Le ralliement au pouvoir jupitérien de 72 élus étiquetés jusque-là comme plus ou moins issus des rangs chiraquo-républicains a donné lieu à un certain nombre de commentaires.
Il convient de décortiquer en toute honnêteté plusieurs aspects de ce phénomène qui ne doit pas nous tromper.
Tout d'abord les passionnés du petit jeu politicien pourraient sans trop de difficulté mesurer le caractère effectif de cette macronisation de la pseudo-droite. En effet, les élus ralliés n'avaient pas attendu, pour la plupart, le résultat des élections européennes du 26 mai pour témoigner de leur complaisance vis-à-vis du gouvernement.
Le premier ministre, Édouard Philippe, lui-même incarne le concept. Il apparaît dans cette posture, flanqué des deux principaux locataires de Bercy. Ainsi l'ex-sarkozien Darmanin se trouve chargé des comptes publics et l'ex-chiraquien Le Maire communique sur les interventions industrielles de l'État, la plupart du temps funestes, par nature contre-productives et décalées. Leur présence se veut rassurante pour une certaine bourgeoise lectrice du Figaro. Quoique clairement technocrates eux-mêmes, ils passent couramment pour ce qu'ils ne sont pas, c'est-à-dire pour des représentants du libéralisme économique.
Une telle ambiguïté doit être levée : elle dure, et nuit gravement au redressement de la France, depuis l'apparition même du chiraquisme dont les ralliés sont issus, autrement dit depuis plus de 40 ans. La machine Chirac, piège à réacs breveté à Égletons en 1977 sous les auspices de l'authentique vieux synarchiste Spinasse[1], ne fonctionne plus. Son porte-étendard d'hier, le Juppé s'est désormais replié en qualité de coûteux rentier au Conseil constitutionnel.
Mais les mêmes faux-semblants demeurent en place.
À Paris les choses se présentent d'une manière plus radicale encore. Sous prétexte de vaincre l'infâme Hidalgo, on va assister à une intéressante partie de tromperies.
Dans la capitale de notre république jacobine, sa municipalité joue d'abord un rôle de puissant symbole, de phare intellectuel [un peu éteint quand même], de citadelle historique mais aussi de bastion financier pour l'industrie du pot-de-vin via les marchés publics. Politiquement, et bien que sa population ne constitue, en rien, un échantillon représentatif de la nation, elle nous offre un parfait exemple.
L'une des grandes questions en effet tourne depuis 2017 autour de l'alternance parisienne.
On ne peut l'estimer que nécessaire, et même indispensable à la survie de cette ville, tombée en 2001 sous le contrôle de Delanoë, puis, Charybde succédant à Scylla, sous la houlette de son absurde, venimeuse et malfaisante adjointe Hidalgo en 2014.
Alliée aux derniers restes du PCF, sa majorité municipale mise sur de vieilles coupures. Elle cherche notamment à instrumentaliser la distinction est/ouest. Cette distinction remonte aux écrits de Karl Marx sur les Luttes de classes en France [1848-1850][2] et de l'introduction de Friedrich Engels sur la Commune de Paris envisagée comme Guerre civile en France [1870-1871].
Dans cet esprit Mme Hidalgo est allée jusqu'à se réclamer d'une action prioritaire en faveur de ce qu'elle croit pouvoir considérer comme l'héritage du prolétariat d'autrefois, rôle réduit à la présence métaphorique des migrants. Ses courriels de propagande auprès des contribuables prétendent que "la Ville de Paris agit pour améliorer le quotidien des Parisiens dans les quartiers populaires" affirmant, par exemple, que 1 euro sur 4 du budget de la Ville de Paris leur est consacré.
Provoquant le mécontentement des 8e, 16e et 17e arrondissements, montant en épingle comme principale opposante l'emblématique Rachida Dati maire du 7e, elle joue, avec la grossièreté qui la caractérise, sur un clivage est/ouest.
Ce partage sociologique date de la révolution de 1848. Il avait été politiquement estompé depuis exactement un siècle. À partir de la victoire des nationalistes barrésiens au conseil municipal de 1901 la même majorité avait survécu à la grande guerre, au 6 février 1934, à l'occupation et même à la cinquième république…
Or, le 26 mai à nouveau les résultats de Paris se révélaient accablants. Certes, en s'en tenant aux suffrages exprimés les bobos ont voté écologistes à près de 20 %. La gauche, divisée en quatre, obtient à peine un score potentiel équivalent, en additionnant : les socialistes, parti de Mme Hidalgo 8 % ; La France insoumise 5 %; la liste Hamon 4 % et le PCF 3 %. Les macroniens obtenant 33 % et le centre-droit 10 %, on comprend pourquoi, projetant ces pourcentages sur la campagne future, la présidente du groupe LR au conseil municipal, elle-même maire du 5e, Mme Berthout appelle la droite à capituler en rase campagne et à rallier sans chichi les rangs macroniens.
Battre Hidalgo aux prochaines municipales, oui la chose est nécessaire. Elle me semble très loin d'être suffisante.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] Le glorieux Charles Spinasse (1893-1979), après avoir été député socialiste de Corrèze de 1924 à 1940, signataire en qualité de ministre du front populaire des accords Matignon de 1936, et après avoir voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en 1940, soutient le gouvernement Laval et publie, à partir de 1941, la revue des socialistes collaborationnistes Le Rouge et le Bleu. En 1965, lors de la conquête électorale de la Corrèze par Chirac, il redevient maire de sa ville natale d'Égletons où il héberge, en 1977, la création du Rassemblement Pour la République, à une époque où son fondateur se réclame du travaillisme à la française.
[2] Les curieux et les archivistes pourront télécharger cette antiquité sur le site de ... Piketty.
L'un des points forts de ce blog -- qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, à ma connaissance --, c'est qu'il analyse la politique contemporaine à l'aide d'un angle de vision particulièrement élargi sur l'histoire de France.
Habituellement, les auteurs comparables ne remontent guère au-delà de quelques décennies pour expliquer les événements actuels, ou alors, c'est à très gros traits et en se contentant souvent de clichés -- voire de lieux communs fallacieux.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 13 juin 2019 à 17:35
La toute récente lecture du livre de Giuliano da Empoli: "Les ingénieurs de chaos" m'a ouvert les yeux et fait comprendre que ces petits jeux politicards de ralliement électoraux sont déjà dépassés au regard de l'utilisation à grande échelle d'algorithmes par des partis politiques. Le mouvement 5 Étoiles en Italie,l'équipe de Trump et les partisans du Brexit en
ayant eu recours à ce nouveau système ont montré leur efficacité et repenser les futures joutes électorales.
Petite réponse
Je commande immédiatement ce livre qui complètera je pense ce guide Gergorin sur la Cyberguerre.
Rédigé par : Laurent Worms | jeudi 13 juin 2019 à 18:29
Avec tous ces mangeurs de soupe, LREM devra changer d'enseigne : UMPS s'impose. La vraie droite désigna ainsi le PS et l'UMP à juste titre.
Avec les nationalisations communistes de 1945, l'intermède affairiste de De Gaulle aux effets de manche souverainistes mais sacrifiant le pays réel (début de la grande expulsion des familles modestes de Paris dans des immeubles neufs en banlieue), la France est devenue à gauche toute. Même le RN continue à défendre le modèle social "que le monde entier nous envie".
Paris n'y échappe pas et s'est ainsi, excessivement, tiers-mondisé, comme beaucoup de grandes et moyennes villes de France. "Je veux qu'ils soient chez nous chez eux !" disait à l'époque F. Mitterrand.
Des jeunes couples de droite quittent Paris pour se loger en pavillon dans des communes paisibles proches de capitales régionales, proches du soleil et de la mer. Leurs futurs enfants y trouveront de bonnes écoles primaires.
Des étudiants diplômés du supérieur fuient Paris à leurs yeux sale et nauséabonde, sans attraits. Une ville devenue invivable pour cette jeunesse qui a voyagé et fait une partie de ses études ou des stages en dehors de France. Outre qu'ils y trouvent difficilement un premier emploi bien payé, Paris n'est plus la capitale des arts et des lettres. Ils ont les yeux ouverts. Des pays modernes et riches offrent un meilleur avenir à cette élite.
Pour ces jeunes parisiens, le souvenir du massacre au Bataclan et dans le 11ème, ainsi que l'insécurité au quotidien sont aussi de réels repoussoirs. Parisien d'origine, je les comprend. Paris n'est déjà plus Paris. Une ville pour touristes, et pour immigrants de pays pauvres, avec ou sans papiers ?
Quels candidats pour changer cela ? Le roi des forains est sur la liste. Il ferait mieux que la nuisible occupante de l'Hôtel de Ville.
Rédigé par : Dominique | jeudi 13 juin 2019 à 20:24
@ Dominique
"Avec les nationalisations communistes de 1945, l'intermède affairiste de De Gaulle aux effets de manche souverainistes mais sacrifiant le pays réel (début de la grande expulsion des familles modestes de Paris dans des immeubles neufs en banlieue), la France est devenue à gauche toute."
Je ne sais pas où vous avez trouvé ça. Les grands ensembles de banlieue étaient très recherchés par leurs habitants, qui y trouvaient un confort qu'ils n'avaient jamais connu, et qui était remarquable pour l'époque (air, lumière, espace, salles de bain, cuisines rationnelles...).
Je me demande bien d'où vous avez tiré qu'ils étaient massivement habités par d'anciens Parisiens. Quant à la "grande expulsion" dont vous parlez, c'est un fantasme pur et simple.
Comme beaucoup d'autres, vous faites de l'histoire rétrospective et anachronique. Les logements anciens de l'époque étaient dramatiquement insalubres, y compris à Paris intra-muros. C'est seulement sur les photos de Doisneau que le vieux Paris est charmant.
La réalité des choses, à l'époque, c'était pas de salle de bains, et les WC sur le palier. Quand ce n'était pas dans la cour.
Pourquoi croyez-vous qu'on voit encore tant de plaques, à Paris, sur de vieux immeubles, annonçant fièrement "Eau et gaz à tous les étages" ?
Les grands ensembles ne sont devenus décatis qu'après des décennies de gestion communiste et de substitution des populations autochtones par les immigrés.
Le Paris rêvé des rouges-bruns, merveilleux phalanstère socialiste où de pimpants ouvriers côtoyaient de débonnaires bourgeois dans la joie et la bonne humeur, ce Paris-là n'a jamais existé.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 13 juin 2019 à 23:55
@ Robert Marchenoir
"Le Paris rêvé des rouges-bruns, merveilleux phalanstère socialiste où de pimpants ouvriers côtoyaient de débonnaires bourgeois dans la joie et la bonne humeur, ce Paris-là n'a jamais existé."
Qui prétend le contraire ?
Même si la situation du pays pendant les "Trente Glorieuses" était incontestablement meilleure que l'actuelle notamment du fait que certains problèmes étaient à l'époque moins "étendus" qu'aujourd'hui pouvant nous faire paraitre cette période pour idyllique (et c'est vrai que ceux qui sont nés au début des années 50 ont eu pour la plupart une belle jeunesse), il n'en reste pas moins qu'à Paris comme partout, la vie des ouvriers était très dure (d'où le succès du Parti Communiste exploitant une situation que De Gaulle puis Pompidou ont laissé dégénérer sans y apporter de réponse). On pourrait aussi parler de la misère paysanne.
Sinon assez d'accord sur le reste à propos du "Paris contemporain" qui ne contredit d'ailleurs pas ce que dit Dominique.
Rédigé par : RR | vendredi 14 juin 2019 à 01:09
complément au message précédent sur ceux qui sont nés au cours des années 50:
Une existence toutefois gâchée pour certains du fait de départs quelque fois sans retour du paternel pour cette saleté de Guerre d'Algérie où l'insoumission ou la désertion auraient dû être la règle pour tous.
Rédigé par : RR | vendredi 14 juin 2019 à 01:23
Bonjour
Conscients de ce problème qui risque de faire passer du désastre Hidalgo à la calamité Griveaux, Aimer Paris se bat pour rassembler les électeurs de droite derrière un vrai projet de remise en état, de saine gestion et de renouveau de Paris avec Serge Federbusch fondateur du Delanopolis. Pour plus d'info puisque nous n'avons pas accès à la presse, qui nous boude ouvertement : www.aimerparis.fr
Rédigé par : Christiane CHAVANE | vendredi 14 juin 2019 à 09:34
Elections européennes, élections municipales,
élections des députés,
Toutes ont en commun le suffrage direct à deux tours, trop aisément manipulable et manipulé par les médias dominants. D'autant que des médias appartiennent à la même oligarchie et au pouvoir qu'elle a mis en place.
Le revers essuyé au Sénat par l'occupant de Matignon à l'occasion de la présentation de son agenda politique, est revigorant : la France réelle a voté contre le programme de Philippe.
http://www.senat.fr/scrutin-public/2018/scr2018-150.html
L'abstention majoritaire est également significative.
Ceci illustre ma suspicion sur le système français d'élections au suffrage direct, sans contre-pouvoirs constitutionnels.
PS : je me trouve dépourvu en lisant les noms des groupes politiques du Sénat : quelles orientations sous ces noms peu connus ?
Rédigé par : Dominique | vendredi 14 juin 2019 à 18:13
@ Christiane CHAVANE
Initiative intéressante dont j'ai déjà entendu parler.
Vous devez essayer de faire un rassemblement aussi large que possible et pour ce entrer dès maintenant en contact avec les responsables des formations susceptibles d'appuyer la démarche (RN - ça je crois que c'est fait, DLF de Dupont-Aignan, l'aile réceptive des Républicains,...), personnalités extérieures, etc., en respectant évidemment tout le monde et en faisant preuve d'équité pour les places sur la future liste.
Mais il faut aussi un programme solide avec des thématiques municipales.
Il faut bien entendu aborder sans tabou la question migratoire, celle de la sécurité, le social (non pas en se proclamant libéral, mais plus concrètement contre le fiscalisme comme solution d'équité sociale, pour la promotion de l'initiative individuelle en matière d'entreprendre qui est trop souvent freinée par le fiscalisme,...), etc.
Rédigé par : RR | vendredi 14 juin 2019 à 19:42
@ Dominique
Petite erreur d'inattention: Les élections européennes sont à un seul tour.
Rédigé par : RR | samedi 15 juin 2019 à 14:33
Le problème qui va se poser pour l'intéressante initiative dont nous parle ici Christiane Chavane est le changement de la composition de la population parisienne opéré depuis quelques décennies qui se traduit par une "boboïsation" de la capitale.
Je ne sais pas si les gens "sains" sont encore suffisamment nombreux pour espérer un basculement salvateur de l'équipe municipale.
Le Parti des Forces Nouvelles avait noué de bons contacts avec l'équipe municipale de l'époque chiraquienne, cela avait permis l'élection d'élus à Paris du parti nationaliste et contribué à empêcher les socialo-communistes de s'emparer des mairies parisiennes et de la mairie tout court.
La disparition du PFN au bénéfice du Front national a mis un terme à tout cela. Alors que ce dernier parti aurait pu parfaitement poursuivre dans cette voie, les provocations de son Président (Le Pen père) ont empêché tout contact avec la Droite "classique", contribuant - tout comme les malversations de Jacques Chirac - à ouvrir un boulevard à la Gauche.
Rédigé par : RR | samedi 15 juin 2019 à 15:01
Intéressant, ce que vous nous apprenez de Charles Spinasse.
En tous cas pour Macron, ce n'est pas ma tasse de thé mais il faut tout de même lui reconnaître le mérite d'avoir réussi ce en quoi tant d'autres avaient échoué, par exemple Giscard: une troisième force regroupant le centre gauche et le centre droite: l'omelette coupée par les deux bouts.
Personnage très curieux ce Macron: au début j'ai pensé qu'il n'était rien de plus que le pantin d'un certain nombre de tireurs de ficelles, comme Jacques Attali qui s'en est trop vanté. Maintenant je me demande s'il n'est pas plutôt un Rastignac qui a su sentir où le pouvoir était, s'est laissé propulser par des mouches du coche comme Attali, et d'autres, dans les cercles du vrai pouvoir, puis s'est mis à leur disposition et s'est fait adouber par eux au moment où ils avaient absolument besoin d'un poulain quelconque pour sortir de l'impasse Hollande, et craignaient comme la peste le retour d'une droite pompidolienne incarnée par Fillon.
Dans ce cas, Macron serait plus marionnettiste que marionnette. Malgré tout, je ne l'aime pas et à tout prendre je préfère Spinasse.
Rédigé par : Zwingli | dimanche 16 juin 2019 à 21:25
@ Zwingli
"il faut tout de même lui reconnaître [à Emmanuel Macron] le mérite d'avoir réussi ce en quoi tant d'autres avaient échoué, par exemple Giscard: une troisième force regroupant le centre gauche et le centre droite: l'omelette coupée par les deux bouts."
Je pense que l'incessante propagande et l'appui médiatique continuel dont il bénéficie depuis 2016 l'a tout de même "un peu aidé". Giscard (que je ne défend pas) avait au contraire les médias contre lui (qu'il n'a jamais voulu contrer de peur d'être accusé de fasciste; toujours ce baissage de pantalon face au diktat socialo-communiste).
Par ailleurs Emmanuel Macron a bénéficié du ras le bol des Français pour les partis "traditionnels" qui ont tous échoué (ne voyant pas qu'il n'est lui-même qu'une création de ce même Système).
Rédigé par : RR | lundi 17 juin 2019 à 02:44