Depuis la défaite de Giscard d'Estaing (1)⇓ en 1981, deux partis avaient pratiquement monopolisé la représentation nationale : le parti [néo] socialiste et le parti [néo] gaulliste.
Moribonde à la fin des années 1960, la vieille SFIO était réapparue en force, refondée en un nouveau PS au congrès d'Épinay de 1971. Cette formation, alors nouvelle, s'était construite sur la base d'une alliance avec les communistes. On doit rappeler qu'à cette époque, Chevénement, à la demande de Mitterrand, avait soigneusement démarqué le programme, sinon l'allégeance soviétique explicite, du parti de Georges Marchais.
En face, sur la base du discours d'Égletons de 1977 et de l'appel de Cochin de 1978, les chiraquiens avaient eux-mêmes reconstitué le parti gaulliste.
Cette nouvelle force allait désormais s'attacher à la liquidation des forces droitières, conservatrices, modérées, centristes et européennes, alliées auxquelles, De Gaulle lui-même et, après lui, Georges Pompidou, avaient en leur temps gouverné le pays, se réservant avant tout le domaine de la politique étrangère et de la construction européenne.
Car, se voulant sans doute plus gaulliste que De Gaulle, le RPR chiraquien allait forger le mythe d'un prétendu gaullisme social et d'un prétendu modèle français, attaché à une sécurité sociale monopoliste, dont Dieu et le mythique programme du CNR, auraient transmis la formule inviolable à Moïse sur le mont Sinaï.
Ainsi, le règne de ces deux partis aura duré plus de 30 ans.
Or, le résultat le plus éclatant du 1er tour du scrutin présidentiel de ce 23 avril aura été l'échec des deux appareils. Ils avaient, l'un comme l'autre, choisi une procédure nouvelle, qui les a profondément divisés, celle des primaires à l'américaine, ouvertes à tous les électeurs.
Ces procédures ne sauraient, bien entendu, être considérées comme cause unique de leur déroute. En particulier les divisions idéologiques et les rivalités de personnes existaient de longue date. Elles n'ont fait que s'aggraver et se camoufler derrière l'enfumage des pseudo-soutiens et des faux ralliements, réduits parfois à un simple message de 140 signes sur un compte Twitter.
Toute la presse, tous les commentateurs agréés, semblent désormais considérer que les deux candidats résiduels, effectivement extérieurs aux deux vieux partis, marquent la fin de l'équilibre constitutionnel de 1958 consolidé en 1962 par l'élection du chef de l'État au suffrage universel direct.
Il semble assez clair en effet que si les élections législatives ne permettent pas l'existence d'une majorité nette, qui sera dite présidentielle, on ne se trouvera pas dans la situation d'une cohabitation, comme en 1986 et en 1997, situation d'ailleurs peu conforme à l'esprit de la constitution. Et on retrouvera les instabilités de la Troisième comme de la Quatrième république. Rappelons que cette dernière n'est pas seulement morte de la crise algérienne : elle a fondamentalement payé le prix de l'élection bancale de René Coty devenu président en décembre 1953, après 13 (treize) tours de scrutin.
La désignation de ce sénateur conservateur digne et courtois avait essentiellement à ce que son opération de la prostate deux ans plus tôt l'avait dispensé de voter la loi Barangé de 1951 qui, instituant dans la pratique la liberté scolaire des familles, créait une division irréconciliable entre partisans et adversaires de l'école libre. Un schisme franco-français comparable à celui de la Loi Taubira de 2013.
Parler d'une fin ou d'une refondation de la cinquième république relève peut-être de la grandiloquence ou de l'excès de langage.
La recomposition de la vie politique s'imposera cependant sans doute.
Reste qu'à lire froidement les programmes des deux candidats résiduels, programmes absurdes, irréfléchis et destructeurs, et par là même antinationaux, on demeure très loin du compte.
Ni l'un ni l'autre ne peuvent recueillir un ralliement, sous prétexte du danger que l'un comme l'autre fait effectivement courir au pays.
On ne fera donc pas l'économie d'une réflexion des citoyens, loin des tribunes de la démagogie.
JG Malliarakis
Apostilles
- Ce 26 avril sur le site Contrepoints est apparue l'affirmation dont se contente la presse étrangère faisant de Macron un centriste [ce qui est faux] comparable à Valéry Giscard d'Estaing [ce qui est également faux]. On démontrera dans une prochaine chronique la fonction de cette double erreur. ⇑
De toute façon la France n'est pas républicaine et la République ne lui convient pas. C'est bien évident. La République n'est même pas légitime en France. Je veux dire par là que légitime signifie incontesté. Si les sempiternelles "valeurs républicaines" étaient incontestées en France ça se saurait, et alors tous les politiciens, les journalistes régimistes, les francs-maçons, tous ces gens n'auraient pas besoin de les invoquer sans cesse sur le mode incantatoire comme ils le font en se rendant ridicules. On dirait qu'ils essaient de se convaincre eux-mêmes, comme un transexuel opéré qui ne cesse de se dire à lui-même qu'il est une femme parce qu'il sait bien que ce n'est pas vrai.
Dans mon pays, la Suisse, personne ne nous parle de république ni de démocratie. Cela va de soi. Depuis que les Zähringen, les Habsbourgs et la maison de Savoie ne jouent plus de rôle sur notre territoire, c'est à dire depuis environ le début du XVIe siècle, nous sommes en république sur tous les points du territoire. La république et la démocratie sont donc légitimes chez nous à la différence de la France et la démocratie libérale de 1848 n'a eu qu'à se fondre dans un cadre républicain préexistant.
Ceci étant dit et malgré tous les aspects "absurdes, irréfléchis et destructeurs" dans son programme, il n'en reste pas moins que faute de famille royale, le clan paysan breton Le Pen porte en lui une certaine verve, une pétulance, quelque chose de l'instinct national français, territorial, patriote, populaire, soldatesque et des réflexes permettant d'espérer qu'avec ces gens là, la France que nous aimons ne mourra pas. Avec Macron, c'est la mort de la France.
Je ne voudrais pas du tout idéaliser les Le Pen et le Lepénisme. Mais tout de même, depuis que ces gens sont apparus dans le paysage ils ont su incarner, malgré des excès (surtout des excès de diabolisation qui les ont rendus sympatiques), une certaine idée de la France que nous aimons.
Je dis cela comme étranger ayant la tripe de droite et cocardière. La France des Le Pen, comparée à celle des autres politiciens est celle qui ressemble le plus à la France que nous aimons, même à l'étranger.
Je voterais avec mes tripes pour la chauvine populiste Marine Le Pen, pour que la France reste gauloise, avec des tripe légitimistes et bonapartistes, une grande gueule et qu'elle envoie se faire foutre l'immigration, le parti de l'étranger, l'Union Européenne, etc.
Si cela doit passer par un peu de démagogie contre l'orthodoxie économique des libéraux, tant pis. Je suis preneur quand-même.
Rédigé par : Zwingli | jeudi 27 avr 2017 à 15:53