Une passe d'armes fort révélatrice entre le député des Yvelines Jacques Myard et le premier ministre Manuel Valls s'est déroulée à l'Assemblée nationale ce 8 novembre lors de la séance des questions au gouvernement.
L'interpellation et le débat ont porté sur l'ISF, cette taxation démagogique qui se veut Impôt de solidarité sur la fortune.
Il n'est sans doute pas indifférent de constater la personnalité atypique de l'intervenant. Très proche d'une sensibilité que les bien-pensants stigmatisent sous l'étiquette supposée éliminatoire de populiste, Myard ne saurait passer en effet pour un défenseur de la haute finance apatride et on l'imagine mal confiant la gestion de son épargne personnelle à Goldman Sachs.
Il s'exprimait au titre de son appartenance au groupe Les Républicains.
Cela s'est produit au moment où se confirme le programme commun des droites. Tous les candidats aux primaires, avec des nuances liées aux cultures économiques respectives prévoient, à l’heure où ces lignes sont écrites, en ce 17 novembre au matin où ils vont confronter ce soir leurs idées pour une dernière fois devant les téléspectateurs, des baisses de dépenses publiques et une décrue fiscale. Aucun n'ose d'ailleurs envisager vraiment et clairement la diminution du périmètre de l'intervention étatique. Et l'ensemble annonce la suppression de l'ISF.
Or, la gauche considère tactiquement que cette dernière question comme relevant de sa survie en tant que force politique éligible. Toujours prisonnière du gouvernement des sondages elle considère que l'ISF est populaire. Elle croit pourvoir le mesurer en particulier chez ceux qui ne supportent pas cet impôt, lequel s'ajoute aux taxes foncières, aux diverses fiscalités boursières, à une CSG devenue très lourde et différenciée, sans parler des droits de succession etc.
Le 23 juin le fort nuisible hollandiste Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, a sonné sur sa chronique d'élu de la Meurthe-et-Moselle (1)⇓ le rappel des troupes fiscalistes en apostrophant Emmanuel Macron. Celui-ci allait encore faire attendre jusqu'au 16 novembre pour annoncer sa candidature.
Mais le futur candidat s'était déjà prononcé clairement pour la suppression de l'ISF. Pour les gens comme Eckert en effet cette taxation rustique du capital rapporte, c'est l'expression consacrée, rapporte donc au budget de l'État ce qu'elle prend dans la poche des contribuables, c'est à dire en fait ce qu'elle coûte, évalué par la loi de finances pour 2017 à hauteur de 5,4 milliards.
Et avec ces 5,4 milliards c'est fou ce que l'État stratège va pouvoir distribuer, directement ou indirectement, à AREVA revendu aux Chinois pour éponger les pertes de la gestion de la si brillante Anne Lauvergeon, à SANOFI pour indemniser les victimes de la dépakine, aux constructeurs de locomotives à grande vitesse pour faire rouler sur des rails mal entretenus des tortillards subventionnés, à EDF pour maintenir les avantages sociaux institués en 1946 au bénéfice des cégétistes, aux politiciens locaux pour jouer les généreux, etc.
Pas sûr d'ailleurs que cette liste hélas non exhaustive puisse être couverte par l'impôt des méchants riches, nom véritable de ces prélèvements. Mais le principe, purement théorique, de l'universalité budgétaire empêche qu'on en discute.
Les arguments développés par Jacques Myard consistaient à rappeler tout simplement ce que l'impôt des méchants riches coûte en fait aux gentils pauvres. "Cet impôt, a-t-il justement rappelé, est véritablement destructeur du tissu économique de la France."
Mais Manuel Valls est venu rappeler qu'il s'agit d'un principe égalitaire qui, comme la guillotine, est supposé mensongèrement égaliser les patrimoines. Car "il y a une deuxième passion française, qui est celle de l’égalité".
Rappelons à ce personnage le fort message que nous adressait un Alexandre Soljenitsyne : "La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre ! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre." (2)⇓
Soyons logiques : ce qui détruit la France ce n'est pas seulement tel type d'impôt, tel prétendu modèle social, c'est la passion d'un égalitarisme frelaté hérité de la Révolution. (3)⇓
JG Malliarakis
Apostilles
- cf "L'ISF pour les nuls (et pour d'autres) !" ⇑
- cf. Son discours d'inauguration du Mémorial de Vendée aux Lucs-sur-Boulogne le 25 septembre 1993. ⇑
Charles Freppel se révéla homme d'initiatives et de réalisations, évêque d'Angers, député de Brest, fondateur des universités catholiques, actif sur tous les fronts. Il peint dans ce livre, au moment du Centenaire un tableau particulièrement pertinent. Cette remarquable et sobre critique demeure à certains égards inégalée, s'agissant de l'héritage du jacobinisme dans lequel il dénonce l'origine du déclassement de la France.
À lire cet agréable ouvrage, court et complet, on mesure à quel point tout cela demeure hélas actuel, très actuel. De tous les points de vue, la France souffre de persister dans son erreur. Freppel les classe en dix chapitres : la Révolution face à ses propres principes, qu'elle bafoue, la Liberté, l'Égalité, la Fraternité, la Révolution face à l'Europe chrétienne, etc.
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pas de franco-centrisme non plus svp: la passion de l'égalité existe depuis longtemps et un peu partout
ainsi lors des guerres entre Hutus et Tutsis, avant que les Blancs n'exploitent scandaleusement les colonisés, d'après témoignages au moment où les Allemands se sont amenés dans les futurs Rwanda et Burundi:
après une de ces séculaires guerres tribales qui cette fois-là fut gagnée par les Hutus, génétiquement plus petits que les Tutsis, les vainqueurs ont coupé les pieds de leurs prisonniers au nom de l'égalité des tailles !
Projetez mutatis mutandis !
Rédigé par : Ronald | jeudi 17 nov 2016 à 09:10
ou plutôt au nom de l'égalité des races !
Rédigé par : Ronald | jeudi 17 nov 2016 à 09:12
Je l'avoue il m'arrive d'être franco-centriste, un peu moins que les médias parisiens quand même, et surtout euro-centriste. Mais, justement, je n'ai pas envie de m'aligner sur les Hutus.
Rédigé par : JG Malliarakis | jeudi 17 nov 2016 à 09:14
Ah ! le syndrome du lit de Procuste !
Du nom de célèbre aubergiste de la mythologie Grecque.
Combien de fois n'ai je pas subi cette folie égalitariste ;
cet aubergiste promettait la vie sauve à ses clients à condition qu'ils s'allongent sur le fameux lit.
Si les pieds ou la tête dépassait , il les coupaient pour épouser la taille du lit; s'ils ne remplissaient pas le lit ils les étiraient comme au moyen age lors des supplices d'écartellement .
En 2016 rien de nouveau sous le soleil de cette " douce france "
Rédigé par : jacques Le borgne | jeudi 17 nov 2016 à 10:14
J'aime bien la citation de Sojénitsyne.
Par ailleurs jamais une société juste et égalitaire ne verra le jour puisque les critères de justice et d'égalité sont ... inégaux selon les individus et évoluent aussi chez chaque individu.
et pourtant rien n'est plus courant et constant que critiquer une société parce qu'elle est inégalitaire et pas qu'en France.
Mais en ne pensant qu'aux revenus, et même en faisant l'impasse sur la motivation égoïste et matérialiste à travailler, créer et produire, l'égalité est-elle vraiement souhaitable ? la Suède années 60 y était quasi parvenue par la voie fiscale et c'était le pays occidental où le taux de suicide était le plus élevé.
Bien sûr j'ignore s'il y a une relation de cause à effet mais...
Rédigé par : Ronald | jeudi 17 nov 2016 à 11:54
Bonjour,
J'ai un problème avec votre article sur l'ISF.
En effet, mais c'est la même choses avec toutes les politiques publiques, il convient :
1) d'adapter en permanence celles-ci afin de les rendre cohérentes avec la réalité du terrain et avec le sens dans lequel notre société, s'est engagée...Celui d'un développement dit "durable" !!
2) Clarifier les termes et à commencer par nos valeurs qui ne sont pas Liberté, Egalité, Fraternité, mais "Liberté-Egalité-Fraternité" ce qui, pour un linguiste,(ce que je ne suis pas, mais j'ai appris un peu à l'école de la vie) comme pour un citoyen, (ce que j'essaye d'être), fait une vrai différence...
L'ISF pour ma part doit être maintenu, adapté certes, non par la baisse, mais par la différenciation de ces contributeurs. Je conçois toutefois, que pour certains dont le seul objectif est l'avoir, donc l'argent, le pouvoir et la consommation, ce n'est pas supportable. En cela ils sont en opposition avec nos valeurs dites Républicaines !!! Il est vrai que pour certain de ces contributeurs, l'humain, comme le citoyen est soit une variable d'ajustement, soit un produit à exploiter pour accroitre, toujours plus sa propre richesse, etc. !!!
Notre vieux système est bien mal en point et cet article ne fait que le mettre en exergue. Mais le nouveau tarde à venir, celui d'une redistribution équilibrée permettant à chacun de vivre décemment et peut-être dignement !! Vous avez mes coordonnées pour me joindre, si vous le désirez.
Cordialement
Rédigé par : SEGARD Jean Michel | vendredi 18 nov 2016 à 12:54
Vous parlez au futur alors que nous sommes dans les DECOMBRES, comme il me semble, et tant qu'il y a de la musique, des naufragés espérant que leur destin n'est pas scellé. Cela a du être terrible lorsque l'orchestre du Titanic se tut.
Seuls les bienheureux dans les chaloupes ...
L'heure n'est elle pas au Sauve qui Peut ou mieux, de S'en Remettre à Dieu ?
Rédigé par : Dominique | vendredi 18 nov 2016 à 14:02
L'égalité n'est pas une passion : c'est une mode.
La re-distribution consiste à voler l'argent de Pierre pour en donner une partie à Paul et garder le reste.
L'ISF, c'est la liberté de donner tous les ans une fraction de son patrimoine
afin d'atteindre l'égalité dans la fraternité.
C'est aussi le moyen de plumer ses ennemis de classe sous la protection de ses amis (de classe).
C'est enfin le vol légal.
Rédigé par : pierre allemand | vendredi 18 nov 2016 à 18:11
Jacques Myard n'est subversif que pour la façade. Il est subversif parce qu'il a fait le voyage de Damas comme d'autres, en leur temps, ont fait le voyage de Berlin ; et se faire le caniche de Poutine est tellement à la mode, en ce moment, qu'on ne peut guère y voir une marque de marginalité.
Mais c'est surtout un éminent représentant de l'étatisme français et de la noblesse politicienne-fonctionnariale. Il est contre l'ISF ? C'est possible. On ne peut pas défendre tous les impôts et tous les prélèvements à la fois.
Non, croyez-moi, il est très bien dans son fromage, et il le défendra en donnant des coups de latte si nécessaire.
Petite réponse
Ai-je fait l'apologie de Myard ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | vendredi 18 nov 2016 à 23:54
@ JGM
C'est ce que j'avais cru à la lecture de cette phrase : "Très proche d'une sensibilité que les bien-pensants stigmatisent sous l'étiquette supposée éliminatoire de populiste, Myard ne saurait passer en effet pour un défenseur de la haute finance apatride et on l'imagine mal confiant la gestion de son épargne personnelle à Goldman Sachs."
@Robert Marchenoir
Je voulais juste dire que "même" un Myard a compris que l'ISF est destructeur…
Rédigé par : Robert Marchenoir | dimanche 20 nov 2016 à 22:56