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Ce premier avril, et il ne s'agissait pas d'une blague, à 6 h 51 du matin, Marie Jégo correspondante du Monde confirmait la bonne nouvelle.
La veille, 31 mars à 18 h 50, Reuters avait pourtant titré tranquillement, en se basant sur les annonces gouvernementales trompeuses de l'agence Anadolu : "Premiers résultats favorables à Erdogan à Istanbul et Ankara".
Le Figaro, toujours très soucieux de ménager la Turquie, ceci depuis les années 1950 et encore aujourd'hui[1], minimisait de son côté les nouvelles défavorables au gouvernement de ce pays. C'était ainsi la conscience en paix que Delphine Minoui se contentait de parler d'un "scrutin test pour l'AKP"[2]
Scrutin test en effet. Il s'est révélé concluant, quant à l'opinion des peuples de Turquie, qui ont renversé dans les urnes les 3 principales municipalités de la république ex-kémaliste : Istanbul, Ankara et Izmir. Et ceci malgré une démagogie effrénée, notamment en direction de l'électorat islamiste. À celui-ci et aux nostalgiques de l'Empire ottoman, l'AKP n'a pas hésité à promettre de reconvertir à nouveau Sainte-Sophie en mosquée.
Le Monde, conformément à sa vulgate économiste, veut n'expliquer cette défaite que par les difficultés dans ce domaine.
Ne les nions pas : dévaluation de 30 % de la monnaie, chômage à 19 %, hausse des prix à 13 %. Pour un gouvernement qui professe hautement sa réussite gestionnaire, ce n'est pas rien.
Mais observons aussi que les électeurs ont bel et bien rejeté l'alliance politique islamo-nationaliste, caractéristique de ce régime, de la mafia qu'il alimente, et du clan familial qui le dirige.
Sa défaite est une victoire pour les partisans de la démocratie et des libertés, en dépit. Elle répond à des dizaines de milliers d'arrestations, d'interdictions professionnelles, de révocations arbitraires de magistrats, de journalistes, de fonctionnaires et de militaires, en dépit des amalgames d'une presse aux ordres
Dans Présent, ce 27 mars, la chronique de Philéas Fogg soulignait à juste titre, en effet, le caractère extrême de la campagne menée par Erdogan, fondée sur une stratégie de la tension et une rhétorique de l'invective. Son pari, le président mégalomane et tout-puissant l'a clairement perdu.
On sait maintenant, dans le monde, que le peuple s'est détourné de lui, et ceci sans préjudice des suites toujours possibles, des recours et autres trucages invoqués le jour même des résultats par ses partisans.
"À Ankara le 24 mars, c'est une assistance monstre évaluée à 450 000 personnes qui s'est rendue au meeting électoral de l'Alliance du Peuple formée en vue de la campagne, très tendue, des municipales du 31 mars. Pas moins de 12 partis sont en compétition, mais cette alliance rassemble, aux côtés de l'AKP, le parti des Loups Gris dirigé par Devlet Bahçeli. Leur premier meeting commun s'était tenu le 17 mars à Izmir.[3]"
Dans un tel contexte, Erdogan, s'est donc personnellement impliqué sans ambiguïté dans la campagne. Président de la République aux pouvoirs désormais renforcés, il a proféré un certain nombre de ses proclamations menaçantes et mégalomaniaques, hélas pas toujours invraisemblables, auxquelles le monde commence à s'habituer. Il a par exemple affirmé que son pays allait devenir un opérateur mondial de l'industrie d'armement. Il était accompagné, comme la plupart du temps, de son épouse Emine, influente fanatique, elle-même responsable Loup Gris dans sa jeunesse.
Candidat local de l'opposition kémaliste à la mairie de la capitale, Mansur Yavaş a eu droit évidemment à son lot d'accusations et une bordée d'insultes de la part de ce chef d'État diviseur. Non seulement il fut présenté comme un escroc et un terroriste, accusation banale dans la Turquie actuelle. Tout opposant au Reis, au chef, et à son clan, est désigné pour tel. Aucun média n'a donné la parole au représentant de l'opposition, aucune de ses affiches n'était visible, etc.
25 ans auparavant, en 1994, l'AKP émergeait. où Erdogan est apparu précisément aux élections municipales, à Istanbul. Ankara la capitale et Izmir étaient alors conquises par son parti. Ce serait vraiment faire injure à ce peuple que de le croire incapable de mesurer sa marche vers la dictature et de savoir où les islamo-nationalistes prétendent le conduire.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] On ne perd jamais, dans certains cercles, l'espoir de vendre aux Turcs les aéronefs destinés à bombarder les pays voisins.
[2] article mis à jour le 31/03/2019 à 22h58 en ligne au matin du 1er avril.
[3] cf. Présent N° 9331 daté du 27 mars. Article "Turquie : la campagne électorale islamo-nationaliste"
Bonne nouvelle !
Et dire que ce pays fait partie de l'OTAN, et que l'étude de son entrée dans l'UE avance... en catimini.
Et qu'attend l'U E pour exiger la libération de tous ceux dont vous rappelez qu'ils ont été emprisonnés sur ordre de Erdogan ?
Les USA également, qui n'ont pas lié la vente de leur nouveau jet militaire F35 au "respect des droits de l'homme".
Rédigé par : Dominique | lundi 01 avr 2019 à 23:20
@Dominique
Rien ne permet de dire que l'intégration de la Turquie avance en catimini. Le mouvement semble stoppé à cause d'Erdogan justement qui est devenu insupportable à tout le monde et à Merkel d'abord.
Le contrat F35 américain est en péril pour deux raisons. Le Pentagone ne semble pas disposé aujourd'hui à livrer mieux que des avions lisses ; nul ne sait comment la Turquie paiera les avions avec une économie en capilotade dès lors qu'elle comptait les financer par ses propres ventes d'armes tactiques.
Je pense (c'est juste une indication d'analyse) que les Américains ont retiré les ogives nucléaires de la base OTAN d'Incirlik, la confiance n'étant plus aveugle depuis le contre-coup d'Etat (depuis 2003 en fait).
Rédigé par : Kardaillac | mercredi 03 avr 2019 à 09:20
@ Kardaillac
Sans vouloir entamer une conversation, et merci de vos informations : j'ai lu que l'étude de n points de convergence nécessaire pour une éventuelle intégration continuait malgré le Non opposé par l'UE à l'intégration. Le gouvernement de l'ombre mondialiste ne renonce pas à son projet...
Pour le F35 Washington en retarde la livraison aussi à cause de l'acquisition de missiles de défense S400 russes par Ankara. Mais des pilotes turques continuent de s'entrainer sur le nouveau F-35 américain sur une base nord américaine.
L'attitude d'Erdogan a effectivement refroidi les relations avec l'Ouest et on ne va pas s'en plaindre.
Rédigé par : Dominique | mercredi 03 avr 2019 à 14:56