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À certains égards, notamment du fait de son mythe du modèle social présenté pour inaltérable, la république jacobine et laïciste de Paris peut être légitimement considérée comme le dernier des pays de l'Est. Un reliquat tardif du XXe siècle. Mais la survivance de cette vieillerie idéologique en fait aussi l'avant-garde d'un passage de relais, et la tête de pont sur notre continent, de ce qu'on appelle en Amérique latine ou en Afrique australe socialisme du XXIe siècle. La véritable référence ne doit plus être recherchée dans la passé du programme du CNR ou des nationalisations de 1981 sous Mitterrand : c'est plutôt, qu'on le veuille ou pas, qu'ils l'avouent ou non, le régime du Venezuela.
Face à la catastrophe que subit actuellement ce pays, autrefois très riche, d'Amérique du Sud, la diversité des analyses, des attitudes, des commentaires, des prises de position, ne manque pas de nous révéler les failles de l'idéologie dominante en France. Les moyens de désinformations comme les structures diplomatiques rivalisent à cet égard de bêtise et d’ignorance.
Écartons d'emblée deux types de regards sinon de comportements : d'abord, malgré la forte tentation d'y recourir, celui des laudateurs explicites, amis ou admirateurs de Chavez, tel Mélenchon. Chez ces gens, le mauvais goût le dispute au ridicule sinon à l'odieux. Nier les souffrances imposées au peuple vénézuélien ne relève pas, hélas, de l'inédit. Les expériences totalitaires atroces du XXe siècle n'ont hélas pas servi de leçon.
Une deuxième forme de négationnisme, plus subtile, consiste à minimiser l'importance du problème. Que Caracas ait contribué à fonder en 1960, aux côtés de l'Iran et de l'Arabie saoudite, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole devrait pourtant rappeler quelque chose : il ne s'agit pas d'un pays anodin ou anecdotique, mais d'un acteur important de la scène mondiale.
La question se pose donc de la manière suivante : comment un pays qui dispose des plus importantes réserves d'hydrocarbures de la planète, et qui comptait autrefois de nombreuses personnalités remarquables, a pu en arriver à ce degré de déréliction. Rappelons en effet que la pénurie qui frappe le peuple du Venezuela touche aux besoins les plus élémentaires : pénurie d'aliments, de médicaments, de produits de première nécessité. Rayonnages vides dans les supermarchés, insécurité généralisée, criminalité effrayante, etc. La situation intenable pousse des centaines de milliers de gens à émigrer dans les pays voisins, etc.
Une certaine explication, trop souvent entendue, s'efforce de voir la cause de cette catastrophe dans les oscillations du prix du pétrole. Il est vrai que le cours du baril a connu des variations impressionnantes au cours des dix dernières années : 29 dollars en février 2016 contre 110 dollars en septembre 2013. Mais d'une part, aucun autre exportateur n'a subi une crise aussi violente que le Venezuela. D'autre part, au cours des années les plus favorables qu'a connues ce pays, le prix du baril était encore plus bas. On ne peut pas retenir cette cause sauf à rappeler que la dépendance exceptionnelle de Caracas, où le pétrole brut représente désormais 95 % des exportations, condamne par elle-même la médiocrité de ses dirigeants.
Plus hasardeuse encore l'explication par les manœuvres hostiles de la politique nord-américaine ne se fonde sur rien. Le Département d'État a toujours écarté la tentation d'intervenir contre Chavez d'abord, puis contre son successeur Maduro. Celui-ci, formé à l'école du communisme cubain, a toujours dénoncé d'imaginaires intrigues des Yankees sans jamais rien prouver. En revanche, le financement chinois, quoique prudent, conjugué aux liens avec le régime de La Havane, montre de quelles natures se révèlent les menaces extérieures. L'influence cubaine omniprésente, jusque dans les domaines les plus inattendus, a cependant d'autant moins engendré de réaction de Washington que les États-Unis cherchaient dans les dernières années à ménager l'hypothèse d'une transition du castrisme. Quant à l'Organisation des États américaines elle se contente de mettre en garde contre la violation grossière par Maduro des procédures démocratiques.
Une fois écartées ces deux explications fausses sinon absurdes du schéma vénézuélien, reste alors, selon le principe bien connu énoncé autrefois par sir Arthur Conan Doyle[1], l'évidence : c'est bien le régime kleptocratique et criminel de Caracas lui-même qui a détruit la compagnie monopoliste pétrolière, autrefois performante, de PDVSA, poule aux œufs d’or du pays. Petróleos de Venezuela ayant été étatisée en 1976, sa gestion a été transformée en sinécure bureaucratique. Elle a ainsi été confiée aux soins des copains du parti de Chavez, le PSUV, et des incapables galonnés d'une mafia militaire où l'armée de l'air semble plus préoccupée de transporter la cocaïne produite par les pays riverains qu'à l’hypothétique défense nationale d'un territoire que personne ne menace. Les recettes des années de vaches grasses ont été dilapidées en distributions démagogiques, qu'il a fallu maintenir coûte que coûte dans les années de pénurie, etc.
Ce schéma vénézuélien d'économie accaparée ressemble hélas beaucoup, quand on y réfléchit tant soit peu, au programme qu’une certaine gauche radicale française envisage de développer pour le futur en spoliant fiscalement ceux qu'elle croit pouvoir appeler les ultra-riches dans la certitude de contribuer à construire une société d'ultra-pauvres. En cela d'ailleurs elle remet à l’ordre du jour les méfaits de l'acquisition des biens nationaux par les grands ancêtres de 1789 : bon sang ne saurait mentir.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] "Quand vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, même improbable doit être la vérité. "
Excellent article...
"La république jacobine et laïciste de Paris peut être légitimement considérée comme le dernier des pays de l'Est."
Je la note, celle-là.
Une autre analogie, après la Russie et le Venezuela, pourrait être... l'Afrique du Sud. Qui vient de décider de suivre la glorieuse voie socialiste et "anti-raciste" du Zimbabwe, laquelle l'a mené... où l'on sait.
La gouvernement de Pretoria a décidé de confisquer les terres des fermiers blancs, ce qui conduira immanquablement, comme au Zimbabwe, à la misère et à la famine. Mais l'idéologie de gauche sera sauve. Et ce sera plus que jamais la faute des Blancs.
Petite réponse
Les grands esprits se rencontrent [smile]: l'Afrique australe sera l'objet d'une prochaine chronique de votre serviteur, sur le même thème. C'est d'ailleurs le même schéma d'accaparement économique que les pétroles du Venezuela.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 21 août 2018 à 08:54
Belle synthèse de la situation au Vénézuela.
Je me demande ce que les rédacteurs de l'immonde Diplomatique en pensent ? Rire.
Mais euh… le parallèle avec la France, un peu exagéré, non ?
Et oui aussi pour l'Afrique du Sud, mais je ne crois pas que le projet de loi d'expropriation des blancs sans indemnité ait été adopté. Si ?
Rédigé par : Ronald | mardi 21 août 2018 à 19:14
Le communisme a fait depuis ses origines beaucoup 100 millions et plus de victimes et a crée misère et malheur partout où il a réussi à s'installer.Et ce Comparativement au nazisme qui a duré une vingtaine d'années mais qui a été définitivement éradiqué. Conclusion le communisme et le socialisme sont plus dangereux que le nazisme.
Rédigé par : Liberte5 | mercredi 22 août 2018 à 18:54
Sans oublier le Nicaragua et son formidable sandinisme tant soutenu ,dès ses début, par nos élites progressistes.
Rédigé par : GOURBETIAN | vendredi 24 août 2018 à 13:14