Bénéficiant, en plein mois de mai, de ce pluvieux jour de congé on se souviendra peut-être que nous sommes censés commémorer, le 8 mai, une victoire. Or, un certain nombre de gros médias ont cru nécessaire, la veille, autour du 7 mai, de se pencher sur un autre anniversaire, celui de la chute de Dien Bien Phu en 1954.
Certains, comme Le Figaro, ont su publier un dossier plutôt honorable sur ce triste sujet. Et la littérature historique ne manque pas pour l'étayer.
On peut trouver, quand même, un peu surprenant de s'investir sur une 65e édition. On pourrait donc chaque année regretter de pas rappeler aux Français, et d'abord à leurs dirigeants, les leçons, trop rarement évoquées, d'Azincourt, de la bataille de l'Écluse, de celles de Pavie, de Waterloo ou de Sedan etc. La liste se révèle trop longue.
À propos de Dien Bien Phu, l'actuel directeur de la publication de Libération s'est invité à la fête. Il ne dément jamais le caractère péremptoire de son personnage. Incarnation de la gauche la plus intelligente du monde, on le connaît sous son pseudonyme de Laurent Joffrin. Ainsi, dévoilait-il, probablement sans trop le vouloir, dans un article[1] daté du 5 mai la raison de ce retour sur image.
Cette défaite, nous explique-t-il en chambre : "il était facile de l’éviter." Car, "en 1945, après la reddition japonaise, Ho Chi Minh était prêt au compromis qui aurait assuré aux Français un retrait dans l’honneur." Quel ami ce cher oncle Ho. N'agissait-il pas en sous-traitant local de l'oncle Jo avec lequel les anglo-américains venaient de si bien s'entendre à Yalta. Comment De Gaulle et Thierry d'Argenlieu ont-ils pu contredire leur excellente politique ?, je vous le demande un peu.
Quelle bonne occasion pour cet antimilitariste de vilipender les soldats. "Il y a 65 ans, l’armée française sous-estime les forces du Viet-minh et subit une terrible défaite dans la cuvette du Tonkin. Les accords de paix qui s’ensuivent signent le début de la fin d’un empire colonial."
Le récit de "Joffrin" met en vedette, pour ne pas dire en accusation, car au fond, lui et ses semblables se réjouissent à peine secrètement de ce qui fut le sort des armes, le destin et le rôle du lieutenant-colonel Charles Piroth "sûr de son affaire. Aucun doute possible : le Viet-minh ne pourra jamais transporter des canons lourds sur des centaines de kilomètres, etc." (...) "Alors le 15 mars, après deux jours d’enfer, Piroth, en pleine dépression, attache une grenade sur sa poitrine et la fait exploser."
Non "camarade Joffrin" ! si l'on veut parler d'erreur stratégique – et une défaite peut toujours être analysée dans ce registre – elle ne doit pas être imputée au malheureux Piroth. Le transport de leur artillerie par les Viets relève de l'exploit imposé d'ailleurs par une discipline stalinienne de fer. On peut le respecter mais on pourrait se dispenser de l'éloge vibrant que se permet "Joffrin" : "soldats de l’an II, les Vietnamiens chargent en masse les positions françaises."
Et d'ajouter un certain nombre de saletés. Afin, bien sûr, de minimiser le souvenir héroïque de Geneviève de Galard "Joffrin" stigmatise "les prostituées vietnamiennes ou africaines qui se changent aussi en infirmières de campagne."
Notre ex-gauchiste, reconverti en porte-parole des vieux bobos post-soixante-huitards, se réjouit dès lors doublement :
"La reddition de Dien Bien Phu sonne le glas de l’empire colonial français. En Algérie, le FLN lance sa première offensive. Partout au Sud, la victoire de Giap galvanise les partis indépendantistes."
Et de parler de "libération" – alors qu'il sait très bien qu'après la division du Vietnam en deux, des centaines de milliers de réfugiés parvinrent à fuir, vers le sud, l'affreux régime institué par Ho Chi Minh et célébré par les communistes du monde entier.
Et puis, connaissant la fin du film, il rappelle avec gourmandise à ceux qui l'ignoreraient que "les États-Unis prendront le relais de la France : la deuxième guerre du Vietnam commence." Raccourci un peu rapide. La défaite de Dien Bien Phu date de mai. Les accords de Genève sont signés en juillet 1954. La sanglante Toussaint rouge en Algérie date de novembre. Quant à l’engagement militaire américain, 10 ans plus tard, il ne commence qu’avec la présidence Kennedy.
Il est vrai que l'engagement pour l'Algérie française, pour les militaires comme pour les jeunes militants fut largement conditionnée par la volonté "d'effacer Dien Bien Phu de l'Histoire", mot d'ordre nationaliste de l'époque. Je puis en témoigner pour ma génération, celle des petits louveteaux que nos cheftaines apprenaient à prier, dans le contexte du scoutisme encore catholique des années 1950, pour les soldats français assiégés. On nous faisait prêter serment de fidélité à Dieu et à la Patrie. Plus tard, lecteur des romans de Lartéguy. Puis militant. J'espère ne pas m'être trop écarté de cette ligne de conduite.
S'il ne s'agit pas tout à fait de la tasse de thé de Joffrin et de ses lecteurs, qu'on me permette de ne pas regretter, quant à moi, d'avoir toujours combattu ces gens-là.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. "Dien Bien Phu : le creuset d’un désastre français"
Pour recevoir en temps réel les liens du jour de L'Insolent, il suffit de le demander en adressant un message à <[email protected]>
Etant jeune à l’époque, je ne lisais que le Figaro qui en faisait un récit épique
Plus tard, j’ai pris conscience que le personnel vietnamien de l’armée française était sommé par le Viêt-minh de communiquer tout ce qu’il savait, sous peine de voir sa famille enlevée et torturée
Le Viêt-minh était donc parfaitement au courant des préparatifs du camp retranché et de ses moyens. Donc, ou bien de il se sentait faible et ne l’attaquerait pas, et le camp ne servait à rien, ou bien il avait les moyens de le prendre et il fallait changer de projet
D’où mon incompréhension
Rédigé par : Montenay | mercredi 08 mai 2019 à 19:37
On va lui présenter quelques paras à ce gus...
Rédigé par : minvielle | mercredi 08 mai 2019 à 20:32
A ce propos, écoutez donc notre ami JGM sur Yvelines radio à propos justement d'une histoire (celle de la Vendée en l'occurence) qui a donné pas mal d'interprétations douteuses : http://www.yvelinesradio.com/infos_all/audio/2019/30VendeeMiIitaire-05-05-2019-14h25-54-Rencontre-avec....mp3
Rédigé par : minvielle | mercredi 08 mai 2019 à 20:37
Il y a tout de même quelque chose de surprenant dans cette affaire.
1)on s'installe dans une cuvette.
2) le Chef-De Castrie- est un cavalier.
On se prépare à une bataille de siège où l'infanterie sera à la manœuvre.
On ravitaille par air avec une météo incertaine.
Bilan:une catastrophe où l'on perd les forces vives du corps expéditionnaire.
Finalement pour "les politiques" le problème de l'Indochine est résolu et terminé.
Thèse complotiste évidemment!
Petite réponse
Je dirais plutôt : interprétation (un peu) complotiste de réalités, absurdes en apparence. Et si on cherchait du côté des adversaires de l'époque : le bloc soviétique et ses relais à Paris...
Rédigé par : meisch | mercredi 08 mai 2019 à 20:43
En ce qui me concerne, je ne regrette pas la perte des colonies, celle-ci comme les autres. On ne peut pas réclamer pour son peuple le droit à disposer de lui-même et le refuser à d'autres.
En adoptant cette position, les nationalistes-révolutionnaires sont revenus à une conception honorable du nationalisme (rappelons que les nationalistes tant républicains que royalistes s'étaient opposés aux conquêtes coloniales).
En revanche, je déplore le drame de ceux des vietnamiens "pro-français" qui furent abandonnés à leurs bourreaux par "nos" dirigeants. Les ramener en France avec nos troupes ne nous aurait posé aucun problème de nature identitaire, sécuritaire ou autres, et aurait été la moindre des choses. Le récit de ces événements épouvantables par le Commandant Hélie Denoix de Saint Marc est poignant.
Rédigé par : RR | mercredi 08 mai 2019 à 20:59
Merci de ta fidélité !
Jean Dionnot-Enkiri
Rédigé par : Jean Dionnot-Enkiri | mercredi 08 mai 2019 à 23:14
@ RR le 8 mai 20 h 59
Je crains une fois de plus d’être en accord avec vous !
Je crois que la France va mourir de sa politique coloniale.
Il y a trop eu chez nous des braillards conquérants, primaires et débiles !
Rédigé par : Zonzon | jeudi 09 mai 2019 à 07:57
Loiseau appelle à un " blitzkrieg " positif ! Et on veut nous faire croire que l’UE n’est pas Alleumandeu !
Rédigé par : Zonzon | jeudi 09 mai 2019 à 09:32
https://www.lengadoc-info.com/8137/histoire-et-tradition/interview-mon-pere-a-ete-aux-avant-gardes-de-ce-siecle-la-fille-du-commandant-helie-de-saint-marc-temoigne-video/
Un vrais témoignage
Rédigé par : Laurent Worms | jeudi 09 mai 2019 à 09:33
Histoire de couper les cheveux en quatre, je vais me permettre d'apporter une petite précision :
l'engagement américain au Viêt Nam s'est bien accéléré sous Kennedy avant de devenir vraiment massif sous Lyndon Johnson, mais par contre les Américains ont décrété, rétroactivement, que la guerre du Viêt Nam proprement dite avait débuté en 1955, date de la mort au combat des premiers instructeurs américains au Sud Viêt Nam. Il s'agissait avant tout pour eux de déterminer leur nombre exact de morts et les noms qui devaient figurer sur le mémorial de Washington. Donc, techniquement, Laurent Joffrin n'a pas tout à fait tort quand il écrit que la guerre du Viêt Nam (si on la fait commencer en 1955) a immédiatement suivi la guerre d'Indochine (1954).
A part cela, je n'ai pas l'impression que Laurent Joffrin "stigmatise" les prostituées africaines ou vietnamiennes qui s'improvisaient infirmières. J'ai plutôt le sentiment qu'en les évoquant, il veut rappeler (sans ironie, ni envers elles ni envers Geneviève de Galard) le mérite trop souvent oublié de ces braves travailleuses de nos ex-colonies...
Rédigé par : N. | jeudi 09 mai 2019 à 10:48
#N. Vous coupez en effet les cheveux en quatre, et vous vous arrêtez au seul sens littéral des textes. Dans cette optique, le verbe "stigmatiser" est peut-être mal choisi. Mais n'oubliez pas que "Joffrin" est un bolcho mal blanchi qui cherche à régler ses comptes soi-disant "sociaux". L'admiration que méritait à l'époque Geneviève de Galard l'irrite, alors il la fait voisiner dialectiquement avec celle que méritaient, aussi, les femmes accompagnatrices des combattants du Corps expéditionnaire français.
Rédigé par : Emile Koch | jeudi 09 mai 2019 à 12:11
@RR et Zonzon. Nous n'avons pas lu la même chronique ni regardé la même illustration. L'auteur ne me semble pas défendre les statuts coloniaux respectifs du Tonkin, du Laos, du Cambodge et de la Cochinchine. L'engagement de la IVe république dans cette guerre avait d'ailleurs pour but d'empêcher les communistes soviétiques et chinois de mettre la main sur des terres de Liberté, en même temps que les Occidentaux, - y compris les Français du corps expéditionnaires largement recruté dans les rangs gaullistes - arrêtaient l'offensive des communistes en Corée. La guerre de Corée se termina en 1953, l'engagement français en Indo en 1954. Ce que l'article défend ce n'est pas une quelconque politique coloniale, c'est la lutte anticommuniste et l'honneur de l'Armée française. Je lui en sais gré.
Rédigé par : Emile Koch | jeudi 09 mai 2019 à 12:23
Quelqu'un sait-il si Libération bénéficie d'une subvention payée avec nos impôts ?
Rédigé par : François Martin | jeudi 09 mai 2019 à 16:52
Tous les quotidiens sont subventionnés, aidés, leurs dirieants et rédacteurs bénéficient de statuts fiscaux avantageux, la TVA est de 2%, etc.
La réponse officielle à votre question se trouve sur ce site gouvernemental
http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Presse/Aides-a-la-presse
Rédigé par : Pancho Villa | jeudi 09 mai 2019 à 17:12
@ Emile Koch
"Nous n'avons pas lu la même chronique ni regardé la même illustration. L'auteur ne me semble pas défendre les statuts coloniaux respectifs du Tonkin, du Laos, du Cambodge et de la Cochinchine. "
Malentendu.
Mon intervention n'était pas une réponse au patron de ce blog mais destinée à faire connaitre ma propre position qui d'ailleurs rejoint la sienne puisque c'était celle du MNR et de TV qu'il dirigeait.
Rédigé par : RR | jeudi 09 mai 2019 à 17:52
"A part cela, je n'ai pas l'impression que Laurent Joffrin "stigmatise" les prostituées africaines ou vietnamiennes qui s'improvisaient infirmières. J'ai plutôt le sentiment qu'en les évoquant, il veut rappeler (sans ironie, ni envers elles ni envers Geneviève de Galard) le mérite trop souvent oublié de ces braves travailleuses de nos ex-colonies..."
Le film RAS (qui dénonce à juste titre le rappel pour l'Algérie des anciens appelés) les évoque.
Rédigé par : RR | jeudi 09 mai 2019 à 18:27
@ Zonzon
"Il y a trop eu chez nous des braillards conquérants, primaires et débiles !"
Et combien de jeunes gens pris à leurs enfants, à leur femme ou fiancée, à leurs parents, pour partir en Algérie et n'en plus jamais revenir; pour une terre ÉTRANGÈRE qui n'était pas la notre et DONT ON EN AVAIT LÉGITIMEMENT RIEN À FAIRE. Vraiment dommage qu'une majorité d'appelés ne se soient pas révoltés et n'aient pas optés pour la seule conduite qu'il fallait adopter dans pareil cas, celle de la DÉSERTION. Des milliers de déserteurs déterminés, les autorités n'auraient rien pu faire (sauf à déclencher une guerre civile avec pertes des deux côtés) et combien de vies ainsi épargnées !
Rédigé par : RR | jeudi 09 mai 2019 à 18:46
COMMENT MEURENT LES GRANDS HOMMES
Staline, d’ivrognerie.
Mao, de vieillesse hélas !
Erich Honecker, dans son lit entouré de l’affection des siens !
Félix Faure, euh… à l’Élysée.
Giscard, Chirac, Le Pen, pas encore !
Pétain, Laval, Darnand, différemment !
De Gaulle, ailleurs qu’au Petit-Clamart.
Le Général Navarre…dans les briques !
Rédigé par : Zonzon | vendredi 10 mai 2019 à 08:09
Avis à tous(tes) et chacun (e)... Pour illustrer ce sujet, j'oubliais cette petite promo personnelle. Voici un texte musicalisé écrit sur le sujet. Il en va aussi d'autres colonnes tragiques. Le monde... Sachez écouter entre les lignes. Merci à vous.
https://pierreminvielle.bandcamp.com/track/dans-la-plaine
Rédigé par : minvielle | vendredi 10 mai 2019 à 16:05
Deux Commandos-Marine tués lors d'une opération au Bénin:
https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/benin/benin-les-deux-touristes-francais-enleves-ont-ete-liberes-deux-militaires-francais-tues-pendant-l-operation_3437181.html
et
https://www.ladepeche.fr/2019/05/10/qui-etaient-les-deux-commandos-marine-tues-au-combat-en-liberant-les-otages,8192318.php
Comme visiblement la majorité des Français, j'estime que l'on a pas à risquer la vie des meilleurs éléments de l'Armée pour tirer d'affaire des bobos abrutis s'aventurant dans des zones signalées à risques.
Rédigé par : RR | vendredi 10 mai 2019 à 16:14
Après une remémoration émue sur Dien Bien Phu on aurait aimé ne pas subir ce raccourci en provenance du Bénin où deux « magnifiques » sont morts pour récupérer deux « compagnons » en voyage de noce !
Plus affligeant encore la mise en perspective des photos des quatre «hommes» !
Dieu reconnaîtra les nôtres !
Rédigé par : Zonzon | samedi 11 mai 2019 à 09:19
La défaite de Dien Bien Phu était prévue de longue date.
lisez pour cela le livre de Roger Delpy "L'affaire Dien Bien Phu ".
Les généraux Blanc et Fay la présentaient cette chute, mais les militaires Navarre et consort n'ont pas souhaité reculer. Cao Bang et Lan Sam avaient précédé celle-ci.
Les politiques ont également refusé de voir la vérité.
J'ai visité Dien Bien Phu afin d'essayer de comprendre, mais j'avoue que de s'installer dans une cuvette me parait incongru.
Rédigé par : PPPJ | jeudi 29 août 2019 à 16:46