À vrai dire, même l'hypothèse inverse eût entraîné d'autres complications, notamment en raison des accords particuliers par lesquels depuis 43 ans la Grande Bretagne s'était assurée, habilement, un statut à part : au sein du marché commun, d'abord, auquel elle avait adhéré du bout des lèvres entre 1971 et 1973, puis à partir de 1991, date de la négociation oubliée de Maastricht, à laquelle elle avait participé pour fonder l'union européenne.
Après un solstice de juin, où pour la première fois depuis 70 ans, la pleine lune coïncidait avec l'apogée du soleil dans l'hémisphère nord, la grande affaire se focalise donc désormais sur le choix qui était proposé par leur gouvernement aux Anglais, aux Écossais, aux Gallois, aux Irlandais du nord, du moins ceux d'entre eux qui résident dans le Royaume Uni, entre le maintien dans l'Union européenne et le retrait.
L'Angleterre a choisi de quitter, non seulement l'Union, mais probablement aussi de manière irrémédiable, de récuser un processus dit de construction européenne, à quoi elle n'a sans doute jamais cru.
Tout avait été dit, tout avait été entendu, en France, depuis des semaines, à propos des deux hypothèses.
Et, une fois de plus, a été invoqué comme un mantra, le souvenir, très abusivement enjolivé, de celui qui se montra, pendant quelque 30 ans le plus grand commun diviseur du peuple français. Sa mémoire, dûment ravalée par la légende, est désormais présentée comme unificatrice. Et de nous rappeler, opportunément, son opposition à l'entrée de la Grande Bretagne dans ce qui ne se présentait alors que comme un marché commun.
Tout cela appelle, bien sûr, de nombreuses rectifications.
D'abord parce que, dans un ensemble comme l'Union européenne qui prit, avec le contreseing britannique en 1991, la succession du Marché commun, l'entrée et la sortie ne se présentent pas comme deux opérations symétriques. A priori même l'idée d'un retrait contrariait la philosophie des traités, qui envisageait, depuis le préambule du traité de Rome de 1957, une "union sans cesse plus étroite entre les peuples européens", ce dont les Britanniques ne veulent pas. MM. Cameron et Osborne qui ont fait, en ce printemps 2016, campagne pour le maintien avaient ainsi affirmé à l'automne 2015, de façon très explicite, leur opposition à cette formule. Est-ce donc à dire que s'ils l'avaient emporté le 23 juin ils se seraient ralliés à ce qu'ils rejetaient auparavant ?
Rappelons que, pour le moment si, du point de vue politique, la victoire des brexiteurs est tombée sans appel, du point de vue juridique, diplomatique, et même institutionnel interne au Royaume uni, il ne s'est encore rien passé. Même la démission, annoncée dès ce 24 juin, par le Premier ministre en compagnie de son épouse devant le 10 Downing Street ne demeure encore que virtuelle. Il se réserve la marge, très large, d'un calendrier dépendant d'un congrès conservateur qu'on se garde bien de convoquer en urgence. On pourrait donc bien prendre le temps de faire évoluer la situation.
Et on le prendra d'autant plus que tout reste à faire, qu'il s'agisse des 55 accords commerciaux, financiers, consulaires, etc. à renégocier, ou de points aussi épineux que les statuts futurs de l'Écosse ou de l'Irlande, ceci pour ne rien dire des bases extraterritoriales que Londres possède encore à Chypre ou du séculaire contentieux anglo-espagnol à Gibraltar.
Est-ce à dire aussi que ceux qui, sur le continent, reprochent à l'Angleterre et à ses dirigeants la pratique du double langage sont décidés pour leur part à avancer, sans elle, dans le sens d'une Europe confédérale ? nous n'en sommes aucunement assurés.
À entendre les propos des hommes politiques français, des éditorialistes des gros journaux ou des radioteurs de toutes couleurs, à voir les déchaînements des chauvinismes sportifs on retire plutôt l'impression inverse.
Au lendemain de ce vote, il conviendra pourtant, sur le Continent, de se parler enfin franchement.
Nos dirigeants auront-ils le courage et la force de repenser l'union en la situant sur les terrains militaire, monétaire, diplomatique, et plus seulement commerciaux ? Auront-ils même le désir de ne demander désormais à personne, et par conséquent ni aux Américains ni aux Russes, pour parler clair, de nous protéger ou d'arbitrer nos querelles de voisinage ? Auront-ils le cran de refuser la dissolution de l'identité européenne ?
Il y a sans aucun doute lieu de s'interroger, dans cette perspective, sur la politique de Mme Merkel, car tout tourne autour d'elle.
Son secret espoir était de s'accorder avec David Cameron, substituant un condominium anglo-allemand, plus efficace, au couple franco-allemand que Hollande a démonétisé. Pour se sentir moins seule on remarquera que, tout de suite, c'est une réunion à trois, avec l'Italien Renzi qu'elle convoque.
Un point faible paralysera la chancelière dans sa relation avec plusieurs pays du continent. Il résulte hélas de ses propres allers et retours, assez consternants, au cours de l'année 2015 sur la question migratoire. Tout au long de leur campagne, cette affaire aura été brandie par les brexiteurs plus inquiets, semble-t-il, de la libre circulation des Polonais que de l'implantation des Pakistanais.
Oui, par conséquent, tout reste à faire, et surtout, pour ce qui est de la France, à balayer devant notre porte.
Merci Jean-Gilles !
Si vous me permettez de mentionnere :
- Depuis de très nombreuses années (20 au moins) des Anglais dénoncent l'immigration-invasion du Royaume Uni, et particulièrement de la région de Londres, qui a conduit des centaines de milliers de Britons à émigrer vers les pays "affiliés". Il est vraisemblable que le peuple d'outre mer a voté pour le Breixit.
( - De même que les immigrés anglophones s'opposeraient maintenant à la politique de libre circulation des Européens ? )
- UKip s'est fortement opposé aux mesures de Bruxelles : il n'est que d'y avoir entendu les interventions de l'euro-député Farage ! Chez nos cousins d'outre Manche comme ailleurs dans plusieurs pays en Europe il y a un fort rejet de l'eurotechnocratie.
- Par la mondialisation, des pays mieux concurentiels ont de facto remplacé les usines britanniques dans les secteurs traditionnels de l'industrie c'est le moins qu'on puisse dire ; même si les vrais responsables sont les syndicats et les politiciens du Labour (accrochés comme chez nous à leurs "acquis sociaux" comme des moules au rocher)le peuple retient les conséquences et pas les causes britano-britaniques. Margaret, qui a sauvé l'économie britannique - n'a hélas pas pu finir le travail de reconstruction.
- La GB n'ayant pas pris l'euro, et le gouvernement de Bruxelles étant surtout un gouvernement d'euro-banquiers, Bruxelles s'est moqué à tort du Breixit !
Maintenant que la boite de Pandore est ouverte, l'Histoire va en principe pouvoir d'exprimer ... à condition que les peuples puissent parler, après que les élites aient présenté présentent EN VERITE les états des lieux, les erreurs commises, les enjeux, les possibles pour la civilisation européenne : pas évident tellement la technostructure a pris l'habitude de son absolutisme et que les médiats-menteurs lui sont soumis ! ET que les intérêts et la corruption verrouillent tout cela !
Rédigé par : Dominique | samedi 25 juin 2016 à 12:30
Où l'on voit qu'une possible iindépendance écossaise, récemment encore si décriée par les européistes, se verrait bientôt parée des plumes du paon maintenant que la Grande-Bretagne sort du système.
55 traités à renégocier ?
Combien de traités la Grande-Bretagne a t-elle négocié, renégocié ou dénoncé au cours de sa longue histoire ?
Les parties invités à ces traités ne feront aucune difficulté à les renégocier pour ne pas voir un marché de 60 millions d'habitants leur échappé.
La peur des procédures n'a jamais évité très longtemps à un couple qui ne s'aime plus de divorcer.
Un peu de bon sens...
Rédigé par : MP | samedi 25 juin 2016 à 13:27
Aucun(e) n'avait vu le problème du Remplacement.
Queen, Thatcher, etc ... allez, hop! poubelle de l'histoire !
Rédigé par : Certain | samedi 25 juin 2016 à 19:50
Je ne crois pas que les Brexiteurs étaient plus inquiets des Polonais que des Pakistanais. Les Polonais sont effectivement très nombreux en Angleterre, beaucoup plus que prévu, il y a des villages entiers de Polonais.
Mais l'impossibilité d'expulser des islamistes à cause des jugements de Bruxelles, les hordes africaines et moyen-orientales de Calais, et plus généralement le fait que le Royaume-Uni est plein à ras bord d'immigrés hostiles et notamment musulmans, tout cela a énormément joué.
La dernière affiche de Farage mettait en scène une colonne de réfugiés.
Maintenant, sur l'intégration européenne, une éventuelle armée européenne et tout le reste, je suis de l'avis des Anglais. Il faut détruire l'Union européenne. Cette bête est irréformable.
Imaginez une armée européenne ! Le désastre ! Ce monstre fonctionnarial n'est même pas capable de défendre ses frontières au niveau policier et administratif, en plusieurs années de "crise des migrants" toujours non résolue, et on lui demanderait de nous défendre à l'aide d'une armée ?
Alors que le service diplomatique de l'UE, pléthorique, est déjà en train de provoquer l'ire des diplomaties nationales en leur marchant sur les pieds ?
L'UE échoue dans la gestion des vaches, après soixante ans à s'occuper du sujet, et on va lui confier notre défense nationale ?
Pascal Lamy, sur RTL, disait que maintenant il fallait accélérer l'intégration économique, mais seulement à partir de 2018, parce qu'en 2017 il y avait des élections nationales !
Autrement dit, ces gens persistent et signent dans le déni de démocratie ! On aurait pu croire que le Brexit les aurait fait réfléchir, mais non. C'est comme avec le socialisme : quand il ne marche pas, c'est qu'il faut encore plus de socialisme ! Le but de l'UE, c'est de faire le contraire de la volonté des peuples.
Ces gens sont nos ennemis.
Rédigé par : Robert Marchenoir | dimanche 26 juin 2016 à 00:19
Je ne suis pas du tout déçu par cet article, très brillant. Vous connaissant je savais bien que vous n'alliez pas vous contenter de crier hip hip hip hurrah! Mais vous démêlez avec beaucoup de finesse un imbroglio impossible.
Pour ma part je me réjouis que les Rosbifs aient tranché un noeud gordien. Comme Suisse eurosceptique je me réjouis qu'ils cassent la baraque, ce château de cartes prétentieux qui prétend nous imposer es règles dont nous ne voulons pas. Il va y avoir de la casse. C'est certain. Les Écossais s'en iront peut-être. De mon point de vue helvétique cela me sera complètement équilatéral. D'ailleurs j'ai au fond de moi une antipathie pour le Rule Britannia et je n'oublie pas que depuis la "glorieuse" révolution de 1689 l'Angleterre a noué toutes les conspirations contre la France traditionnelle chère à mon cœur, puis elle a entrepris, et achevé, de détruire l'Allemagne, également chère à mon cœur. Que les Écossais opprimés par Londres depuis des siècles redeviennent indépendants me parait juste et me réjouirait plutôt. Que la perfide Albion cesse d'être un facteur dans la politique mondiale, ce sera un bon débarras.
La ou je tire quand même mon chapeau aux British c'est qu'ils ont sur tirer les conséquences de la prise conscience que l'UE représentait pour eux comme peuple la mort certaine. Pour retrouver leur liberté ils ont été prêts à prendre le risque, même de perdre un gros morceau de leur île. C'est une folie si on veut. Ils ont aussi commis la folie de faire la guerre à l'Allemagne avec les Americains, en sachant que le prix en serait la perte de leur empire. Quand ils veulent quelque chose ils ne calculent pas le prix. C'est tout de même admirable.
On verra comment les tenants du projet fédéral essaient d'ignorer les conséquences de cet écroulement retentissant. Visiblement ils sont dans le déni le plus complet. Ils ne veulent pas reconnaître que leur projet est caduc, tout simplement et qu'il faut y renoncer. C'est très impressionnant d'observer à quel point une aberration peut avoir la vie dure. Malgré tout tout ils ne pourront pas replâtrer. Une aberration est une aberration, c'est à dire qu'elle est condamnée à s'évanouir.
Pour mon pays, la Suisse, la classe politique continue de rêver de Bruxelles. Eux aussi s'accrochent à leur aberration. C'est ce qui m'inquiéte le plus.
Rédigé par : Zwingli | mardi 28 juin 2016 à 23:37
@RobertMarchenoir
"Il faut détruire l'union européenne. Cette bête est irréformable." Comme vous y allez. Ma parole ! Vous êtes en train de devenir aussi hostile que moi aux mannekenpis. Ça fait plaisir
Rédigé par : Zwingli | mardi 28 juin 2016 à 23:42
Les peuples du Royaume-Uni ont dit qu'ils ne voulaient pas être dirigés par des technocrates.
Et comme le Royaume-Uni est encore une démocratie, les gouvernants ont donné la parole au peuple.
Ici, tout homme libre ne voudrait-il pas sortir ... de la f-rance" ?
Cela ne signifie pas qu'il rejetterait la F-rance, mais que depusi longtemps il n'en peut plus de ces "pouvoirs" qui ont étouffé nos libertés et ruiné notre pays.
De ce côté de la Manche, de fausses élites - politiques, syndicales, etc. religieuses même - n'ont cessé de rajouter des surcouches antidémocratiques dans la société française.
Tout nos systèmes de gouvernance reposent sur l'effacement de l'idée de la Démocratie. Les "élites" prétendent savoir ce qui est bon pour le peuple ... et leurs lois, leurs fiscalisme, (et leurs huissiers) noient la liberté.
1968 a terminé de balayer la Démocratie à coup de principe de plaisir (Marcuse). Tous les principes naturels de la vie, et civilsationnels ont été reniés. Avec la consommation individuelle effrénée, et le surendettement qui l'accompagne ...
Dans un contexte la démagogie, ces mauvais gouvernants - de bas en haut des échelles - ont pris goût à une dictature de fait.
Et ils ont empêché une issue heureuse par le haut, en s'OPPOSANT à la mise en place d'institutions européennes démocratiques ! Elles les auraient marginalisés !
Elles auraient protégé les peuples.
Naifs ceux qui pensent qu'une évolution est possible. Pour conserver leurs pouvoirs et l'argent qu'ils volent, ils sont prêts à tout. Y compris à encourager l'immigration-invasion qui est en cours de réalisation depuis des décennies dans les pays ex-coloniaux (plus de 15.000.000 d'extra européens en f-rance), et depuis quelques années dans tous les pays européens (6.000.000 de nouveaux immigrés en 5 ans).
Comme le basculement de l'Europe chrétienne dans une Europe musulmane, dont des signes sont visibles.
Hélas car le christianisme reste comme le dernier rempart contre les barbaries en Europe comme dans le monde entier.
Rédigé par : Dominique | mercredi 29 juin 2016 à 10:20