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Le vote du 5 juin, au Sénat, sur la nouvelle loi de réforme ferroviaire n'aura sans doute pas manqué son effet ambigu. Entérinant le principe du projet gouvernemental par 240 voix pour et 85 contre, la haute assemblée avait cependant amendé ce texte sur un point capital.
La concurrence sera rendue très difficile entre les opérateurs. La convention collective telle qu'elle risque d'être négociée entre les syndicats et la direction de la SNCF, s'imposant aux futurs concurrents, pourrait bien se révéler pire que le statut actuel. Et ce seul aspect a probablement enterré une fois de plus les désirs de réforme de ce qu'on persiste à traiter comme le modèle français.
Deux mots quand même sur le principe des conventions collectives. Il s'est imposé en 1936, dans un contexte qui ne se caractérisait pas seulement par la victoire du front populaire. Également montaient dans le monde occidental un planisme et un dirigisme rampants auxquels contribuaient en France divers courants. On est convenu de baptiser curieusement leurs porte paroles "non conformistes des années 1930".
Le groupe X-Crise, fondé en 1931, et son pionnier Jean Coutrot, jouèrent par exemple un rôle important dans ce processus de liquidation de l'influence du libéralisme économique. Jacques Rueff tentera de répondre à ces chantres étatistes d'une organisation se voulant rationnelle du travail. Ils avaient transformé en 1933 leur groupe d'études amical d'anciens élèves en Centre polytechnicien d'études économiques. Et ils allaient produire leurs ravages technocratiques aussi bien pendant le règne du front populaire en 1936 et 1937, que sous le gouvernement Darlan de 1941 ou dans la période de 1944-1946 où ils échappèrent à l'épuration conduite, comme on doit toujours se le rappeler par le parti communiste. Or les conventions collectives, négociées de façon souvent obscures et obliques avec les centrales syndicales, offrent un terrain privilégié à leur mainmise sur les structures économiques.
Cherchant à revisiter les bases du sujet, j’ai donc dû me procurer un nouvel exemplaire du petit Que sais-je que l'excellent Pascal Gauchon a consacré au Modèle social français[1]. Certes on ne devrait jamais prêter un livre si on souhaite le récupérer un jour. Ayant commis cette sottise plusieurs fois, celui dont je vais parler ne coûtait pas cher, et je n'en éprouve paradoxalement aucun regret. En effet son 5e tirage remonte à juin 2017. Cette date correspond à l'arrivée à l'Élysée d'un certain Macron. Or, le nouveau président, à la fois, semble souhaiter le redressement économique du pays, et il déclare celui-ci irréformable.
Nous nous trouvons donc en plein dans l'une des significations du mot modèle : il ne s'agit pas nécessairement d'un [bon] exemple, mais une sorte de mécanique nous ramenant inexorablement au point de départ. Un supplice chinois. Nietzsche disait ainsi de l'Éternel retour qu'il pouvait représenter aussi bien la plus belle que la plus désespérante des perspectives.
En découvrant mon petit volume tout neuf, j’ai pu de la sorte apprécier que la bonne vieille collection créée en 1941 par Paul Angoulvent (1899-1976) a changé l’austère présentation de sa première page en y ajoutant une illustration. Et pour orner la visite guidée de notre modèle social, les Presses universitaires de France ont choisi une photographie du TGV.
Une bonne image parle souvent plus qu'un long discours. Jusqu'ici, on croyait savoir que nos chemins de fer et l'industrie qui les alimente devait tout aux polytechniciens. Ils se sont emparés de la SNCF dès sa création en 1937. M. Pépy n’est aujourd’hui qu’un communicant, ancien élève de l'ENA. Mais, même moribond, ils dirigent encore Alstom fabriquant des locomotives dudit TGV. On doit comprendre que cet attelage n'est là que pour afficher des prouesses techniques, inutiles. À quoi sert de pouvoir atteindre 574 km/heures si le train est en grève ? La dimension sociale du modèle demeure donc l’ingrédient fondamental. Et son gardien du temple s'appelle toujours la CGT.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] "Le Modèle social français depuis 1945" par Pascal Gauchon, n° 3649, Puf, 128 pages. J'avoue ici que la lecture de la première édition, imprimée en 2002, et l'entretien avec l'auteur m'avaient laissé l'impression d'être légèrement plus favorable que celle de 2017. Mais je n'ai pas pris le temps de comparer les deux textes et je peux me tromper.
"À quoi sert de pouvoir atteindre 574 km/heure si le train est en grève ?"
Quel mauvais esprit !
On pourrait ajouter : à quoi sert d'avoir des polytechniciens à la tête de la SNCF, si les trains à grande vitesse déraillent pendant les tests, uniquement parce que les cheminots n'ont pas respecté leurs propres règles professionnelles ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | lundi 11 juin 2018 à 11:35
La Sncf a communiqué avoir vendu (80 pour cent de) 4.000 logements estimés à 1,3 milliard.
Sachant que son parc est de 100.000 logements, soit 25 fois plus que la part vendue, qu'elle somme pourrait retirer la Sncf en vendant tout ce "parc" non roulant ?
De tête cela donne 32 milliards et 500 millions. Soit grosso modo le "déficit".
Moralité : soit les X de la Sncf ne savent plus compter soit on se fiche de nous !
Rédigé par : Dominique | lundi 11 juin 2018 à 18:53
Petit complément d'information lu dans la presse via internet : la "filiale" de la Sncf qui "gère le parc immobilier" annonce que le fruit de la vente des 4.000 logements financera partiellement l'acquisition de 19.000 logements supplémentaires !
19 000 - 4000 = 15.000. Il s'en suivra une croissance de 15 pour cent des logements de la Sncf. Ouf ... j'ai craint un instant que la Sncf allait se recentrer sur son cœur de métier, et combler son déficit !
Rédigé par : Dominique | lundi 11 juin 2018 à 19:53
"Le fruit de la vente des 4.000 logements financera partiellement l'acquisition de 19.000 logements supplémentaires."
Excellent...
On remarque une fois de plus qu'il y a deux mondes en France : celui des fonctionnaires, et celui des gens normaux.
Les fonctionnaires ont non seulement leur place poupougnée à vie dans leur, euh... "entreprise", mais en plus ils ont leurs banques, leurs mutuelles, leurs tribunaux et jusqu'à leurs maisons, fournies gracieusement par l'Etat.
Et après, ils s'étonnent que "les gens n'aiment pas les fonctionnaires"...
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 12 juin 2018 à 20:06