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Pour la première fois, le 16e samedi de l'atypique et anarchique mobilisation des gilets jaunes s'est déroulé pratiquement sans violence. Atteignant une sorte de vitesse de croisière, avec 4 000 participants à Paris, quelque 39 000 sur toute la France il conduit Mediapart[1] à parler d'essoufflement. Tous les comptages venant des sources officielles, on comparera les derniers aux 282 000 personnes du 17 novembre et aux 46 000 du samedi précédent 23 février.
Les partisans de cette révolte placent désormais leurs espoirs dans le prochain rendez-vous programmé pour le 16 mars, soit au lendemain de la clôture officielle du grand débat national.
Paradoxalement cela pourrait sembler promettre à cette protestation, inorganisée et contradictoire, qui dure depuis novembre, une sorte d'essor printanier. L'évolution vers une sorte normalité, les défilés et rassemblements étant légalement déclarés, le scandale des casseurs en liberté étant écartés, au moins provisoirement, on va pouvoir s'interroger enfin sur les vraies questions qu'elle pose, ou qu'elle aurait dû poser, depuis le début.
Le paradoxe et la contradiction résident dans deux types de revendications concrètes.
La première, d'ordre fiscal, portait au départ sur la diminution de la taxation énergétique, devenue insupportable pour ceux qui ne disposent pas d'une alternative à l'automobile ; l'influence de la gauche et de la démagogie marxisante ordinaire ont amené à considérer comme représentative de la justice fiscale le rétablissement cet ISF, auquel tous les pays européens ont renoncé et dont la menace elle-même, avec tout ce qu'elle représente, sert de puissante incitation à l'émigration : celle des actifs, et pas seulement celle des investisseurs ; celle des créateurs de valeur ajoutée, et pas seulement celle des diplômés de l'enseignement supérieur.
Céder sur ce point, ce que l'on peut hélas craindre dans le contexte de la campagne électorale européenne, où le pouvoir s'est engouffré sans le dire explicitement, reviendrait à faire encore plus reculer le pays.
La seconde idée mise en avant, depuis décembre[2], par les protestataires appelle sans doute, au départ, une réponse moins univoque : celle du référendum d'initiative citoyenne.
Il s'agit en l'occurrence d'instituer, ou de remettre à plus tard, un mode de décision dont la Constitution reconnaît, depuis peu, le principe, au nom de la souveraineté du peuple, mais que les modalités prévues rendent pratiquement impossible.
Ainsi la réforme, en 2088, de l'article 11 n'a-t-elle ouvert la voie qu'à un recours à l'opinion s'appuyant sur un groupe substantiel de parlementaires, alors que le mouvement des gilets jaunes et la plupart de ceux qui soutiennent l'introduction de la démocratie directe en France conçoivent celle-ci comme destinée à balayer le pouvoir des élus.
Une conférence donnée par le professeur François Garçon le 27 février permettait de clarifier le sujet en expliquant le fonctionnement de la démocratie référendaire en Suisse, pays de référence du sujet[3].
Or le premier point sur lequel insista le conférencier soulignait la première condition de l'existence de la démocratie directe en Suisse : la prééminence d'une très vigoureuse démocratie représentative aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau cantonal et au niveau municipal. Le référendum sert de garde-fou et de complément aux divers aspects de la législation.
Deuxième point : les modalités pratiques écartent les courants d'opinion soudains et irréfléchis, comme celui qui assure la popularité actuelle de l'idée d'un rétablissement de l'ISF, le délai d'initiative et de votation, 18 mois d'une pétition rassemblant 100 000 signatures, plus 3 ans d'organisation, mais aussi la multiplication et la régularité des questions soumises à votation quatre fois par an, ce qui corrige la tendance plébiscitaire de la question unique qui consiste à censurer le pouvoir sans s'intéresser vraiment à ce qui est demandé.
Exposé de façon claire, détaillé, sur un mode pince-sans-rire d'autant plus agréable, cet exposé avait tout pour séduire le public intelligent de l'ALEPS[4], dans le cadre de laquelle il était développé ce soir-là.
On retomba sur terre, hélas, avec la conclusion de la réunion. L'un des organisateurs, certainement de bonne foi, demanda en effet à l'auditoire de répondre par oui ou par non, à main levée, à une seule question, et immédiatement : voulez-vous instituer en France le référendum d'initiative citoyenne.
C’est-à-dire exactement le contraire des modalités et des garde-fous du système suisse.
Tout en souhaitant lui-même l'instauration de quelque chose d'analogue, l'auteur de ces lignes avoue ici être sorti de cette réunion en méditant la fameuse réponse d'Aristote à celui qui lui demandait de se prononcer pour la meilleure des constitutions, parmi les 158 traités qu'il avait étudiés : "dis-moi d'abord pour quel peuple et pour quelle époque".
Les conditions de la démocratie directe supposent encore une longue route à parcourir en France, en commençant par celle de la démocratie tout court.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. "Mobilisation en baisse pour l’acte XVI des gilets jaunes"
[2] cf. "Gilets jaunes. Beaucoup de banderoles avec la mention RIC: c'est quoi le référendum d'initiative citoyenne ?"
[3] cf. son dernier livre Le génie des Suisses ed. Tallandier 2018
[4] ALEPS : Association pour la liberté et le progrès social.
Bonjour,
Je suis (comme d'habitude) assez d'accord avec vos analyses
Je joins un lien avec un texte de mon site où je propose une démocratisation (directe) simplissime à mettre en place:
http://revolutiondemocratique.com/contact/
Rédigé par : JeanMichel Thureau | lundi 04 mar 2019 à 10:23
Votre analyse est tout à fait juste.
Rédigé par : Robert Marchenoir | lundi 04 mar 2019 à 11:58
« Les conditions de la démocratie directe supposent encore une longue route à parcourir en France, en commençant par celle de la démocratie tout court. »
Ça rejoint un peu ou d’une certaine façon la conclusion de Michel Drac (oui en théorie, difficile à appliquer du moins à l’heure actuelle) :
https://www.youtube.com/watch?v=DBG7QkMMgbc
Rédigé par : RR | lundi 04 mar 2019 à 14:11
Exemple : chérie, veux-tu des patates pour le dîner? Oui mon chéri. D'accord, je vais faire du riz.
Rédigé par : minvielle | lundi 04 mar 2019 à 14:36
En fait, on peut quand même constater comme je l’ai déjà écrit sur ce blog que si les Français votent pour n’importe qui aux élections y compris massivement pour les plus nuisibles (l’élection présidentielle de 2017 nous l’a prouvé plus que jamais), en revanche lorsqu’on les interroge non sur leurs intentions de vote mais sur des problématiques précises qui les concernent, ils savent très bien pour une majorité où sont le bon sens et leur intérêt qui en découle – qui se confond d’ailleurs le plus souvent avec celui du Peuple tout entier.
Par exemple sur ce qu’il conviendrait d’adopter comme politique migratoire ou comme réponse pénale en matière de traitement de la délinquance, on constate qu’une majorité de citoyens quel que soit le bord politique auquel ils se rattachent rejoignent des positions honorables ; même s’ils s’en éloignent (sur ces thématiques s'entend) au fur et à mesure qu’ils se positionnent dans ce qui est définit de nos jours comme « à gauche », il n’en reste pas moins y compris chez ces derniers citoyens qu’un nombre non négligeable d’entre eux sont conscients des problèmes et des réponses à y apporter. Tout cela fait que sur l’ensemble des citoyens le bon sens l’emporte. Une exception, le « modèle social français » toujours massivement plébiscité tout en réclamant une baisse de la fiscalité, ce qui est contradictoire, ainsi qu’une volonté de « recours permanent à l’Etat », mentalité typiquement socialiste (dans le mauvais sens du terme, évidemment pas le socialisme de Proudhon !).
Sinon, il est clair que la fin via Internet du monopole de l’information est salutaire ; comme le dit Delavier, les gens sont désormais dans la possibilité d’être correctement informés et de fait de se prononcer y compris sur des questions qui nécessitent de l’information.
On comprendra facilement que face à cette situation, il ne saurait être question pour « nos » dirigeants d’instaurer une démocratie participative dont ce type de consultation populaire pourrait être un outil.
Rédigé par : RR | lundi 04 mar 2019 à 18:56
Dernière minute Gilets jaunes : L’ONU réclame une enquête sur les violences policières
Enfin, il est plus que temps !
À ceux qui s'en offusquent du genre « les policiers reçoivent tels ou tels projectiles dangereux », je réponds :
1) Toutes les victimes de ces violences policières Gilets jaunes ou pas sont des gens pacifiques qui n’ont rien lancé du tout et qui ne se sont livrés à aucun acte répréhensif. Pas de casseurs et autres délinquants parmi eux. Donc, on frappe des innocents et la racaille est indemne. Donc il n’y a rien qui puisse justifier ces violences de la part des « forces de l’ordre ».
2) Confrontés au même « travail », les violences imputées relèvent quasi exclusivement de personnels appartenant aux forces de police (pas forcément des CRS d’ailleurs qui contrairement à ce que l’on croit ne sont en général pas les principaux auteurs des faits les plus inadmissibles) et non de gendarmerie. Pourquoi ?
Enfin, je remarque que c’est principalement La France insoumise qui dénonce cette inadmissible répression envers des honnêtes gens et que la droite conservatrice (Nicolas Dupont-Aignan compris) reste muette. Toujours l’ordre avant tout quel qu’il soit pour ces conservateurs puants héritiers de Napoléon Bonaparte et de (Monsieur) Thiers.
Rien non plus du côté du pseudo Rassemblement national, mais qu’attendre de cette secte familiale dont la seule et unique ambition pour les dirigeants (notamment la présidente) est d’être élue pour s’assurer une rente financière aux frais des contribuables ?
À suivre bien évidemment.
Rédigé par : RR | mercredi 06 mar 2019 à 19:23
@"RR | mercredi 06 mar 2019 à 19:23
Toutes les victimes de ces violences policières Gilets jaunes ou pas sont des gens pacifiques qui n’ont rien lancé du tout et qui ne se sont livrés à aucun acte répréhensif. Pas de casseurs et autres délinquants parmi eux."
Assertion péremptoire, tirée de votre chapeau, qui réclamerait un minimum de faits et de sources pour être étayée.
D'ores et déjà, on peut affirmer qu'elle est fausse. D'abord parce que l'essentiel des Gilets jaunes ont participé à des manifestations non déclarées, ce qui est illégal.
Ensuite, parce qu'en participant de façon délibérée et répétée à un mouvement explicitement insurrectionnel, ces gens ont évidemment commis un acte répréhensible -- et sans doute illégal également.
Enfin, parce qu'en participant de la même manière à un mouvement qui, manifestement, attirait systématiquement des incendiaires, des voyous acharnés à tout détruire, des auteurs de tentatives de meurtre, ils commettaient bien évidemment un acte répréhensible -- et possiblement illégal aussi.
Enfin, je note qu'à l'instar de nombreux gilétistes, vous vous permettez de fustiger "l’ordre avant tout quel qu’il soit pour ces conservateurs puants héritiers de Napoléon Bonaparte et de (Monsieur) Thiers".
C'est le fameux slogan jauniste attaquant le "parti de l'ordre". C'est très bien, l'ordre, Monsieur RR. En faisant cet aveu, vous reconnaissez que vous faites partie du parti du désordre.
Autrement dit, vous avez une politique de bandit. Vous avez une mentalité de délinquant. Vous êtes un ennemi de la nation. Ne mettez pas le mal à la place du bien, je vous prie. N'inversez pas les valeurs.
Il est d'ailleurs aisé d'observer que les "gentils" Gilets jaunes du début, ceux qui n'étaient pas encore "infiltrés par de méchants extrémistes", ceux qui "voulaient simplement vivre de leur travail et que les impôts baissent", sont aussi ceux qui sont des meurtriers, ceux qui ont tué dix personnes dans des accidents de la route parfaitement évitables, par leurs blocages non seulement illégaux (on n'a pas le droit de barrer les routes en France, Monsieur RR), mais complètement irresponsables d'un simple point de vue moral.
Barrer les routes n'importe comment, sans signalisation et de nuit, de surcroît, comme ils l'ont fait, c'était mécaniquement courir le risque de tuer des gens. Ce qu'ils ont fait. Et ils ont l'infinie perversité de s'en prévaloir. De les revendiquer comme leurs martyrs. Même les communistes soviétiques n'avaient pas fait ça.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 07 mar 2019 à 14:42
RR vous avez écrit : " la fin via Internet du monopole de l’information est salutaire ; comme le dit Delavier, les gens sont désormais dans la possibilité d’être correctement informés et de fait de se prononcer y compris sur des questions qui nécessitent de l’information."
Cette situation était vraie jusqu'à ce que les big Brothers Us de l'internet ne mettent en place des veilleurs humains et artificiels pour bannir les chroniqueurs et les sites politiquement incorrects. Pour détourner de ces sites les flux de recherche, voire les bannir (de Youtube) les privant de resources.
Aux Usa des milliers de porteurs de la libre parole qui ont déjà été bannis, à commencer par les plus percutants ( Infowar de Alex Jones, Breitbart News, ) jusqu'aux modestes journaux en ligne d'États de l'Union.
Pourtant ceux ci ont le 2ème Amendement pour eux. Mais Google Youtube Twitter etc sont des compagnies privées qui soutiennent avoir droit de regard "chez elles". De procès sont en cours intentés par les victimes qui réclament le droit à la libre parole ( Free speach ).
En France la censure se met en place contre les réseaux sociaux. Les sponsors de Macron ayant même pensé " à bannir à vie ceux qui ne se conduisent pas bien ( discours de haine etc. ) "
On entre dans une nouvelle ère qui n'est plus celle que vous croyez.
Rédigé par : Dominique | jeudi 07 mar 2019 à 16:02
Oui cher J-G M l'exercice de la Démocratie précède celui du référendum. Mais avons nous un système démocratique ? A la lecture de ce que vous apportez dans vos colonnes et les éditions du Trident, je proposerais de parler : Des Gilets Jaunes et de la Démocratie.
Actuellement on.parle de la démocratie suisse (à propos du référendum) et moins de la démocratie américaine. Lit on encore Tocqueville ? Aux Usa cette procédure n'existe pas, mais les élections sont plus nombreuses et plus fréquentes.
Nos gouvernements successifs parlent de pédagogie pour faire avaler leurs pilules, au lieu de faire apprendre aux lycéens ce qu'est une Démocratie ... les gouvernants n'en veulent pas ! Ils préfèrent répéter "les valeurs de la république" point barre.
Malgré eux les Français ont des notions de ce qu'est une Démocratie : en gros "le pouvoir au et par le peuple" ! C'est cela qui animent les Gilets Jaunes. Y a t on pensé?
La démocratie américaine est vivante dans les contés : on y élit juges, shérifs, et d'autres. Elle a été dévoyée au niveau fédéral : le complexe militaro-industriel achète les Médias menteurs comme de nombreux représentants de la Chambre et du Sénat. C'est pourquoi le gouvernement de Trump ( Trump élu malgré les grands médias Mainstrean), envisage de ne plus collaborer avec ces grands qui font l'opinion.
De même ont compris les Gilets Jaunes : ils refusent en majorité de parler aux médias et aux gens du Pouvoir.
La Suisse n'a pas un complexe militaro-industriel comme les Usa ( bien que la Suisse produise toutes ses armes sauf aéronautiques) et donc pas ce biais énorme sur sa démocratie. Remarquons que l'adhésion au système démocratique permet au citoyen suisse d'être le plus armé au monde, avec la moindre criminalité.
C'est pourquoi la révolte des GJ ne s'est pas interrompue ( 200.000 à la 16 ème selon le syndicat France-police.org ) : ils demandent l'instauration de la Démocratie, qui permettra par exemple de bien réfléchir sur l'énergie et non de différer seulement les mesures fiscales de la " transition énergétique " sur les carburants. ( Tabares, le PDG de Peugeot et otesident des constructeurs se déclare atterré par ces politiques de Bruxelles visant à tuer les moteurs thermiques.
Aux USA cette question du climat est si fortement agitée par les gauchistes que le gouvernement Trump va réunir des savants pour en finir avec le GIEC et ses fausses conclusions.
Les Gilets Jaunes ont si bien compris que les médias du Pouvoir inventent des pour orienter les votes, qu'ils refusent de parler aux grands médias.
Idem aux USA : le gouvernement envisage de cesser toute collaboration avec les Medias Mainstrean. Trump les a d'ailleurs court-circuités avec Twitter (et des médias non maistream) pour être élu.
Voilà pourquoi mon opinion est que les (vrais) Gilets Jaunes des rond-points, vont réagir lorsqu'ils verront que du show débat tenu par celui qui leur fait tirer dessus avec des armes (puisque mutilantes), sortira le même jus, toujours non démocratiquement.
Rédigé par : Dominique | jeudi 07 mar 2019 à 20:04
@ Dominique : vous vous trompez. Le référendum d'initiative populaire existe dans certains États américains, notamment en Californie. Ainsi que dans d'autres pays. L'intérêt du cas suisse est dans l'exemplarité du fonctionnement des votations.
Rédigé par : Émile Koch | vendredi 08 mar 2019 à 09:16