Il était un peu plus de minuit. La réunion du sommet de Varsovie était terminée depuis plusieurs heures. Ce 10 juillet s'annonçait déjà comme une belle journée estivale. Pourquoi ne pas écouter ce qu'on appelle "les nouvelles", celles du journal télévisé du "service public" Soir 3. Pourquoi ne pas espérer un minimum d'informations autres que celles du sport spectacle ? Pascal Verdeau, spécialiste des sujets euro-diplomatique devait évoquer brièvement les débats entre alliés.
Qu'en a-t-il retenu ? à l'entendre, un message d'apaisement car il considère, et il conclut son analyse, en disant que, sur la Crimée, dont les Européens ont condamné en 2014 la conquête militaire, suivie de l'annexion unilatérale par la "fédération" de Russie, désormais, "la page est tournée".
Page tournée ? Certainement pas. Désinformation totale.
Au contraire : les textes adoptés par l'alliance atlantique méritent d'être lus. Ils développent exactement le contraire : ils entendent tirer toutes les leçons du comportement de Poutine et de son régime. Sans doute M. Verdeau, en dépit de sa jolie diction de technocrate et de son accent de bon élève n'a-t-il pas disposé du temps de les découvrir.
La grande crainte que semblait afficher, de son côté, le presse française portait sur les retombées supposées du Brexit. Du point de vue de l'Otan, il ne s'est en fait rien passé. L'Angleterre reste, à l'évidence, un partenaire occidental majeur. Sa préférence pour "le Grand Large" ne signifie d'ailleurs pas autre chose.
L'Alliance atlantique, ce 9 juillet a diffusé, en réalité, plusieurs décisions qui feront date : sur l'Ukraine (1)⇓, sur la doctrine de protection des civils, sur la sécurité transatlantique, sur l'Afghanistan, et surtout un communiqué central en 139 points fixant une très riche doctrine stratégique pour l'avenir. Le secrétaire général de l'organisation Jens Stoltenberg a très officiellement mis en garde contre la menace moscovite. Des décisions immédiates ont été prises pour consolider la sécurité européenne à l'est, comme au sud.
Certes si on se cantonne dans l'idée fort attirante de défense européenne, à laquelle j'ai toujours été prêt à applaudir, les choses n'ont pas avancé depuis un demi-siècle, les embryons successifs ont tourné court.
Le prétendu standard européen de dépenses militaires fixé à 2 % du produit intérieur brut n'est atteint à ce jour que par 3 États-Membres de l'union européenne sur 28. Il s'agit de la France, de la Grande-Bretagne, qui aux dernières nouvelles quitte le navire, et de la Grèce que l'on ne cite que rarement en exemple.
L'UEO, cette identité européenne de défense douloureusement accouchée lors de la négociation de Maastricht en 1991, et ratifiée par le traité, a été liquidée officiellement en 2011.
La réalité demeure que la bataille concrète pour la sécurité européenne se situe, aujourd'hui, dans le cadre de l'Otan.
Le 8 juillet, au terme de la première journée de leurs travaux, les chefs d'États et de gouvernements de l'Alliance atlantique avaient déjà diffusé d'importants communiqués tendant à affirmer le rapprochement de l'Union européenne et de l'Otan.
Également les quatre pays membres de l'Alliance et de l'UE les plus proches de la Russie, soit la Pologne et les trois républiques baltes allaient recevoir une garantie au titre de l'article 5 du traité de l'Atlantique nord, etc.
Ces informations auraient pu être intériorisées par nos journalistes.
À Moscou, en tout cas, on en a pris conscience. Ainsi "Moscou demande à l’Alliance atlantique d'expliquer son renforcement "tous azimuts" lors de la réunion du Conseil Russie-Otan prévue pour le 13 juillet prochain, a indiqué la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, se référant aux documents du sommet du bloc à Varsovie." - peut-on lire sur Sputniknews.(2)⇓
Un autre aspect de la même réalité était souligné par Jean-Sylvestre Mongrenier dans un entretien publié par Libération : "On se retrouve, dit-il, bel et bien dans une forme de guerre froide".(3)⇓
Un point très important a été arrêté : si le déploiement dans les États baltes et en Pologne a vocation à impliquer la Grande Bretagne, les États-Unis et le Canada, et l'Allemagne.
Cette présence dont l’Alliance affirme qu'elle n'affectera pas les accords OTAN-Russie "n’aura pas de durée limitée. Elle durera autant que nécessaire" aux dires mêmes de Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan présentant l'accord le 8 juillet.
Rappelons aussi, par exemple, que les Lituaniens ont remis en vigueur le service militaire obligatoire en 2015 du fait des craintes résultant de la crise ukrainienne.
Certains détails parlent : est-ce par hasard si le lieu de la réunion coïncide avec celui, à l'est de la Vistule, où l'armée rouge s'est fixée en 1944, appelant la résistance polonaise à l'insurrection, et, sur ordre de Staline, laissant massacrer l'armée secrète du général Bor-Komorowski, avant de s'emparer de Varsovie en ruines. La plupart des Français l'ignorent. Les Polonais ne l'ont pas oublié.
D'autres évolutions se dessinent par ailleurs, tendant à renforcer l'Otan, ce qui est clairement dénoncé comme insupportable par l'État moscovite. L'heure reste à l'élargissement. Il a été acté le 9 juillet de l'adhésion du Monténégro en tant que 29e membre de l'alliance. On parle clairement d'un processus d'adhésion de la Géorgie, mais également à terme, de l'Ukraine. Bien plus, la Suède et la Finlande, traditionnellement neutres renonceraient à ce statut en raison des agissements russes en Baltique et de la menace sur l'île suédoise de Gotland au centre de cet espace à nouveau menacé.(4)⇓
L’attention s’est surtout portée sur la garantie de la sécurité des pays baltes, de la Pologne mais aussi sur celle des pays de la région de la mer Noire. À noter à e tire que la Bulgarie s'est prononcée par la voix de son président Rosen Plevneliev en faveur d'une présence de l'Otan en mer Noire, vite approuvée par les alliés, cependant que le premier ministre à Sofia déclare pencher pour une, "démilitarisation"(5)⇓ qui supposerait le retrait de la marine russe de Sébastopol.
Ceci semble prouver la fausseté de l'idée que l'annexion de la Crimée serait passée par profits et pertes : elle montre au contraire que se renforce dans les pays autrefois soumis au joug soviétique, un très fort sentiment d'hostilité à la menace qu'elle représente.
Face au terrorisme, la question ne peut pas être esquivée de l'équilibre entre les missions définies par l'article 5 et les missions hors de cet article. L'article 5 de défense collective définit la mission de l'Otan. La lutte contre le terrorisme pour l'Otan en découle d'autant plus que c'est bien la combinaison de deux menaces potentielles, à l'est et au sud, qui aggrave le défi à la fois stratégique, militaire et politique de l'Otan dans son ensemble.
Certes on peut trouver deux ou trois fausses notes dans cette réunion de 28 alliés. La déclaration hypocrito-ramollo de Hollande, ou la prise de position de Tsipras allant dans le même sens, ne sauraient être tenues pour "décevantes" que pour ceux qu'un Hollande ou un Tsipras peuvent encore "décevoir".
Nous ne sommes pas du nombre.
Apostilles
- "Une Ukraine indépendante, souveraine et stable, fermement attachée à la démocratie et à l'état de droit, est essentielle à la sécurité euro‑atlantique. Nous restons unis dans notre soutien à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, ainsi qu'à son droit inhérent de décider librement, sans ingérence extérieure, de son avenir et de l'orientation de sa politique étrangère, principe inscrit dans l'Acte final d’Helsinki." (in Déclaration commune dans le cadre de la commission OTAN-Ukraine au niveau des chefs d’État et de gouvernement en date du 9 juillet). ⇑
- "L'Otan se renforce tous azimuts" in Sputnik News. ⇑
- in Libé du 7 juillet, entretien réalisé par Estelle Pattée. ⇑
- cf. "Trois mots sur l’île de Gotland" chronique de Charles Hægen in L'Ami Hebdo édition du 19 juin. ⇑
- cf. le 7 juillet "Bulgaria to Call for Enhanced NATO Presence in Black Sea at Warsaw Summit". ⇑
"La Faucille et le Croissant"
– Islamisme et Bolchevisme au congrès de Bakou
présenté par Jean-Gilles Malliarakis
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Nota bene : en 45, il restait environ 3000 habitants à Varsovie.
Rédigé par : minvielle | mercredi 13 juil 2016 à 20:07
Comme l'expliquait, récemment, Wassyl Slipak, le chanteur de l'Opéra de Paris parti se joindre à la résistance ukrainienne contre l'invasion russe du Donbass, et qui vient d'être tué par un sniper, le gouvernement français est (plus ou moins) aux côtés de l'Ukraine contre la Russie, tandis que les médias français sont (en gros) aux côtés de la Russie contre l'Ukraine.
https://www.youtube.com/watch?v=ICms0fp9QFM
Il n'a pas ajouté qu'il fallait y voir la main des nombreux espions russes travaillant à Paris, mais je le fais à sa place.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160701.OBS3786/wassyl-slipak-le-baryton-qui-combattait-la-russie-sur-le-front-ukrainien.html
Rédigé par : Robert Marchenoir | mercredi 13 juil 2016 à 20:26
Article salutaire qui nous rappelle que sans l'OTAN et les USA rien n'eut été possible en Europe et que le fondement de notre sécurité en dépend toujours totalement.
Rappelons aussi que la désinformation incessante dont sont victimes les Russes leur fait croire - du moins aux 80 % les moins éclairés, que l'OTAN veut leur peau.
Les provocations ne cessent d'ailleurs de la part de sous-marins et avions russes dont les pilotes "s'amusent" à "frôler" des navires alliés, ce qui est inenvisageable sans ordre d'en haut.
Au sommet de Varsovie, Hollande a surpris tout le monde et a choqué les Baltes et les Polonais en déclarant que la Russie n'est "ni un adversaire ni une menace mais un partenaire incontournable" et que la participation de la France au déploiement de l'OTAN dans les 4 pays demandeurs n'excèdera pas 150 militaires six mois par an.
Rédigé par : Ronald | jeudi 14 juil 2016 à 13:47
"La désinformation incessante dont sont victimes les Russes leur fait croire - du moins aux 80 % les moins éclairés, que l'OTAN veut leur peau."
Ce n'est pas que de la désinformation. Les dirigeants russes en sont vraiment persuadés. C'est d'ailleurs une constante de l'histoire russe que de se considérer menacé par l'Occident, et par le monde extérieur en général. Ce n'est même pas une invention des communistes ; il en allait de même sous les tsars.
Rédigé par : Robert Marchenoir | jeudi 14 juil 2016 à 15:50
Que prévoit l'Otan face à l'invasion des non-européens ?
Cette explosion du nombre de stratèges, de géopoliticiens, etc ... est très réconfortante...
Haushofer
Rédigé par : VétéroObservateur | samedi 16 juil 2016 à 18:08
Politique intérieure je me joindrais «aveuglément» a la pensée de JGM et de ses amis de lumiere101 ou j'ai été attentif a plus d'une analyses ou débats,toujours lucides.
Sur le plan international,je diverge..mais quelle importance..je ne suis pas encore au pied du mur face a cette question «soit vous êtes avec nous,soit vous êtes contre nous».Mais on s'en rapproche pour postscriptum.
Rédigé par : UnLorrain | samedi 16 juil 2016 à 18:22
Analyse partagée à 100%. Quel journaliste a pris la peine de lire soigneusement le communiqué de 139 paragraphes ?
Le paragraphe 5 cerne la cible, le paragraphe 12 réinstalle la "guerre froide" et ses précautions spéciales.
Concernant la défense européenne, il ne fait plus mystère que ce "particularisme" s'exprimera au sein de l'OTAN et pas ailleurs, aucun pays rescapé de la sphère soviétique ne faisant confiance à la France. Aucun !
Merci encore.
Rédigé par : Catoneo | mardi 19 juil 2016 à 15:57
Monsieur Malliarakis, c'est sur le coup d'Etat fumant turc que vos lecteurs vous attendent. Une révolution islamique, le retour du califat, les Frères partout dans les administrations et les ministères, l'exode probable des laïcs convaincus, l'asservissement des tièdes ???
On n'y comprend rien, mais vous peut-être :)
Rédigé par : Catoneo | mardi 19 juil 2016 à 16:07
Notre ami Malliarakis a toujours été très atlantiste et méfiant envers la Russie. Il n'a peut-être pas complètement tort. Il y a surement quelque chose à dire sur la politique russe actuelle, malgré le fait qu'elle soit la seule à résister au marxisme culturel (un produit d'exportation US) inventé par l'école de Francfort et dont nous mourrons. On peut aussi comprendre, évidemment, les inquiétudes des pays baltes et même scandinaves.
Mais de là à endosser le bellicisme insensé de l'OTAN actuellement, et cette politique incendiaire et sans scrupules qui a consisté à, en somme, annexer l'Ukraine au camp occidental par des révolutions colorées avec le soutien de pantins comme BHL et Glücksmann junior, et de satrapes comme Saakavilli, qui après avoir mangé sa cravate a été recyclé comme fonctionnaire aux ordres d'Oncle Sam en Ukraine... Non, désolé, vraiment il est impossible de suivre la propagande yankee sur ce terrain.
Ne pensez-vous pas que ce que font Mme Nuland et tous ces gens en Ukraine est exactement équivalent à ce que représenterait, comme danger pour les Etats-Unis, une politique russe consistant à susciter une révolution orange au Mexique, ou au Canada, pour y installer des régimes violemment hostiles aux USA puis des missiles à têtes nucléaires pointés contre les grandes villes américaines. Or, c'est bien cela que fait la politique de l'OTAN actuellement, avec l'installation d'un bouclier nucléaire en Pologne, soi-disant pour se prémunir contre la menace de ... l'Iran !
Il y a un point cependant sur lequel je serais d'accord avec vous, ce serait sur la nécessité d'une défense vraiment européenne, indépendante. Mais vous voyez bien que, de cela, Washington ne veut à aucun prix.
La conséquence en est qu'aujourd'hui l'Europe n'a plus DU TOUT de soldats. Les très maigres forces françaises résiduelles sont engagées en Afrique et ailleurs (missions secrètes en Syrie pour déstabiliser "Bachar" qui n'a "pas le droit d'être sur cette terre" sic L. Fabius...) bref, pour des combats qui n'ont rien à voir et sont même directement contraires à l'intérêt national français.
Là encore on retrouve les mêmes. Le rôle criminel de BHL dans l'affaire libyenne..
L'Europe étant un vide militaire sidéral, un ventre mou, suscite une tentation normale pour une Russie qui se sent encerclée (ou plutôt EST encerclée). Cette Europe occidentale n'est donc plus défendue que par la dissuasion nucléaire US, qui, dans ces conditions, sera forcément employée un jour ou l'autre la nature ayant horreur du vide nous aurons la guerre. Autant dire que les docteurs Folamour du Pentagone veulent le conflit nucléaire en Europe et font tout pour qu'il ait lieu, avec nos peuples comme chair à... missiles.
Une défense européenne autonome nécessiterait un corps de bataille comprenant de l'infanterie, des chars, de l'aviation, une marine, des hélicoptères, et aussi bien entendu des forces nucléaires, de plusieurs millions de soldats mobilisables en trois jours. Seulement à ce prix le territoire de l'Europe occidentale serait défendu. Ce n'est pas ce que fait l'OTAN.
Avons-nous celà? Cette défense territoriale? Non! Même la Suisse qui avait des forces mobilisables de plus de 600'000 hommes à la veille de la chute du mur de Berlin, étant désormais gouvernée par des gens qui rêvent de la voir adhérer à l'OTAN sans le dire (PPP) a vu ses forces fondre jusqu'à un effectif de 100'000 et bientôt 80'000 hommes. Peut-on défendre un territoire de 40'000 km2, même montagneux, avec 80'000 hommes? La réponse est non. Mais bien sur dans la vision de ces gens il ne s'agit absolument plus de défendre des territoires, mais bien d'être une sorte de police de l'empire mondial, cet empire qui impose les droits de l'homme à la terre entière au moyen de pluies de bombes. (Yougoslavie, Kosovo, Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, etc.)
Une défense européenne militaire digne de ce nom, que j'évoquais plus haut, permettrait de tenir en respect l'ours russe. Elle permettrait même, pourquoi pas, d'établir avec la Russie une entente fondée sur le respect mutuel, dans le respect évidemment des INTERETS VITAUX de la Russie, qui méritent d'être pris en compte, ce qui implique notamment une Ukraine au pire neutre, au mieux appartenant au bloc russe.
Nous voyons bien que rien de cela n'est conforme à la volonté hégémonique yankee qui veut au contraire détruire définitivement ce qui reste d'Europe, une Europe militairement désarmée, à dessein, pour être livrée pieds et poings liés à la prédation US par le moyen de traités dégueulasses comme la TTIP, FATCA, etc., et bien sur par l'invasion migratoire, conséquence directe et voulue délibérément an tant que telle de la politique folle menée en Libye et Syrie, invasion, au surplus, activement organisée et encouragée par des milieux qui mènent une véritable guerre totale contre nos peuples et nos nations par l'arme migratoire et multiculturelle.
Non, cher Monsieur Malliarakis, avec toute l'amitié et l'estime que j'ai pour vous, je ne peux pas comprendre comment vous pouvez aller au delà de votre méfiance antirusse compréhensible, pour passer à quelque chose d'incompréhensible consistant à vous abstenir de toute critique envers une politique de l'OTAN qui représente la pire menace tant pour la paix du monde que pour la survie de notre Europe et de sa civilisation (ou de ce qu'il en reste).
En amitié.
Z.
Rédigé par : Zwingli | vendredi 19 août 2016 à 18:43
À l'intéressante et riche contribution-commentaire de Zwingli je ne souhaite répondre ici que sur un point factuel quand il écrit que j'ai "toujours été très atlantiste". La vérité est tout autre. Je souhaite la défense de l'Europe et je préférerais une armée européenne. Le projet de celle-ci ayant constamment été écarté, depuis le rejet de la CED en 1954, je ne vois pas d'autre outil que l'OTAN, organisation militaire. L'atlantisme consiste à tenir le traité de 1949 pour la loi et les prophètes et à militer pour l'américanisation du monde. Même si j'aime beaucoup mon macintosh, je ne veux chez moi ni de leurs musiques, ni de leur cuisine, ni de leur urbanisme, ni de leur scientologie, etc. Le pacte atlantique ne me convient que sur une clause, très importante il est vrai : l'article 5 (l'agression contre un membre vaut agression contre tous). Quant à dire que je me suis toujours méfié de la Russie, je dirais au contraire que pendant très longtemps, jusqu'à l'affaire géorgienne de 2008, j'ai surestimé sa capacité à sortir de l'héritage mortifère de Lénine et de Staline.
En toute amitié.
Rédigé par : JG Malliarakis | samedi 20 août 2016 à 04:21
Merci cher ami pour cette mise au point. Je me réjouis que vous ne soyez pas pour l'américanisation ; d'ailleurs je le savais bien. Cependant je pense que nous devrions garder notre esprit critique envers l'OTAN.
A mon avis il ne suffit pas de dire que "le projet de celle-ci (la défense européenne autonome) ayant constamment été écarté, depuis le rejet de la CED en 1954" nous serions contraints de nous soumettre à l'OTAN, ce carcan qui n'est rien d'autre que la continuation de l'AMGOT (Allied Military Government for Occupied Territories) c'est à dire l'organisation d'un protectorat américain en bonne et due forme. Je ne suis pas plus gaulliste que vous, mais je peux comprendre l'opposition de de Gaulle à la CED, en ce sens qu'il pensait sans doute que la CED elle aussi serait purement et simplement aux ordres des Américains, et comme il n'en voulait pas il a pensé que la France devait garder son indépendance militaire et que la défense de l'Europe occidentale devrait être assurée par des alliances entre états européens souverains. Son opposition à la CED était en somme de même nature que son opposition à l'intégration européenne supranationale.
En dernière analyse il me semble que ce débat est vain. Nous vivons effectivement sous l'hégémonie américaine. Elle est détestable, mais elle existe. Il est tout à fait vain d'imaginer que nous pourrions ne pas être dans cette situation. L'illusion, la chimère de de Gaulle était précisément d'imaginer qu'il pourrait jouer l'arbitre entre les deux blocs alors qu'il était pieds et poings liés dans la main des Américains, qui avaient permis son accession au pouvoir en 1958, (tout en sachant combien il fallait se méfier de lui), et ils l'ont laissé faire un petit tour de piste à deux conditions: premièrement qu'il lâche l'Algérie (ou l'armée française était victorieuse), ce qu'il a fait, et deuxièmement, qu'il soit "amovible", c'est à dire qu'au moment où il commencerait à devenir gênant la puissance américaine puisse s'en débarrasser facilement, ce qu'elle a fait en mai 1968.
C'est une humiliation sans nom pour notre vieux continent civilisé d'être dominé par des barbares comme les yankees. Mais nous le sommes. Nous le sommes au même titre que l'orgueilleux duché de Milan a été soumis ... aux Suisses (très brièvement il est vrai) ... à la France (très brièvement aussi) puis durablement à l'Espagne et enfin à l'Autriche des Habsbourg. Il ne retrouva jamais sa souveraineté puisqu'il ne fut libéré des Autrichiens qu'au profit d'un état italien unitaire. Donc voilà: nous sommes soumis. Nous sommes asservis. Nous sommes une colonie. L'OTAN et l'UE ne sont que les instruments assurant la domination sur nous. C'est insupportable mais c'est la réalité. Et il se pourrait que nous ne retrouvions jamais notre liberté, hélas.
Nous avions appris à vivre avec cette domination de gens que nous méprisons (en tous cas pour ma part je les méprise, et de plus en plus). Il y a eu un bon usage de l'OTAN. Pendant la guerre froide l'OTAN a permis le maintien des régimes de Franco et de Salazar (qui ont été prestement effacés peu après la disparition de leurs fondateurs). Mais aujourd'hui que cette organisation n'est plus tenue de feindre l'anticommunisme dans le jeu truqué qui était celui de la guerre froide, le vrai visage de l'OTAN s'affiche au grand jour.
En réalité cette puissance qui nous oppresse est porteuse du même contenu que le bolchévisme. C'est le même projet que le bolchévisme, exactement. Je sais bien, vous me direz qu'il y a une grande différence. On n'est plus dans les massacres de masse des années 20 en URSS. Certes, mais des massacres de masse l'OTAN en a commis d'aussi graves, dans divers points du monde. D'autre part sous les plis du drapeau de l'OTAN c'est le marxisme culturel de l'école de Francfort, la théorie du gender, la dislocation de nos sociétés par l'appui total aux revendications "LGBTQI", et simultanément la submersion migratoire musulmane organisée... par l'OTAN (c'est à dire par le même système de puissance), soit l'attaque la plus violente que nous ayons connue dans toute notre histoire, et la négation la plus radicale et nihiliste de notre civilisation chrétienne, certainement plus efficace dans sa puissance de destruction que ne l'était la brutalité bolchévique.
Disons qu'avec l'URSS nous avons eu la version Lénine, puis Staline du projet. Dans les plis du drapeau états-unien actuel, alors que le pouvoir est détenu par les néocons, nous avons affaire à la version Trotski, déguisée en "conservatisme" et défense de la "démocratie" et des "droits humains". Staline ou Trotsky, deux marques mais le même produit. Mais la version Trotski est plus efficace et plus dangereuse encore.
Reste donc la question de ce qu'il convient de penser de la Russie actuelle.
Je ne vois pas pourquoi vous êtes si sévère au sujet de son comportement en Géorgie. Elle faisait l'objet d'une agression. Elle s'est défendue. Elle l'a emporté. L'OTAN n'a pas pu réagir et a montré ainsi son impuissance à la face du monde. (Ce qui devrait vous faire réfléchir car cela montre que la promesse otanienne, celle de défendre les pays membres, ne vaut rien.) Voilà tout. Moi je dis: bien joué. Et je dis la même chose au sujet de l'affaire de Crimée.
A part ça, il y a beaucoup de gens, et je suis tenté d'en faire partie, qui voient avec sympathie l'affirmation par la Russie de Poutine des valeurs fondamentales élémentaires, familiales, religieuses, etc. qui contraste avec le nihilisme du camp occidental. D'ou un certain attrait.
La seule question qui se poserait encore, serait d'ordre spirituel. La Sainte Vierge à Fatima a demandé au pape de procéder à une consécration solennelle de la Russie à son coeur immaculé. Dans son message elle a explicitement désigné l'adversaire: le communisme. Ce geste d'ordre surnaturel (la consécration de la Russie, qui aurait du être célébrée solennellement par tous les évêques du monde en même temps) n'a jamais été accompli jusqu'à aujourd'hui. Même Pie XII s'en est abstenu. Et Jean-Paul II n'a pas hésité à procéder à un escamotage en tentant de faire croire que la chute, optique et obtenue par des moyens trop humains, du communisme en 1989 serait l'accomplissement de la prophétie de Fatima. L'Eglise n'a pas eu assez de foi pour se placer sur le terrain surnaturel et a préféré se limiter aux moyens humains de la diplomatie. Mais on est en droit de se demander si derrière la façade, l'esprit qui était celui du communisme, et ses appareils secrets, ne subsistent pas de manière occulte en Russie (dans le KGB-FSB?). Y aurait-il imposture derrière l'apparente façade chrétienne retrouvée de la Russie actuelle? Tout comme il y a imposture manifeste dans le discours de l'Amérique nihiliste des néo-cons se drapant dans le discours de la liberté.
Là est la seule question que je me pose. Et je ne sais comment y répondre. Mais je devine comment vous, qui êtes orthodoxe, y répondriez.
Si vous pensez qu'il subsiste un problème fondamental dans la Russie d'aujourd'hui et que ce serait toujours la même bête que du temps du bolchévisme, juste sous un autre masque, alors vous devriez convenir que ce mal d'ordre spirituel et surnaturel ne peut être guéri que par des moyens spirituels et surnaturels: la conversion de la Russie. Et pour cela, il faudrait sans doute accéder enfin à la demande de la Sainte Vierge de Fatima. En aucun cas ce problème ne sera résolu par la puissance nucléaire de l'OTAN, qui s'ingénie à garder l'Europe désarmée (en forces militaires conventionnelles) tout en acculant la puissance russe, pour sa survie, à une attaque désespérée pour briser l'encerclement.
Ainsi l'OTAN prépare par toutes ses forces le prochain conflit nucléaire en Europe.
J'espère c'est que vous serez d'accord avec moi sur ce point: Dans les plis du manteau de l'OTAN il y a le même monstre idéologique que dans le bolchévisme, juste une autre variété de la même chose, plus libérale et donc plus dangereuse.
Rédigé par : Zwingli | dimanche 21 août 2016 à 17:10