou, puis le TGV ont occupé… les petites lucarnes françaises.
Mais à l'étranger : 1954 - le départ de l'Armée française de la Cochinchine, 1962 - l'abandon de Français et du Sahara à une poignée (puisque vaincus) de révolutionnaires, puis l'oubli par la France des nombreux États africains francophones, auront marqué défavorablement les peuples européens.
Et l’amitié franco-soviétique affichée par les gaullistes aura aussi fait douter les pays européen occupés par l'Armée rouge de la capacité de la France à seulement les comprendre.
Le prestige de la France pris ainsi coup après coup.
Dans ces conditions le rapprochement franco-allemand en 1963 m'apparaît avoir été geste de l'occupant retord de l'Elysée pour faire oublier son renoncement aux départements algériens et au pétrole d'Hassi Messaoud.
Aujourd'hui. Les maîtres du monde ont placé un pion comme ministre du président hollandais, puis à l'Elysée pour continuer à acquérir ce qui reste à vendre en France et en Outre-mer, et ouvrir encore plus nos frontières. Mais son passage dans le plus puissant groupe financier du monde et son placement à l'Elysée lui ont en plus donné la grosse tête.
Il aura réussi à vexer les présidents russes et américains, et de nombreux autres, et la France se retrouve éjectée des débats internationaux. Il a aussi vexé les Allemands, notamment en refusant à l'avance leur candidat à la présidence de l'UE, alors que l’élection relève du vote du parlement. Sa défaite - personnelle aussi - pour faire présider par un LREM le parti européen dont son parti est membre fut cuisante, sans lui servir de leçon.
Croit-il qu'il pourra étendre sa tyrannie au delà de nos frontières ? Impossible d'utiliser ses polices pour s'imposer à l’étranger ! L'Allemagne est loin devant.
Mais ces défaites à l'étranger et en Europe sont nos défaites. La défaite de la France. Seuls des patriotes, plus des libéraux (au sens français) pourraient nous sauver.
Rédigé par : Dominique | samedi 22 juin 2019 à 00:41
Il faudra un jour que nos dirigeants réalisent qu'on n'est plus au temps de Louis XIV, ou de Napoléon. Le tournant a été pris avec Sedan en 1870. Une vieille puissance prétentieuse défaite par une Prusse moderne et en pleine croissance,défaite suivie par une tentative de révolution pré-communiste. Depuis la France va de Charybde en Scylla, mais les égos de ses dirigeants demeurent ancrés au XIXè. Ce qui m'explique, en partie, des erreurs successives de ceux qui la gouvernent.
Rédigé par : Laurent Worms | samedi 22 juin 2019 à 11:45
Arrogance et manque d'expérience d'un trop jeune président qui devrait relire son Histoire de France.
Un quinquennat peut sembler parfois trop long...
Rédigé par : Claude CHAGNON | samedi 22 juin 2019 à 11:53
@ Dominique
"Il eût fallu demander aux Allemand de nous expliquer leurs bonnes méthodes en matière économique et sociale !"
La main mise communiste en 1945 sur le programme du Conseil national de la Résistance était déjà un bien mauvais départ. Jamais remise en question par les pouvoirs successifs "de Droite", la politique économique et sociale de la France ne pouvait être que catastrophique: fiscalisme, dirigisme étatique outrancier, et paradoxalement libre exploitation des ouvriers par un certain capitalisme (nécessaire à la perpétuation du Parti Communiste). Il n'est pas surprenant dans ce cas que l'Allemagne de l'Ouest n'ait pas été pour la classe politique française un modèle économique à suivre.
"Mais à l'étranger : 1954 - le départ de l'Armée française de la Cochinchine, 1962 - l'abandon de Français et du Sahara à une poignée (puisque vaincus) de révolutionnaires, puis l'oubli par la France des nombreux États africains francophones, auront marqué défavorablement les peuples européens."
La fin de la colonisation était une nécessité. Que ça a été mal fait est une chose, mais ça ne remet pas en cause le fait.
Rédigé par : RR | samedi 22 juin 2019 à 12:32
@ Claude CHAGNON
"d'un trop jeune président qui devrait relire son Histoire de France."
Encore faudrait-il que ça l'intéresse.
"Un quinquennat peut sembler parfois trop long..."
Comme dit Guy Bedos (oui, je sais, mais il n'en reste pas moins que c'est un des rares qui arrive à me faire rire), il faudrait instaurer pour certains le minutat.
Rédigé par : RR | samedi 22 juin 2019 à 17:00