En ce 8 mai, anniversaire tant soit peu factice d'une victoire à laquelle les armées de la France n'avaient guère participé, (1)⇓ chaque citoyen conscient devait et pouvait s'interroger.
Doit-on considérer que le nouveau président bénéficie d'un soutien populaire massif de 66 % des Français ou, au contraire, qu'il fait figure de dirigeant le plus mal élu de l'Histoire de la cinquième république ?
Ceux qui ne s'en seraient pas rendu compte à l'avance doivent, certes, savoir que l'on est entré dans une nouvelle époque et que celle-ci semble caractérisée par la post-vérité, autant dire par le mensonge. Y voir seulement le produit d'un sordide complot relève de la dérision et du fantasme.
Nous nous trouvons en présence de la victoire d'un candidat résiduel. Nous avons aussi assisté à la défaite, indiscutable, de celle dont on annonçait la présence au second tour comme inéluctable, l'ascension comme irrésistible, la popularité comme invincible. Quand on donne le résultat en pourcentages, 66 % contre 34 % cela ne se discute même plus, 32 points de différence cela peut sembler définitif. Sans appel.
De nombreux superlatifs s'imposent en effet au lendemain de ce second tour du scrutin présidentiel : à 39 ans on le désigne comme le plus jeune dirigeant d'une démocratie. Cela revient un peu partout. À son âge, il est vrai, Bonaparte ne porta jamais, en son 35e printemps que le modeste titre d'empereur, après avoir été institué premier consul à 30 ans. Et l'horrible Kim Jong-un à la tête de la Corée du Nord, fêtant son 34e anniversaire est trop rarement loué pour sa précocité.
Mais au bout du compte, l'avènement du successeur et continuateur de François Hollande pourrait être observé de divers autres points de vue, moins transitoires et anecdotiques que l'âge du capitaine.
Mettons dès lors les pieds dans le plat.
Sans chercher à accabler les perdants de ce second tour, soulignons qu'ils n'ont pas démérité la sanction du suffrage universel.
Les Gaulois disaient et pensaient : Malheur aux vaincus. Injuste et cruel direz-vous ?
On observera quand même la persistance stratégique desdits vaincus dans une erreur remontant au moins à 2002, tout sauf innocente. Perseverare diabolicum.
Sans doute s'agissait-il, à l'époque, de répondre du tac au tac, à la stratégie suicidaire imposée à droite par les chiraquiens à partir de 1998, refusant toute alliance, en toutes circonstances, avec les élus du front.(2)⇓
Mais, depuis, l'absurdité symétrique, exactement aussi sectaire, a pris corps et il suffit d'écouter 10 minutes, car au-delà c'est trop, le discours autosatisfait d'un Philippot pour le comprendre.
Acharnés à détruire la droite classique, dans l'espoir, sans doute un peu vain, de la supplanter, les dirigeants, les inspirateurs, les manipulateurs et les conseilleurs de ces campagnes ont constamment cherché à récupérer pour eux-mêmes les électorats supposés "chevénementistes", "souverainistes", et pourquoi pas "gaullistes"(3)⇓, qualifiés pour la circonstance de "patriotes". Un concept trop connu : dans le passé il a désigné, sous la Terreur jacobine, entre 1792 et 1795, les braves gens qui noyaient les Nantais dans la Loire et s'employaient à exterminer les Vendéens. En 1944-1945 il a servi à exalter les hommes de main du parti communiste.
Le référendum de 2005 les aura induits dans cette impasse, alors qu'ils y servirent surtout à une campagne de gauche : les "non" de 2005 venaient aux 2/3 de la tendance du parti socialiste qui misait sur la défaite des chiraquiens. Seulement le 1/3 restant venait de la droite. Croyant dès lors, proclamant même avec jubilation, à partir de cette date que "l'Europe de Jean Monnet est morte" tout ceci pour le plus grand profit de la gauche, ils ont continué tels des zombies leur marche vers l'abîme.
L'outrecuidance, l'incompétence évidente, et par-dessus tout l'ignorance, de la prestation imposée aux spectateurs du débat télévisuel ont achevé d'enfoncer, 12 ans plus tard, le camp qui avait adopté cette grille d'analyse et la stratégie de communication correspondante.
On peut expliquer cela par un affreux complot. On peut aussi y voir l'effet victorieux du coefficient C, auquel les historiens ne pensent jamais assez. C comme bêtise.
JG Malliarakis
Apostilles
- Hormis, bien sûr, la Première armée française et la division Leclerc. Mais, infestée de Français d'Algérie, la Première armée ne témoignait-elle pas, à en croire le nouveau p. d la r., du "crime contre l'Humanité" ? ⇑
- Stratégie que je dénonçai dans mon petit livre "La Droite la plus suicidaire du monde" ⇑
- Rappelons qu'en septembre 1971 la déclaration fondatrice du front national considérait que "le gaullisme a vendu la France en viager au parti communiste". ⇑
Vous faites bien de mettre le doigt sur les ambiguïtés de la revendication patriote. Le patriotisme déclaré du Front national rappelle beaucoup celui, frelaté, du Parti communiste. Faut-il souligner l'avilissante soumission du Front national aux intérêts de la Russie, elle aussi dans la droite ligne de son douteux ancêtre ?
Quant à la Révolution française, la "vraie droite" rappelle, à juste titre, à quel point elle fut un épisode de tyrannie et de massacres. Le réactionnaire est d'autant plus républicano-méfiant que les prétendues "valeurs républicaines" servent de justification à tout et n'importe quoi.
Cependant, les "souverainistes" prétendent, simultanément, défendre le petit peuple. Petit peuple qui ne fut pas pour rien dans les horreurs de la Révolution française... A voir l'explosion de haine et de bassesse qui a accompagné l'intoxication des "comptes de Macron aux îles Caïmans" et des "Macron Leaks", on se dit, finalement, que ceux qui déversaient ainsi des tombereaux d'ordure sur Macron, dans les dernières heures de la campagne, n'étaient pas si différents du "petit peuple" de 1793, qui réclamait si fort son lot de têtes coupées.
Rédigé par : Robert Marchenoir | mardi 09 mai 2017 à 21:54