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Sur le site, d'ordinaire sérieux et digne de confiance du quotidien L'Opinion étaient en ligne le 23 janvier, sous la signature de Jade Gradin de l'Eprevier, trois articles en défense des statistiques officielles. Le premier texte[1] s'interroge, le second accuse[2]. Vous avez dit : populiste ? l'étiquette, aujourd'hui infamante, est donc collée. Impossible de s'en défaire. Mieux vaut, par conséquent s'en moquer. Enfin, une troisième charge nous atteint ce 24 janvier en plein cœur : critiquer l'Insee "ne fait pas avancer le Schmilblick.[3]"
Tout d'abord on peut sourire. Le titre du journal semble renvoie à l'Opinion publique – avec un grand O. Mais, grosso modo tout l'argumentaire tend à critiquer la distance entre le ressenti des populations, mal informées, et la mesure supposée exacte de ce qu'on appelle pouvoir d'achat, étalonné par l'Insee.
Les Français se méfieraient plus volontiers, apprenons-nous, des statistiques officielles, dont ils se détournent à 60 %, que des chiffres fournis par l'Insee qu'ils ne semblent prêts à remettre en cause qu'à 50 %. La différence ne semble pas considérable. Mais elle donne, à l'auteur des articles, l'occasion de montrer sa science qui s'oppose à l'ignorance du public et de son opinion, – avec un petit o. Car, nous précise-t-elle doctement, il s'agit des mêmes chiffrages puisque l'institut des statistiques et études économiques détient une sorte de monopole des chiffres officiels, lié à l'idéologie régnante de son époque de naissance, celle de ce qu'on appelle pompeusement les Trente glorieuses
Il est en effet rétorqué aux benêts, aux ignorants et autres complotistes que ce sont les mêmes chiffres…
L'auteur nous révèle la clef de sa riche documentation : un livre sur "l'Indice des prix à la consommation" publié dans l'excellente maison de la Découverte. Ah certes ce label continue, sous un autre nom, l'œuvre créée en 1959 par François Maspero et dont le nom semble aujourd’hui oublié. Fils d’un célèbre orientaliste, le fondateur connut une certaine célébrité en son temps comme un des meilleurs soutiens du gauchisme germanopratin des années 1960, membre éphémère du parti communiste, puis trotskiste, etc[4]. Son œuvre a ainsi continué. La collaboratrice de L'Opinion ne se préoccupe pas de chercher plus loin, par exemple dans les travaux sur le Pouvoir d'Achat[5] de Philippe Herlin, dont le livre a été publié, banalement, par les Éditions Eyrolles, connues dans des domaines vulgaires, statistiques ou techniques.
Dans la foulée des considérations des trois articles, mélangeant à peu près toutes les questions, le véritable sujet porte sur la mesure de l'évolution du pouvoir d'achat et par conséquent de l'érosion de la monnaie.
Dans une précédente chronique nous évoquions la distorsion relative, sur une période de 20 ans, du prix du pain, des journaux, du SMIC et de quelques autres composantes représentatives de cette évaluation.
Pour faire court, rappelons que la question essentielle dans la composition des indices de prix correspond à la pondération des dépenses contraintes, et non de la présence, ou de l'absence, du prix administré du tabac.
L’exemple typique se situe donc dans l’appréciation de ce qu’on appelle le coût de la vie. Dans tout ménage moyen français d'aujourd'hui, Mme Grandin de l'Eprevier pourrait s'en rendre compte par elle-même, le poids du logement représente plus de 30 % du budget familial. Or, l'Insee fait figurer ce poste pour une part beaucoup plus faible, en avançant des raisons dogmatiques.
Originellement, en effet, les indices publiés reflétaient le panier d'une ménagère supposée représentative de la classe ouvrière, en région parisienne, logée en HLM, fumant des gauloises bleues, votant pour le parti communiste etc. Il s'agissait de dialoguer métaphoriquement avec la CGT, laquelle publia quelque temps son propre indice. Les classes moyennes ne l'intéressaient pas. Cela correspondait à une vision de l'économie qui se résume dans la fameuse équation de production de Cobb-Douglas, qu'on apprenait bien sagement dans ma jeunesse, et dans laquelle en dehors du facteur travail et du facteur capital existait une petite dimension appelée significativement facteur résiduel[6].
Le monde a évolué, pas la statistique officielle. Son institution monopoliste se trompe ici de façon manifeste, mais elle théorise son erreur. Et comme le montant effectif des loyers, sous toutes les formes du marché immobilier, connaît une hausse considérable, qui paupérise les classes moyennes, cette obstination, à elle seule, condamne l’institution et relativise le reste des informations qu’elle diffuse et que l’on ne peut prendre au sérieux qu’à titre indicatif.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. article "L’Insee, nouvelle cible du populisme"
[2] cf. article "Comment s’explique la défiance envers la statistique ?"
[3] cf. article "Clash Que choisir-Insee sur le pouvoir d’achat: les cinq critiques qui ne font pas avancer le Schmilblick."
[4] Son éloge a été publié par Le Monde au moment de sa disparition cf. article "L'éditeur François Maspero est mort"
[5] Philippe Herlin "Pouvoir d'achat le grand mensonge"
[6] Quand on se préoccupait de mesurer ce facteur on évaluait, au départ, son poids relatif aux alentours de 35 %, ou 40 %. Pratiquement plus que la quantité de travail. Pas tellement résiduel…
Cet insensé INSEE ne sait rien. Archaïsme, pensée magique, aruspices, oracles, appelez cela comme vous voudrez. Selon le même INSEE, 75% des sondages seraient faux...
Rédigé par : minvielle | samedi 26 jan 2019 à 22:25
Bien que scientifique, je dois dire que je n’ai jamais aimé les statistiques, j’ai toujours trouvé ça barbant (pour ne pas employer un autre terme) à pratiquer lorsque par la force des choses j’ai dû m’y adonner au cours de mes études.
Je préfère me replonger dans un bon Maspero, en l’occurrence le Lissagaray sur la Commune plutôt que dans mes manuels de stats !
Rédigé par : RR | samedi 26 jan 2019 à 22:55
En sens inverse, beaucoup de services importants sont fournis à bas prix (téléphone portable par exemple), ce qui sous-estime le niveau de vie concret : « Je n’ai plus d’argent à la fin du mois, mais m après avoir bénéficié de services que mes parents n’avaient pas ».
Rédigé par : Montenay | dimanche 27 jan 2019 à 20:48
@ Montenay
C’est dû au fait de l’avancée considérable de la science (technologie numérique notamment) et que le matériel est de plus en plus fabriqué dans des pays où la main d’œuvre est corvéable à merci (au détriment bien souvent de la qualité et de la sécurité – attention pour les jouets notamment destinés aux tout petits !).
De fait, posséder un téléphone portable n’est nullement symbole de richesse (sauf évidemment si c’est un modèle ultrasophistiqué, encore que même dans ce cas certains adeptes pour satisfaire leur envie sont capables de se priver de besoins nettement plus élémentaires, attitude qui contredit la pyramide de Maslow).
Rédigé par : RR | lundi 28 jan 2019 à 19:35
La plupart des français, indépendamment de leur ressources, ont une télévision, un téléphone portable, un ordinateur qui sont tous fabriqués en Chine ou en Corée... S'ils devaient être fabriqués en France presque plus personne ne pourrait se les payer. A quand les automobiles, les avions ...?
Rédigé par : Saint Surge | mardi 29 jan 2019 à 16:47
@ Saint Surge | mardi 29 jan 2019 à 16:47
Une récente étude a révélé les effets nocifs des mesures protectionnistes mises en place par Trump : les droits de douane sur les machines à laver, par exemple, ont conduit à une hausse massive des prix pour les consommateurs.
Mieux : le prix des sèche-linge (non frappés de droits de douane) a augmenté aussi, puisqu'ils sont vendus en même temps, et par les mêmes fabricants.
Quant aux rares fabricants de machines à laver présents sur le sol américain, ils en ont profité pour aligner leurs prix... à la hausse.
Il y a bien eu quelques milliers d'emplois créés en contepartie, mais leur coût est hallucinant.
Tandis que la perte de pouvoir d'achat pour les consommateurs se chiffre en milliards.
On a constaté un phénomène similaire sur le marché de l'acier.
@ RR | lundi 28 jan 2019 à 19:35
"Le matériel est de plus en plus fabriqué dans des pays où la main d’œuvre est corvéable à merci (au détriment bien souvent de la qualité et de la sécurité – attention pour les jouets notamment destinés aux tout petits !)"
C'est une excellente chose que la main d'oeuvre soit corvéable à merci. Seuls les communistes français sentant des pieds, qui se mettent en grève pour un oui ou pour un nom, peuvent s'opposer à cela.
Enfin, c'est sûrement pour que la qualité des iPhone soit déplorable qu'Apple les fait fabriquer en Chine.
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 27 avr 2019 à 20:25