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Pour faire avancer son fameux grand débat, le gouvernement n'a pas seulement ouvert un site internet destiné à éclairer nos compatriotes. Il a fait rédiger par les services des ministères de l'Économie et des Finances, que l'on est convenu de nommer par son charmant petit nom de Bercy, un récapitulatif globalisant de la dépense publique. Le but de la manœuvre semble d'expliquer un certain nombre de réalités chiffrées. Celles-ci demeurent hélas oubliées des démagogies de toutes tendances. On peut de la sorte polluer impunément les raisonnements des commentateurs agréés. Et les mêmes mensonges donnent le ton dans les médias comme du grand public.
Le quotidien L'Opinion, que les partisans des libertés économiques lisent habituellement avec plaisir, salue avec enthousiasme[1] une telle publication.
Entrons quelques instants, sinon dans l'éloge, sans doute un peu trop dithyrambique, du moins dans la logique de cette présentation.
Elle se propose de décomposer, à partir d'un panier de 1 000 euros les différents postes de subsides affectés par les budgets respectifs de l'État, proprement dit, de la loi de financement de la sécurité sociale, inventée par la réforme constitutionnelle de 1996, et de l'addition des collectivités locales.
Or, une telle démarche agrège par là même, sans état d'âme, les différentes sortes de dépenses dites publiques. On ne peut en aucun cas qualifier cela de comptabilité. Un Proudhon saluait cette dernière discipline, de façon sans doute excessive, comme la seule véritable analyse économique. Or, elle ne saurait s'appuyer que sur du droit. À l'inverse, les impôts, locaux comme nationaux, d'une part et les charges sociales, d'autre part, ne relèvent pas des mêmes principes juridiques. Quant à l'hybride CSG, elle s'est toujours révélée, dès son invention par le technocrate Rocard et son amplification par Juppé, comme un monstre juridique contre-nature.
On se rapproche par là même un peu plus des catégories de pensée de la défunte Union soviétique. Les gestionnaires en planifiaient et recensaient la production dans le cadre des ministères, en fonction d'une étatisation supposée totale. On rappellera à cet égard, dans l'appréciation des incertitudes statistiques, que la part réelle de l'économie administrée y occupait proportionnellement à peine plus de place que dans le malheureux dernier pays de l'Est, le nôtre. On doit en effet se souvenir qu'en dehors de l'activité contrôlée par le Plan, les insuffisances de l'économie de marché laissaient la place au développement de l'activité souterraine, ce que les régimes dictatoriaux prétendent fustiger sous le nom de corruption.
Aujourd'hui hélas, l'État central parisien semble ainsi opérer, mais à l'envers, la fameuse réforme d'Evsei Liberman. Lancée jadis à Moscou, quelques années après le rapport Krouchtchev de 1956, par un article daté de septembre 1962, publié par Pravda, celui-ci osait le titre "la prime, le profit et le plan." Considérée comme pro-capitaliste, elle représentait une tentative de nouvelle impulsion donnée à un régime économiquement moribond. Elle était, à l'époque, dénoncée par les maoïstes et la plupart des gauchistes de l'époque comme trahissant le marxisme-léninisme, nom d'emprunt des méthodes de Staline. Elle ne pouvait aboutir qu'à un échec.
On peut remarquer, ici et maintenant, que notre régime politique s'implique de plus en plus dans l'administration des prix. Ceci constitue l'exact contraire de ce que nos néomarxistes et leurs suiveurs, dénoncent tous, selon les jours, comme de l'ultralibéralisme ou du néolibéralisme mondialisé.
On doit donc se satisfaire, à défaut d'une pensée claire dans la description comptable, de la fourniture par la citadelle de notre actuelle technocratie, d'une série d'ordres de grandeur qui pourraient permettre de tirer certaines leçons si l'on acceptait de les recevoir.
Première réalité en effet : les dépenses publiques dites sociales accaparent désormais 55 % des prélèvements obligatoires, eux-mêmes les plus élevés d'Europe.
Deuxième réalité en revanche, les 3 vraies missions régaliennes, la justice, la sécurité, la défense sont dotées, toutes ensemble, de ressources dix fois moindres de l'ordre de 6 %.
Les pistes considérables de libération progressive de l'économie se situent donc dans la différence entre 100 et 6 = 94% des actuelles dépenses gérées par l'État d'une manière généralement chaotique et calamiteuse.
Troisième réalité : chaque année 5 % de ces dépenses sont financées par l’émissions d’emprunts. On parle du rétablissement de l'équilibre des comptes. Mais en dépit de ce discours trompeur, nos gouvernements successifs aggravent un peu plus, d'année en année, l'endettement du pays, imposé aux générations futures.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. article "Mais qu’est-ce que vous faites du pognon?: l’incroyable note de Bercy sur l’état des finances publiques"
"On peut remarquer, ici et maintenant, que notre régime politique s'implique de plus en plus dans l'administration des prix."
A ce sujet, personne ne se scandalise des surréalistes efforts gouvernementaux pour fixer le "juste prix" des denrées agricoles. Ni de l'objectif, qui semble faire consensus, selon lequel il serait "juste" que les grandes surfaces achètent les produits agricoles au "prix de revient" de ceux qui les fournissent -- et la seule question consisterait à se mettre d'accord sur le pourcentage à ajouter à ce prix de revient, pour fixer le prix de vente.
Le léger détail du rôle des prix et des marchés dans l'amélioration de la richesse de tous semble complètement oublié. La question selon laquelle ce fameux prix de revient pourrait, peut-être, être trop élevé, et la productivité insuffisante, n'est jamais soulevée. Les "paysans" ont un prix de revient, c'est comme ça, ce n'est pas négociable. Débrouillez-vous, nous on doit "vivre".
Curieusement, personne ne s'avise de pleurer après les fabricants de chaussettes ou les marchands de décapsuleurs, dont le "prix de revient" serait trop élevé, en conséquence de quoi leurs entreprises ne seraient pas viables. Pas de ministre pour se pencher sur le grave problème du "juste prix" des décapsuleurs, et sur le fait que les marchands de décapsuleurs, eux aussi, veulent "vivre de leur travail".
Tout le monde trouve normal de suggérer que les décapsulistes se débrouillent comme des manches, et que s'ils sont des chefs d'entreprise à la noix, eh bien, ce n'est pas aux Français de les subventionner. Nul effort similaire ne semble demandé aux agriculteurs, qui font partie d'une population sainte et bonne par nature.
Ce qui est très rigolo avec les Gilets jaunes, c'est que le recul du gouvernement à leur égard l'a aussi conduit à reculer sur ses engagements concernant ce fameux "juste prix" payé aux agriculteurs. Forcer les grandes surfaces à payer plus cher leurs achats, c'est diminuer le pouvoir d'achat des Gilets jaunes -- qui ne font jamais leurs courses dans les immondes grandes surfaces, bien entendu, et achètent tout chez l'épicier à blouse grise sur la place du village, mais sait-on jamais.
En sorte que nous allons peut-être avoir une bataille de chiffoniers entre les "paysans" et les Gilets jaunes. Lesquels représentent vraiment la France profonde ? Lesquels sont les plus "périphériques", les plus nobles et les plus purs ? Les paris sont ouverts.
En tous cas, les promotions à 70 %, ou deux pour le prix d'un, ont été interdites, conformément à la demande populaire fustigeant le "consumérisme" et la "marchandisation du monde". J'attends maintenant avec délices le contrecoup des gilétistes, et autres abrutistes, qui vont s'indigner d'avoir obtenu ce qu'ils ont réclamé avec autant de force. Comme d'habitude.
Sur le plan économique, il est ahurissant d'entendre des grands patrons défendre ouvertement le socialisme, sur BFM, radio prétendument "ultra-libérale". Le dirigeant d'une grande chaîne de distribution française y a ouvertement défendu l'interdiction des promotions "trop importantes".
Oui, oui, oui, a-t-il dit, en effet, comme on le reproche aux partisans de cette mesure, cela consiste à faire des cadeaux à Nestlé et Coca-Cola en prétendant rendre service aux pitis paysans franchouilles à trois vaches. Mais justement. Comme nous allons reconstituer nos marges grâce à cette mesure, à nous d'en profiter pour redonner du mou aux "paysans" en achetant leur camelote plus cher. A nous d'être vertueux.
A quel point ce monsieur doit-il être tenu par les parties, par la main de fer de l'Etat fort et stratège, dont il dépend pour ses implantations et je ne sais quoi d'autre, pour défendre une loi qui va aussi visiblement contre ses intérêts ?
C'est Adam Smith, je crois, qui pensait énoncer une évidence en disant que personne ne comptait sur la bienveillance du boucher pour assurer sa nourriture. Eh bien ! Les règles de l'économie ont changé. Dans l'Union soviétique française, c'est de la bienveillance de Monsieur Leclerc ou de Monsieur Carrefour que les agriculteurs vont attendre leur bien-être.
Rédigé par : Robert Marchenoir | vendredi 18 jan 2019 à 13:10
Dans vos 3 réalités : tout est dit en quelques lignes. Manquent les chiffres en Milliards d'euros ... sans doute vous ne voulez pas nous désespérer ?
A ce propos il y a 2 tares dans les comptabilités publiques :
- Ces comptabilités sont en "partie simple" : elles considèrent les encaissements et les paiements, et ne prennent ni les restes à encaisser (créances) ni les restes à payer (dettes). Ainsi les trous sont sous évalués lorsque l'État, la Sécu ralentissent les paiements avant la fin d'une année budgétaire ! Boulot essentiel du ministre du Budget en période électorale et en fin de mandat pour passer les dettes au suivant !
- Les comptabilités ne sont PAS ANALYTIQUES ( par usage, action, destination ). Elles sont GENERALES ( par nature : achat de matières, achat de services, rémunérations etc ). On connaît la masse des salaires, de l'électricité, etc. consommés par l'Éducation nationale mais pas les coûts et recettes par types d'enseignements, niveaux, etc. Idem pour l'immigration, pour l'armée, etc. C'est le cadre général.
Bien malin qui y trouverait le coût de tel service, de telle action, pourtant nécessaire pour apprécier programmes et responsabilités.
L'agglomération des 3 blocs de comptabilités : État, Régions, Sécu, ajoutera évidemment à la difficulté de compréhension comme vous l'écrivez et ... dissoudra encore plus les responsabilités.
N B : à côté de cette organisation du 19 ème siècle - malgré ce que permettent les logiciels comptables - le peuple américain ( encore eux ) peut lire sur internet les budgets de tous les "programmes" sous forme ANALYTIQUE. Intéressant pour voter puisqu'ils savent "où passe le pognon".
Rédigé par : Dominique | vendredi 18 jan 2019 à 18:54