Le premier souvenir de votre chroniqueur d'un débat sur la nature de l'Europe remonte à plus de 60 ans.
Après la période enthousiaste du congrès de La Haye de 1948 et de la déclaration Schuman de 1951, était survenu en 1954 le vote des communistes, des gaullistes et d'une fraction des radicaux-socialistes contre le projet de CED d'une communauté européenne de Défense. De la sorte l'idée européenne fut privée, depuis lors, de son pilier militaire et stratégique.
En cet an de grâce 2019, le 22 avril à Luxembourg, avec 65 ans de retard, a été signée par 8 pays une lettre d'intention supposée lancer l'Initiative européenne d'intervention (IEI)[1], une amorce de coopération sur ce terrain.
Dès 1959, les esprits libres ne pouvaient accepter qu'on se cantonne à un simple espace économique. Ni seulement un continent, ni simplement un marché, nous enseignait-on dans les cercles les plus actifs de la vraie droite militante, il s'agissait d'unir une communauté de peuples décidés à défendre leur civilisation commune.
Dans le concert de nos nations, cela semblait d'une certaine façon donner raison aux gouvernements britanniques. Pour eux, l'Europe se limitait, en fait, à une perspective d'alliance militaire et d'échanges commerciaux. En 1960, le gouvernement de Londres signa donc la convention de Stockholm, établissant une Association européenne de libre-échange avec leurs partenaires norvégiens, danois, suisses, portugais, suédois et autrichiens. Le projet concurrent, celui du Marché commun des Six pays fondateurs du traité de Rome signé en 1956, l'absorba progressivement.
On doit rappeler que la même Grande Bretagne, vieille nation européenne, – qu'elle le veuille ou non, que cela plaise ou non aux héritiers du jacobinisme et du bonapartisme, – s'est toujours située à l'avant garde des efforts de défense. Les siens sont demeurés budgétairement supérieurs à ceux de la France.
Or, elle ne les conçoit pas en dehors de l'Otan. Et chaque fois que les dirigeants de Paris ont essayé de la mettre en porte-à-faux sur ce point, l'Angleterre s'est rebiffée. Ainsi refusa-t-elle par exemple, en 1998, au lendemain des accords franco-britannique de Saint-Malo, l'instrumentalisation maladroite de cette coopération par Chirac[2].
Comme tous ceux qui ont sincèrement cru à l'utopie d'une Armée européenne, avouons que les questions concrètes en bloquent la mise en œuvre. En particulier les formats actuels, les industries de défense, les ennemis envisagés, n’évoluent pas aisément.
En 1979, une assemblée avait été élue pour la première fois au suffrage direct. Ayant fait partie des rares malcontents osant critiquer à l'époque cette procédure votre chroniqueur ne regrette pas d'en avoir dénoncé les quelques conséquences que l'on déplore aujourd'hui.
Il s'agissait, en effet, et il s'agit toujours, d'une structure "partitocratique" comme on disait alors en Belgique. Basée sur la représentation proportionnelle de partis et sur des circonscriptions purement nationales, cette assemblée a toujours fonctionné au rebours des véritables traditions parlementaires. Elle n'a jamais cessé de promouvoir une idéologie qu'on peut qualifier de matérialiste, préoccupée de consommation, d'écologisme doctrinaire et trompeur, etc.
On se retrouve très loin des impératifs régaliens de défense, de police et de justice.
Depuis 1991 se sont mises en place les institutions de l'Union européenne. Elles ont été systématiquement confondues, dans la novlangue des démagogues de gouvernement et des gros médias sous contrôle avec le beau nom de notre continent et de notre famille de peuples, notre grande patrie qu’on appelait autrefois Chrétienté.
Rappelons au besoin que le traité kilométrique signé cette année-là à Maastricht, ratifié difficilement en 1992 par référendum, avait été rédigé par les technocrates français non-élus, Delors et Lamy. Ils se montraient eux-mêmes animés des mêmes idées "consommatiques" évoquées plus haut.
Là aussi la lutte contre toute forme d'invasion, contre l'insécurité et le banditisme, ou contre les violations de la loi, n'appartenaient pas aux registres de leurs désirs bobocratiques. On a pu en mesurer les conséquences.
Les efforts en matière de défense et de sécurité ont fait nonobstant leur chemin. On doit hélas regretter la lenteur de cette évolution.
Quel que puisse apparaître, à l'échelle des 28 États-Membres actuels, le résultat du scrutin du 26 mars, la question de l'identité et du destin commun de nos peuples s'imposera très vite. Regrettons qu'elle ne soit guère évoquée dans les propagandes hexagonales respectives de la plupart des 34 listes en compétition.
JG Malliarakis
D'autres chroniques sur le même sujet :
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Apostilles
[1] On lira à ce sujet les déclarations du ministre de la Défense Florence Parly publiées dans Le Figaro du 25 avril : "L'Europe de la défense nécessite une culture stratégique commune"
[2] Signalons aussi que l'Allemagne, que les gaullistes et leur successeurs ont si souvent cru possible de faire entrer dans leur jeu, ne l'a jamais accepté. D'abord, pour des raisons stratégiques, toutes les conceptions de sa défense reposant sur l'alliance atlantique. Mais également du fait de la piètre évaluation concrète du partenaire alternatif, en particulier lors des manœuvres Moineau Hardi de 1987.
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Il me semble également que seule une intégration européenne de défense peut à terme sauver et développer l'industrie d'armement du vieux continent. Le Rafale ou le char Leclerc sont trop chers, car à leur lancement pas assez de commandes. Soyons réalistes et faisons un rêve: un char, un avion conçu au niveau européen qui sera pris en commande par la France, l' Allemagne, l' Italie, etc..
auront leur coûts de réalisation diminué d'autant et compétitif à l'échelle mondiale.
Rédigé par : Laurent Worms | samedi 18 mai 2019 à 17:45
"(…) la question de l'identité et du destin commun de nos peuples s'imposera très vite. Regretons qu'elle ne soit guère évoquée dans les propagandes hexagonales respectives de la plupart des 34 listes en compétition."
On peut dire merci à Le Pen (père) de nous avoir amené à cette situation. Quand on pense qu'il y en a encore pour vénérer - je dis bien vénérer - cet individu, ça en dit long sur le degré de réflexion de certains de nos compatriotes.
Ah, il s'est bien foutu de notre g... !
Rédigé par : RR | samedi 18 mai 2019 à 22:12
Viktor Orbán est-il un traitre et un vendu au Système ?
C’est que ne cessent de dire sur un ton particulièrement virulent les partisans de qui on devine, en raison d’une récente déclaration du Premier ministre hongrois dans laquelle il dit refuser tout contact avec la Présidente du Rassemblement dit national :
https://www.bfmtv.com/politique/viktor-orban-prend-ses-distances-avec-marine-le-pen-et-salue-son-ami-laurent-wauquiez-1691146.html
C’est un peu vite oublier que Viktor Orbán s’il n’est pas parfait (qui l’est ?) dirige tout de même son pays pas si mal que ça, notamment en ayant une position sur la question migratoire tout à fait honorable qui fait de la Hongrie un pays pas franchement immigrationniste ; sans parler de son combat contre les structures cosmopolites telle l’université de M. Soros priée de déguerpir. La situation économique et sociale de la Hongrie quant à elle n’est pas au rouge comme chez nous. L'insécurité y est incomparablement moindre et le terrorisme inexistant.
Or ce que les citoyens d’un pays attendent de leurs dirigeants, c’est de défendre les intérêts du pays qui se confond évidemment avec les leurs. De ce point de vue-là qui est l’essentiel, on peut dire que M. Orbán remplit correctement sa tâche, ce qui lui vaut d’ailleurs quelques problèmes avec certaines instances internationales et européennes aux vues nettement moins « identitaires ».
Alors que M. Orbán se déclare proche de telle ou telle personnalité (en l’occurrence ici de Laurent Wauquiez) plutôt que de Marine Le Pen (dont visiblement il a une perception beaucoup plus lucide bien qu’étranger que beaucoup de Français eux, totalement en dehors des réalités du personnage de la fille du fossoyeur de l'Opposition nationale), qu’il invite Bernard-Henri Lévy à sa table, ce n’est pas ça qui fait de lui un traitre et un vendu au Système, et je pense que les Hongrois en sont heureusement pour eux parfaitement conscients et lui maintiendront leur confiance.
Des traitres et des vendus au Système comme Viktor Orbán, il en faudrait beaucoup, et notamment en France !
Rédigé par : RR | dimanche 19 mai 2019 à 13:01